Le cri “Santo Subito” pour le pape émérite Benoît XVI
J’ai assisté à la messe de funérailles du Pape émérite Benoît XVI ce matin par un froid glacial, présidée par le Pape Francois. Cela fait un millénaire qu’un événement du genre ne s’est pas produit, un pape en fonction enterrant un autre pape qui n’était plus en fonction. C’est un événement rarissime dans l’Eglise catholique, la présence de deux papes dans un seul palais pontifical. C’est ce qui a donné un aspect très événementiel à la célébration des funérailles du Pape émérite Benoît XVI. Ce qui devait être sans doute une préoccupation jurisprudentielle pour le droit canonique. Benoît l’amoureux du Dieu de Jésus de Nazareth qu’il a expliqué et enseigné est parti dans la joie éternelle pour retrouver le Seigneur qu’il a servi avec zèle et intelligence de foi.
En effet, la cérémonie du Pape émérite Benoît XVI fut très sobre et pleine d’émotion pour les catholiques, ceux et celles notamment qui participaient sur la place Saint-Pierre au dernier adieu de l’Eglise à son digne “fidelis pastor”. Alors qu’une partie de la foule clamait “santo subito”, se rappelant encore les cris d’appels à la sanctification durant les funérailles de son prédécesseur Saint-Jean Paul II.
Benoît XVI un homme d’autorité théologique
Nombre de fidèles et d’observateurs de la planète catholique sont conscients qu’il a véritablement laissé pour l’épanouissement de la foi catholique, par ses écrits et son leadership de pasteur et maître, un fort héritage spirituel et intellectuel sur le plan de la théologie dogmatique et mariale. Cardinal Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et président de la Commission théologique internationale, a fait sa réputation non comme homme de pouvoir mais surtout comme figure d’autorité dans ce qu’il maîtrisait le mieux en tant que grand théologien méticuleux et homme de rectitude de la doctrine catholique.
Benoît VI un homme d’autorité
Deux faits pour ne citer que ceux-là ont marqué son passage. Le premier est la publication en août 1984, à Rome de l’Instruction “Liberatis Nuntius” “SUR QUELQUES ASPECTS DE LA “ THÉOLOGIE DE LIBÉRATION “, document adopté à l’époque par Sa Sainteté le Pape Jean Paul II. Ledit document eut pour objectif de relever les erreurs doctrinales du courant de la théologie de libération en Amérique latine, inspirée de l’analyse sociale marxiste, qu’il jugeait non conforme à la doctrine théologique catholique. Ce qui lui a valu des critiques de conservateur de la part des théologiens de la libération. Il ne s’en faisait pas malgré les critiques mêmes acerbes et continuait à défendre les positions doctrinales de l’Eglise.
Benoît XVI un homme éprouvé
Le deuxième fait est la réponse apportée par Benoît XVI, alors qu’il était dans sa retraite pontificale, contre l’accusation de mauvaise gouvernance, des scandales sexuels rapportés par le cabinet juridique Westpfahl Spilker Wastl (WSW). En effet, Joseph Ratzinger, Benoît XVI l’ancien pape (de 2005 à 2013 ), a connu lui-même de profondes douleurs avec la crise des scandales sexuels éclaboussant l’image de l’Eglise. Un rapport sollicité par le diocèse de Munich par le cabinet Bavarois (WSW) sur les abus sexuels durant son administration ecclésiastique a tenté de mettre en cause sa responsabilité dans la gestion des abus sexuels commis par des prêtres de l’Archidiocèse qu’il dirigeait à Munich entre 1977-1982. Le Cardinal Ratzinger aurait couvert ou nié la culpabilité particulièrement de quatre prêtres pédophiles notamment.
Il faut dire qu’aucun Archevêque pour la période n’a été épargné par le rapport. Quoiqu’il en soit Benoît XVI a donc été appelé à s’expliquer pendant l’enquête. En effet, dans sa retraite pontificale, il a répondu dans un long document argumenté à la méthode thomiste en niant clairement toute responsabilité. Pour certains ce fut une page d’épreuve dans sa vie et, pour d’autres, une page sombre à la fois pour son pontificat et l’Eglise.
Benoît XVI partisan et amoureux de la vérité
Benoît XVI, fut un grand théologien débatteur respectueux de son interlocuteur, intellectuel raffiné qui a marqué l’histoire de l’Eglise contemporaine. Il était un partisan et amoureux de la vérité, par ses diverses positions dans des débats souvent controversés sur le plan philosophique et doctrinal en dialogue avec la culture moderne. C’est le cas de son entretien avec Jürgens Habermas ce grand auteur et philosophe allemand de la “ théorie de la discussion” dans “ Raison et religion”. La dialectique de la sécularisation (2010), ouvrage publié dans les éditions Controverses et Salvator; Dieu sauve la raison (DDB, 2008).
