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Photographie : La Série « Rendre visibles les Invisibles » de Warren Saré, le passeur de mémoire

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A travers sa série de 200 portraits d’anciens combattants intitulée Tirailleurs : Rendre visibles les Invisibles, le photographe burkinabè Warren Saré s’inscrit dans le rôle de « passeur de mémoire ». La précieuse moisson réalisée à travers des pays de l’Afrique de l’Ouest et la France a fait l’objet d’exposition au Burkina Faso, le Bénin, la France, la Belgique, les Etats-Unis, et récemment en juin et juillet 2023 au Centre culturel franco-nigérien Jean Rouch de Niamey.

La petite histoire dans la grande histoire. En documentant l’histoire d’anciens combattants qui se sont battus pour la France, Warren Saré évoque aussi des faits qui le concernent personnellement, car son arrière-grand-père a pris part à la première guerre mondiale d’où il n’est jamais revenu. « C’est l’histoire de mon arrière-grand-père que je poursuis comme ça », confie-t-il en parlant de ses motivations pour la série qu’il a consacrée à ces hommes qu’on appelle anciens combattants ou tirailleurs.

Tout jeune dans les années 80 Warren avait commencé à questionner son grand père sur l’histoire de ces hommes qui se sont sacrifiés pour la métropole sur les différents champs de batailles. Et, à partir de 2005 le photographe burkinabé se lança dans une longue et passionnante quête, parcourant l’Afrique de l’Ouest mais aussi la France pour rencontrer ceux qui parmi ces anciens combattants étaient vivants ou leurs veuves pour recueillir leurs témoignages.

« lls taisent souvent cette histoire à leur famille, alors qu’ils conservent précieusement des effets dans leur cantine militaire. Avant de les prendre en photo, il faut réveiller aussi tout ce passé qui est douloureux. Il faut connaître cette page d’histoire et la transmettre surtout aux jeunes », affirme Warren Saré.

Des visiteurs appréciant des portraits lors de l’exposition « Tirailleurs. Rendre visibles les Invisibles » au CCFN de Niamey

Le photographe ne veut rien laisser concernant cette mémoire douloureuse.L’art photographique, estime-t-il, est un outil pour le passage des objets de mémoire d’une génération à l’autre. En cela les expositions sont un moment important de transmission. Et Warren Saré ne rate pas les occasions pour assurer cette mission de passeur de mémoire. C’est donc avec une grande joie qu’il s’est retrouvé au CCFN Jean Rouch de Niamey puisqu’il voulait exposer ses photos au Niger où certains de ses portraits ont été réalisés.

Le photographe était à Niamey, Maradi, Zinder pour rencontrer ces hommes, qui ont combattu pour la France, réveiller leur passé douloureux, et les immortaliser. Il montre ces hommes âgés, arborant leurs effets dont de grosses médailles, entourés souvent de leur fils, filles, femmes et petits enfants. Des fois les veuves de ces anciens combattants sont aussi photographiées.

Certaines personnes de cette série de portraits sont aujourd’hui vivantes. C’est le cas de Dandié Bonkano qui était sur les fronts en Indochine et en Algérie. Il était présent au vernissage de cette exposition au CCFN Jean Rouch de Niamey.

Parmi les autres portraits on retrouve aussi celui du tirailleur sénégalais Yoro Diao dont le retour récent de la France au Sénégal a été très médiatisé.

Toutes ces œuvres nous apprennent beaucoup et participent de la transmission de la mémoire collective. « Aujourd’hui, on a plus besoin d’éducateurs que de gouvernants », soutient Warren Saré.

Warren Saré, un féru de l’art photographique

Warren Saré, dont le travail est admiré à travers le monde illustre l’abnégation et l’amour du travail. Que de chemin parcouru, mais aussi d’obstacles surmontés pour arriver là où il est.

Tout jeune, Warren Saré rêvait d’écrire, mais n’ayant pas été à l’école, c’est avec son appareil photo qu’il réalise son rêve. Sa maman a fortement contribué dans sa trajectoire. Pour soulager la déception de son fils apprenti photographe suite à sa mésaventure auprès de son patron au village de Begado, la maman de Warren fit tout ce qu’elle pouvait pour l’envoyer à Ouagadougou afin que l’adolescent y apprenne le métier qu’il affectionne tant.

« Eprouvée de m’avoir vu malheureux, suite à un incident avec mon patron, ma mère a vendu sa chèvre à 3000 FCFA pour me payer le ticket du voyage à 1000 FCFA et me donna 2000 FCFA comme argent de poche. Elle m’a dit, « mon fils tiens, va en ville pour chercher à devenir photographe ! » Et mon aventure en ville commença, car je n’avais aucune connaissance à Ouaga », raconte avec fierté et émotion Warren Saré. Après plusieurs petits métiers le jeune homme a pu commencer l’apprentissage pour devenir photographe.

Actuellement Chevalier de l’Ordre de mérite des arts, des lettres et de la communication du Burkina Faso ; président du Centre Photographique de Ouagadougou, initiateur du réseau africain de la photographie créative ; animant régulièrement des masters Class au profit des jeunes avec des interventions dans les lycées en Afrique, France, etc., Warren affirme être toujours en train de « chercher à devenir photographe ». Une modestie appréciable à sa juste valeur, à en juger par ses œuvres.

Remarquable par sa bonne humeur, un bel atout pour son métier, l’air plutôt jeune, Warren Saré poursuit sa trajectoire et sa mission d’historien de la photographie.

D.D Mousoul

EU Briefs publie des articles provenant de diverses sources extérieures qui expriment un large éventail de points de vue. Les positions prises dans ces articles ne sont pas nécessairement celles d'EU Briefs.

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