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ONU : la défense des droits de l’homme, un combat de longue haleine pour Michelle Bachelet

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Michelle Bachelet a pris ses fonctions de Haute-Commissaire des Nations Unies aux droit de l’homme en 2018. Elle est la septième personnalité à occuper cette fonction. L’ancienne Présidente du Chili, qui a annoncé le 13 juin dernier qu’elle ne se présenterait pas pour un second mandat, s’est battue pendant quatre ans pour les droits humains. 

Dans une interview accordée a ONU Info, Michelle Bachelet revient sur les aspects saillants de son mandat, et rappelle que la défense des droits de l’homme est un combat de longue haleine.

ONU Info – Au début de votre mandat il y a quatre ans, vous aviez déclaré à ONU Info que la défense des droits de l’homme était une tâche qui ne s’arrêterait pas à votre départ. Quelles ont été les tâches accomplies et lesquelles demeurent inachevées ?

Michelle Bachelet : Eh bien, je dois répondre à nouveau ce que je vous avais dit il y a quatre ans. C’est une tâche qui ne se termine jamais. Nous avons franchi des jalons importants comme la décision de l’Assemblée générale, selon laquelle l’homme a droit à un environnement sain. C’est l’issue d’un combat de longue haleine de la part de la société civile et d’un partenariat très fort entre nous et l’OMS pour faire pression en ce sens. 

La pire menace pour l’humanité est celle que nous appelons la triple crise planétaire : le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité. Donc, si cette résolution, grâce aussi à l’accord de Paris et les États membres, passent à l’acte, je pense que ce sera une étape très importante.

L’abolition de la peine de mort s’étend. Plus de 170 pays l’ont soit déjà aboli, soit établi un moratoire ; d’autres pays ont annoncé qu’ils iraient dans la même direction. C’est également une très bonne nouvelle.

Dans certains endroits, nous avons pu soutenir des personnes, de sorte que leurs voix soient entendues, et que les lois soient améliorées en termes de protection et de promotion des droits de l’homme, des droits des femmes ou des droits des enfants. 

Nous avons aussi travaillé à la protection des défenseurs des droits de l’homme. Avec d’autres agences et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), nous avons soutenu l’accord d’Escazú en Amérique latine,  qui entérine l’importance de la participation des populations pour lutter contre changement climatique, mais aussi l’importance de la protection des défenseurs de l’environnement, des peuples autochtones, etc. 

C’est toujours un travail qui doit avoir de grands objectifs, des objectifs moyens et des objectifs plus petits, car vous devez faire tellement de choses différentes dans de nombreux domaines. Un Haut-Commissaire ne peut pas décemment affirmer que tout est accompli à la fin de son mandat.

Au cours de ces quatre derniers années, les principes des droits de l’homme ont été soumis à rude épreuve : pandémie, guerres, attaques contre les droits des femmes, coups d’État militaires. Pensez-vous que les droits de l’homme sont en recul ? 

M.B. – Vous avez raison, le monde a changé de façon spectaculaire au cours de ces quatre années. Et maintenant, nous voyons les chocs qui se répercutent sur la crise alimentaire, énergétique et financière à la suite de la guerre en Ukraine.
Le monde s’est beaucoup polarisé, des coups d’État se sont produits au Myanmar, au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, sans oublier la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan.

Lors de la pandémie de Covid-19, certains pays ont profité des restrictions sanitaires pour restreindre la liberté de la presse et d’expression. 

Personne n’aurait pensé qu’une nouvelle guerre écleterait en Europe. Nous pensions que les droits de l’homme étaient acquis, ce n’est pas le cas.

Certains pays qui mentionnent sans cesse les droits de l’homme ne les respectent pas forcément. C’est une lutte constante de demander aux États membres de continuer à assumer leur responsabilité en matière de protection et de promotion, et de soutenir la société civile afin qu’elle puisse également jouer son rôle. 

D’un autre côté, tant de mouvements importants ont vu, le jour. Les jeunes manifestent pour la planète, les femmes, les mouvements Me TooBlack Lives Matter, toutes les manifestations contre le racisme systémique, etc.

J’ai donc observé un recul dans certains domaines et des avancées importantes dans d’autres. Comme toujours dans la vie, vous vivez de bons moments et des moments difficiles, et vous devez composer.

Quels ont été les moments les plus difficiles pour vous ? 

M.B. – Différentes choses. Parfois, vous devez faire face à des cas personnels terribles qui vous touchent au coeur. Je reviens tout juste de Cox’s Bazar au Bangladesh, où j’ai parlé aux Rohingyas qui nous demandent, à nous les Nations Unies, de faire en sorte qu’ils puissent retourner au Myanmar. Nous ne sommes pas en mesure pour l’instant de le faire, car les conditions pour leur sécurité ne sont pas réunies.

Une autre difficulté, non seulement dans le monde mais aussi au sein du Haut-Commissariat fut la pandémie de Covid-19, car tout a changé.

Nous avons dû nous adapter. La fermeture, les quarantaines, étaient vraiment compliquées pour beaucoup de gens, y compris nos collègues avec des enfants… Nous avons aussi dû faire face aux inégalités d’accès aux vaccins et aux traitements. 

En voyant comment la Covid-19 a mis à nu toutes les inégalités dans le monde, j’ai compris qu’une fois  remis de la pandémie, nous ne pourrions pas revenir au monde d’avant, car il était injuste. Le monde d’avant nous a donné la pandémie, mais cette pandémie nous a aussi donné la possibilité de discuter de ce que nous voulions pour l’avenir. Chaque problème porte en germe des opportunités.