En effet, il fut un pape célèbre, d’une grande culture philosophique, d’une foi redoutable, d’une autorité religieuse articulée d’un néothomisme, qui a défendu avec piété et raison la doctrine catholique dans le contexte des nouveaux défis posés à la foi chrétienne. Tout son combat duquel il est sorti physiquement, spirituellement et intellectuellement fatigué de son pontificat dans ses derniers moments d’un “ouvrier humble” et serviteur dans la vigne du Seigneur, était de convaincre l’Europe, à laquelle il est resté fidèle jusqu’à son testament spirituel, de ne pas renoncer à Dieu, du moins ses racines chrétiennes.
Il a mené une bataille qu’on peut interpréter anthropologique et théologique, contre le relativisme culturel, l’athéisme postmoderne et le sécularisme. Malgré tout, comme homme de foi, il ne semblait pas perdre l’espoir après sa renonciation. Alors qu’il continuait à écrire avec son fort caractère d’intellectuel téméraire allemand et d’enseignant pour défendre la foi chrétienne en Europe. Il a plaidé la cause de Dieu et de l’humanité en mettant foi et raison en dialogue durant ses voyages pontificaux dans les grands centres d’institutions universitaires et politiques européennes.
Benoît XVI le prophète de l’espérance africaine
S’il ne semble pas être sorti gagnant dans la reconquête chrétienne de l’Europe jusqu’à sa mort il ne perdait pas tout espoir. Il savait puiser dans tous les lieux où la foi chrétienne pouvait avoir un écho sonore et offrir une joie débordante pour l’âme. En effet, il avait misé sur la vitalité de la foi catholique en Afrique, la qualifiant de source d’espérance. Ce qu’il appelait de son expérience africaine et de son ton: “une foi joyeuse”.
A la vérité ses trois voyages effectués en Afrique (Cameroun, Bénin , Angola) durant son pontificat ont été des occasions de vivre l’expérience d’une grande catholicité, d’évangélisation pour renforcer la foi dans ce continent pour l’universalité de l’Eglise. L’Afrique à l’opposé de l’Europe était ainsi devenue pour lui une vraie source d’espoir pour l’avenir du catholicisme.
Lors de son premier voyage sur le continent africain au Cameroun en 2009, pays qu’il désignait comme l’Afrique en miniature, la force de son message était de nature pastorale significative. Il encourageait ses collaborateurs, ses frères les évêques, d’investir davantage dans une méthode d’évangélisation devant tenir compte du contexte culturel africain. Il exhortait à adopter les valeurs et les mœurs traditionnelles africaines qui sont conformes à l’Evangile, au bien-être de la femme et de l’homme africain. Il a fait la pastorale des familles comme un socle pour l’avenir et la survie de l’Eglise et de la société.
Dans “Eclesiae in Africa” (1995) et “Africae Munus” (2011), trois thèmes majeurs se rejoignent et ont marqué son engagement aux côtés de l’Episcopat Africain envers le continent à la suite de son successeur Jean Paul II. Ces thèmes sont: la justice, la paix et la réconciliation. Le Concile Vatican II, en effet, faisait déjà de ces thèmes l’objet de réflexion dans la constitution pastorale Gaudium et spes. Benoît XVI avait compris les besoins spirituels de l’Afrique en l’illustrant dans ses discours à travers effectivement son deuxième voyage sur la terre d’Afrique particulièrement au Bénin (du 18 au 20 novembre 2009).
Il est important de souligner que cette visite a eu lieu très peu de temps après l’organisation du Synode africain du 4 au 25 octobre 2009, à Rome. En signant et communiquant son exhortation post-synodale sur la terre africaine et non pas à Rome, comme on le faisait traditionnellement, il a voulu signifier son engagement non seulement pastoral apostolique mais aussi montrer sa confiance dans le développement de l’Eglise africaine, le travail des Pères post-synodaux, aussi la significance de la catholicité et l’universalité de l’Eglise. Plus encore dénommée l’Afrique comme “ le poumon spirituel de l’humanité” dans Africae munus 2011, numéro 13. Benoît XVI a rendu un hommage à l’évangélisation en Afrique appelant les chrétiens africains à maintenir la vitalité de leur foi en incarnant le Christ dans leur socio-histoire en dépit des souffrances engendrées par les conflits.
Benoît XVI et le dialogue de vie
Son engagement pour favoriser le dialogue inter-religieux était un aspect important pour montrer qu’il avait compris les enjeux d’une évangélisation où les africains doivent être les premiers artisans pour rendre de manière concrète le projet d’Eglise-Famille de Dieu. D’où l’importance de favoriser le dialogue interreligieux dans une société pluraliste de culture pour permettre le vivre-ensemble communautaire des différents groupes religieux.
