La confrontation du président Emmanuel Macron avec les syndicats français au sujet de ses projets de réforme des retraites est largement rapportée comme un problème typiquement français. Cela devrait se lire «à tort» car les retraites sont une crise imminente aux proportions désastreuses pour l’ensemble de l’Europe.
Les régimes de retraite publics de la plupart des pays de l’UE sont inabordables, les retraites privées sont soumises à une telle pression financière qu’elles sont de plus en plus insoutenables, et les jeunes d’aujourd’hui sont avertis qu’ils ne pourront probablement pas prendre leur retraite avant 80 ans.
Cette situation alarmante en surprendra plus d’un, mais la crise des retraites en Europe couve depuis plus de quarante ans. Dans les années 1980, les démographes ont commencé à mettre en garde contre les implications de la baisse des taux de natalité, et les ministères des Finances auraient alors dû préparer des plans pour faire face aux coûts de la retraite.
Au lieu de cela, les politiciens des années 80 parlaient allègrement de la « révolution des loisirs ». Les heures de travail étaient souvent réduites et la France allait bientôt introduire une semaine de 35 heures basée principalement sur la théorie douteuse selon laquelle cela résoudrait les problèmes de chômage du pays.
Semez le vent et récoltez la tempête, comme le dit le dicton biblique. Partout en Europe, les gouvernements sont pris au dépourvu par les effets combinés de l’allongement de la durée de vie, de la diminution de la main-d’œuvre, des niveaux d’épargne insuffisants et du refus généralisé des contribuables d’accepter une retraite plus tardive.
La caractéristique la plus notable des protestations en France contre le projet de Macron d’augmenter l’âge légal de la retraite de deux ans à 64 ans est qu’il n’est pas « politique » au sens accepté. L’extrême gauche et l’extrême droite sont toutes deux contre, de sorte que les réformes contestées semblent davantage être une question d’équité d’une part et de bon sens d’autre part. Les gens qui approchent de la retraite se plaignent à juste titre qu’il est injuste de changer un système auquel ils ont déjà cotisé, mais la réalité financière est qu’il ne peut pas être maintenu indéfiniment.
Concilier ces deux visions est au cœur de ce que devraient être les valeurs d’une société civilisée et est un avant-goût des débats qui feront tôt ou tard rage en Europe. En attendant, les faits avérés sont irréfutables, même si cela ne résoudra pas nécessairement les arguments autour du vieillissement de l’Europe. Les vingt-cinq prochaines années verront une chute spectaculaire du nombre d’employés contribuables et une augmentation encore plus frappante du nombre de retraités.
Selon les tendances actuelles, l’Europe comptera 35 millions de travailleurs de moins d’ici 2050 et près de 50 millions de retraités de plus. Les plus de 60 ans représenteront environ un tiers de la population, et l’OCDE prévoit que le coût des retraites épongera 12 % du PIB, ce qui est inabordable.
Certains analystes des retraites calculent qu’il faut 2 000 milliards d’euros pour que les régimes de retraite déficitaires des États membres de l’UE soient viables. Leurs inquiétudes sont partagées par un nombre croissant de retraités potentiels, plus de la moitié des personnes interrogées il n’y a pas si longtemps par le géant des pensions privées Aviva se disant préoccupées par leurs propres perspectives de retraite.
L’accélération de la crise des retraites découle en partie des réductions erronées de l’âge de la retraite ces dernières années, ainsi que de la vitesse à laquelle le vieillissement de l’Europe perturbe les besoins de dépenses des gouvernements. Le ralentissement de la croissance économique depuis la crise financière mondiale de 2008-2009 a réduit les revenus des fonds de pension ; chaque tranche de 100 000 € investie dans un régime de retraite privé rapportait autrefois 12 000 € par an à la retraite, mais maintenant ce rendement est tombé à 5 000 €.
Lorsqu’Emmanuel Macron a averti les électeurs français l’été dernier qu’ils vivaient « dans les derniers jours de l’ère de l’abondance », il a été ridiculisé par certains comme un prophète de malheur et un défenseur des riches. Le président français est néanmoins le seul politicien d’envergure qui semble prêt à avertir les Européens des conséquences fâcheuses de l’allongement de la durée de vie et de la chute des taux de natalité.
Le fait que le deuxième mandat de Macron se termine en 2027 l’enhardit sans aucun doute. Mais ce que ses détracteurs appellent parfois son approche « technocratique » devrait également être copié par d’autres dirigeants. Eux aussi doivent reconnaître publiquement les dangers inhérents au vieillissement de l’Europe et leur propre refus de voir que les jeunes générations sont injustement accablées par les coûts futurs et les dettes croissantes. Le fait qu’ils ne le fassent pas est une mise en accusation de la façon dont les intérêts électoraux des partis politiques l’emportent si souvent sur les intérêts plus larges de la société européenne.
Les opinions exprimées dans cet éditorial reflètent celles de l’auteur et non celles des Amis de l’Europe.