Votre prédécesseur, Zeid Ra’ad Al Hussein, avait déclaré à la fin de son mandat qu’il valait mieux avoir eu tort de s’exprimer que d’être demeuré silencieux face à l’injustice. Avez-vous dû parfois garder le silence ou vous êtes-vous sentie libre ? Quels compromis, le cas échéant, avez-vous dû faire ?

M.B. – Chaque fois que je m’exprime, c’est en tant que Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, donc je m’exprime de manière indépendante. Toutefois, je ne parle pas en tant que personne, mais plutôt en tant que représentante de l’ONU avant tout.

C’est différent d’un citoyen ou d’une Organisation non-gouvernementale (ONG). La façon dont vous parlez peut être différente, parce que certains de vos objectifs ne sont peut-être pas les mêmes. Cela dit, je me suis toujours sentie libre de dire ce que je pensais ou ce que je jugeais important.

Bien sûr, tout le monde peut commettre des erreurs mais nous devons toujours tenir compte de nos buts lorsque nous nous exprimons. Il ne s’agit pas de parler pour le plaisir de parler. Le commentaire est si facile. Mais pour moi, il est tout aussi important de s’exrimer que d’avoir des résultats.

J’essaie toujours d’identifier le meilleur côté de chaque situation, car toutes les situations ne se valent pas. Parfois, vous n’avez pas d’autre choix que de parler de manière forte. Parfois vous optez pour une stratégie différente. Mais je n’ai jamais senti que quelqu’un m’imposait le silence. Je me suis toujours sentie libre de dire, ou de ne pas dire, ce que je pensais nécessaire de faire.

L’un de vos derniers voyages était en Chine. Qu’avez-vous l’impression d’avoir accompli ?

M.B. –J’ai pu rencontrer les autorités nationales, régionales et locales et pu transmettre tous les messages que je pensais important pour elles d’entendre de la part d’une Haute-Commissaire aux droits de l’homme, et de faire nos observations sur les choses qui devraient changer et comment tout – je dirais la loi et la politique – devrait être en conformité avec le droit international et les droits de l’homme.

J’ai pu m’exprimer librement sur tout ce que je considérais nécessaire. C’était important, car cela n’a pas eu lieu pendant de nombreuses années. Je crois toujours qu’il est important de dialoguer avec tout le monde. 

J’utilise la même méthode avec tous les pays du monde qu’il s’agisse de la Chine, du Royaume-Uni, des États-Unis ou d’un pays en développement.  

Que voudriez-vous faire lorsque vous voyez que les droits de l’homme sont violés dans des conflits, qu’il s’agisse de ceux qui sont sur notre écran radar comme l’Ukraine, mais aussi de ceux qui en sortent, comme le Yémen ou le Tigré ?

M.B. –Nous continuons à travailler sur toutes ces questions, mais j’aimerais que la communauté internationale n’oublie pas ces situations, et parfois, parce que tant de choses sont à l’ordre du jour et que certaines prennent plus d’importance dans les médias, politiquement parlant, j’ai l’impression que certaines d’entre elles, en particulier les conflits prolongés, sont oubliées et que les gens se sentent abandonnés par la communauté internationale.

Par exemple, nous constatons des violations au Yémen malgré la trêve. Nous pensons donc que le cessez-le-feu est une bonne chose, mais nous avons besoin maintenant d’un dialogue politique, d’un processus politique et de la protection des civils. Je pense donc que la réduction des hostilités a amélioré la capacité des acteurs humanitaires à apporter leur soutien. Mais seulement 41 % des fonds humanitaires sont couverts, par exemple.

Concernant la Syrie, nous voyons le conflit sur nos écrans de télévision, mais il faut maintenant rechercher des dizaines de milliers de personnes disparues, et le Secrétaire général va lancer un rapport dans lequel nous proposons un certain mécanisme à ce sujet.

Concernant le Sahel : lors de ma visite dans la région j’ai été témoin de tant de crises qui s’amoncellent, et je pense qu’il est important que la communauté internationale intensifie son soutien.

Et en Haïti, par exemple, nous avons vu aussi entre janvier et juin de cette année, nous avons documenté 934 meurtres et 680 enlèvements dans la capitale. Et il y a aussi des affrontements entre gangs qui font que 280.000 personnes ont été affectés et 5.000 enfants non scolarisés. Donc je pense que ces chiffres montrent pourquoi Haïti et ces autres crises doivent absolument rester dans l’agenda international.

Et enfin, des recommandations pour votre successeur ?

M.B. J’espère que j’aurai une conversation personnelle avec elle ou lui, quelle que soit la personne choisie. Tout d’abord, je veux partager mes expériences, des leçons apprises, des choses que vous n’auriez pas sues avant d’arriver à ce poste.

Je conseillerais d’être ouvert, de s’engager avec tous les États membres et les parties prenantes. J’expliquerais pourquoi cette position est si difficile, parce qu’elle vous demande d’être la voix des sans-voix. 

Ce travail exige de vous engager auprès des États membres, de fournir une assistance technique, de renforcer les capacités, mais aussi d’assurer le suivi et d’établir des rapports.

Il s’agit donc d’un mandat parfois contradictoire, ce qui ne rend pas forcément la tâche facile. Mais il existe des moyens d’y faire face et de s’y retrouver. 

EU Briefs publie des articles provenant de diverses sources extérieures qui expriment un large éventail de points de vue. Les positions prises dans ces articles ne sont pas nécessairement celles d'EU Briefs.

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