Étant donné que l’Afrique était agitée par des guerres entre frères et des crises en tout genre mettant en cause la dignité des hommes et des femmes, il ne désirait rien d’autre pour le Peuple africain que des conditions d’existence essentielles pour qu’il puisse célébrer et vivre sa foi. Il avait compris que l’évangélisation et la promotion humaine ne peuvent se faire et réussir que si les conditions sociales et politiques sont susceptibles de garantir leur épanouissement. Il en appelait à la collaboration des autorités d’Etat avec l’Eglise pour promouvoir une vie digne de l’Homme africain.
Benoît XVI et l’inculturation en Afrique
Sur le plan de l’inculturation, il n’avait pas manqué d’insister sur le respect de la culture traditionnelle de l’Afrique comme occasion de rencontre, de dialogue, d’annonce, et de conversion. L’inculturation pour Benoît XVI est un lieu hautement théologique d’inspiration et d’approfondissement de la réalité de la foi en contexte d’éléments nouveaux de défis culturels africains. C’est une démarche pas seulement académique de mise en opération de nouveaux concepts sociologiques mais une expérience de foi. Il s’agit de trouver dans les événements le sens de l’Evangile pour affermir la foi fu chrétien sans nier les valeurs spirituelles qui parlent de l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ au sein de son peuple.
Laquelle démarche, en effet, qui ne s’arrête pas et prend des formes à mesure de la dynamique des sociétés et des identités qui appellent au dialogue, à la rencontre de l’autre dans la cohabitation saine avec la foi en Jésus-Christ. L’inculturation pour Benoît XVI, en définitive, c’est l’assomption théologique de la culture africaine comme lieu de foi, d’espérance et de renforcement du chantier de l’évangélisation avec les germes de vie du salut en Afrique.
Un témoin défenseur de la foi catholique
Benoît XVI a servi le catholicisme avec une foi redoutable, intelligente et d’une douceur spirituelle. Son héritage fondé sur la genèse des sources chrétiennes bibliques néotestamentaires et de la tradition ecclésiale est une richesse à puiser pour la foi catholique essentiellement et l’Eglise pour sa mission dans le monde aujourd’hui. Après le Concile Vatican II, il était persuadé que la théologie avait une tâche, celle d’expliquer la foi et la mettre en cohérence avec le monde en changement et les idées nouvelles.
Ainsi le Pape Benoît XVI a apporté un message universel au monde, dans ses exhortations apostoliques, représentant une synthèse si l’on peut dire, de son enseignement théologique, spirituel et pastoral, “Deus caritas est” (Dieu est Amour), sa première encyclique qui est sortie en 2006. Il a prêché Dieu comme la réponse au mal et la quête de sens pour l’Homme et son équilibre. Il l’a proposé comme un incontournable chemin de liberté dans la vie de l’homme moderne devant le désespoir, afin de nourrir son espérance, son droit légitime d’aspiration au bonheur. Il a invité le monde à promouvoir l’amour humain à l’instar du Christ, la liberté religieuse, l’espérance chrétienne. Il a insisté notamment sur le respect de la dignité humaine, qui est dans chaque culture, chaque peuple, et chaque personne qui est faite à l’image de Dieu.
Benoît XVI plus populaire à sa mort
Son message et son leadership ecclésial ont touché le cœur du monde. L’hommage dont il a été l’objet est non moins égal à son passé de maître contemporain de la pensée chétienne catholique. Selon le site catholique Fr. Zénith.org, qui a rapporté les statistiques sur les participants à la messe sur la place Saint-Pierre, “plus de 50.000 mille personnes ont assisté aux funérailles ; 3.000 prêtres, et 125 cardinaux ont été recensés. Avant la messe d’enterrement pendant trois jours 195.000 personnes ont défilé devant le cadavre de Benoît XVI. Sa mort a suscité un écho dans la presse mondiale. De la ville de Paris, la Cathédrale Notre Dame de Paris a salué son départ par le glas resplendissant de ses cloches, au moment même où son cercueil faisait son entrée pour la cérémonie officielle qui l’attendait.
L’hommage mérité du monde politique
Alors incontestablement à l’occasion de ses funérailles, Benoît XVI a mérité l’hommage de son Église toute entière et des personnalités du monde pour les pages d’histoire inscrites durant sa vie d’homme public. Notamment le Président togolais, SEM. Faure Essozimna GNASSINGBÉ qui a participé aux funérailles aux côtés du Roi Philippe et de la Reine Mathilde de Belgique ; la Reine Sofia d’Espagne était présente, accompagnée de Felix Bonōs , ministre de la Présidence. La liste des noms des autres chefs d’Etat et chefs de gouvernement peut être retrouvée sur le site de fr. Zenit. Org . Également la présence des différentes délégations officielles et privées qui ont participé à la messe de funérailles du Pape émérite Benoît XVI, à Rome ce 5 janvier 2023. “Benoit que votre joie soit parfaite en entendant la voix de Dieu pour toujours “ a dit le Pape François.
Jean Jude Piquant
Ambassadeur d’Haïti près le Saint-Siège