Nommé à la tête de la Direction Nationale de la Pharmacie et du Médicament (DNPM), en février 2018, donc à peine 2 ans, Pr Falaye Traoré fait déjà parler de lui pour ses œuvres réalisées en si peu de temps ? Du moins, d’après plusieurs témoignages recueillis sur place au Ministère de la Santé et à travers les pharmaciens des Établissements pharmaceutiques de la Guinée.
Nous l’avons approché. Plutôt, il s’est senti à l’aise avec nous, lorsque nous l’avons abordé sur certaines questions d’actualité, entre autres : Le problème du nombre de sociétés grossistes répartiteurs de produits de santé en Guinée, la vente illicite du médicament, l’importation des médicaments dans notre pays, les grandes réformes réalisées et en cours par le département de la Santé. Mais, au fond, qui est cet homme ?Tenez-vous bien ! En plus de sa fonction de Directeur National de la Pharmacie et du Médicament, Pr Falaye Traoré est un agrégé en Pharmacie du CAMES. C’est lui qui a créé, d’ailleurs, les Facultés de Pharmacie des Universités « La Source », et « Kofi Annan de Guinée » à Conakry.
A l’Université Koffi Annan, il est vice-doyen, chargé de la pharmacie. On raconte même que c’est lui qui y a réhabilité la filière de préparateur en pharmacie, qui avait disparu en Guinée depuis 40 ans. Bref.« Quand je fus nommé en février 2018, mon constat a été qu’il y avait une anarchie à tous les niveaux dans le secteur pharmaceutique dans notre pays », fait-il remarquer. Avant d’expliquer : « D’abord, il y a une pléthore d’étudiants en pharmacie. Il y en a de très bons, mais aussi de très mauvais. Et tout le monde veut ouvrir une pharmacie. Ensuite, l’exercice illégal de la profession par les non professionnels et la vente illicite du médicament et autres produits de santé. Sans compter la pléthore d’établissements pharmaceutiques (industrie pharmaceutique, grossistes répartiteurs, agences de promotion, officines de pharmacie privée…) », indique Pr Falaye.
Autre chose, l’absence d’établissement pharmaceutique de fabrication de médicaments.Là-dessus, Pr Traoré est catégorique : « En Guinée, tout est importé. Nous ne sommes donc pas à l’abri de faux médicaments. Ce qui affecte dangereusement la qualité des services rendus à la population», déplore-t-il.
Comment corriger cette situation ?Selon le Directeur, Pr Falaye Traoré, le Ministère de la Santé s’est engagé dans de grandes réformes :Législatives et réglementaires (révision de l’ancienne loi pharmaceutique. Donc, il y a eu l’élaboration d’une nouvelle loi adoptée par l’Assemblée Nationale le 20 juin 2018 et promulguée par le Président de la République le 13 juillet 2018. La DNPM est en train de travailler sur les textes d’application de la nouvelle loi. Aujourd’hui, elle est à plus de 70%. Ce qui serait énorme pour 2 ans d’exercice !Administratives, c’est le manuel de procédures qui donne une idée de tout ce qui se passe au département de la Santé.
Toutes ces réformes doivent aboutir à l’assainissement du secteur pharmaceutique, plus particulièrement à la lutte contre l’exercice de la pharmacie par des non professionnels et la vente illicite du médicament, la maitrise des sources d’approvisionnement en médicaments et autres produits de santé.
Les efforts du ministère de la Santé ? Pr Falaye est satisfait des multiples efforts déployés pour relever les défis ce, avec l’implication de tous les acteurs (Le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens de Guinée, le Syndicat des pharmaciens d’officines privées de Guinée).
Pour preuves ? Il brandit : « La révision de la loi pharmaceutique, les différentes commissions d’évaluation des sociétés grossistes répartiteurs (3 commissions dont les 2 dernières commissions ont apporté des résultats qui ont été exploités. »« Janvier 2017-Décembre 2018, les résultats de la première commission d’évaluation ont permis d’abroger 45 sociétés grossistes répartiteurs. Et lorsque j’ai pris fonction, j’ai utilisé comme feuille de route les recommandations issues de cette évaluation », fait-il savoir.
« Aussi, de juillet 2019 à Août 2019, les résultats de la deuxième commission d’évaluation ont permis l’abrogation de 8 sociétés grossistes. Donc, de 106 sociétés grossistes à mon arrivée, aujourd’hui nous sommes à 50 », révèle-t-il. Pour dire quoi ? « Que le ministère est en train de travailler sans tambour ni tam-tam sur la maîtrise des sources d’approvisionnement en médicaments et autres produits de santé », ironise Pr Falaye, certainement en réponse à ses détracteurs ?
Le Directeur va plus loin, en nous promettant de mettre à notre disposition les statistiques des visas d’importation délivrés par le département entre 2018 et 2019.Mieux, de livrer toutes les copies originales de ces visas se trouvant à la DNPM.
En ce qui concerne le défi de l’exercice illégal de la profession et la vente illicite du médicament, notre interlocuteur nous apprend que le ministère, à travers la nouvelle loi pharmaceutique, a créé un organe consultatif dénommé Comité Technique de Lutte contre la contrefaçon des produits de santé.Qu’à côté de ce Comité, il a aussi créé une Brigade de Répression appelée Brigade MEDICRIME, chargée de mettre en application les décisions de ce Comité. C’est pour obéir, selon Pr Falaye Traoré, à la mise en œuvre de la convention internationale MEDICRIME que la Guinée a ratifiée en 2015 et le premier pays à le faire. « C’est le premier traité international dans le domaine du droit pénal qui criminalise la contrefaçon, la fabrication, la distribution et la vente de produits médicaux sans autorisation. Elle vise à protéger les droits des victimes », précise-t-il. Et de poursuivre : « A date, tous les organes du Comité Technique sont mis en place par le ministère de la santé et la Brigade est rendue opérationnelle. Cette dernière élabore des feuilles de route de ses interventions selon une logique qui tient compte du contexte dans lequel nous vivons en Guinée. D’abord, la sensibilisation, la convocation et la descente sur le terrain»Par ailleurs, il a été question de grèves dans le secteur pharmaceutique… ?
« C’est le 22 mars 2019 que le ministère de la Santé a été saisi d’un préavis de grève des pharmaciens du secteur privé. Ils avaient 6 points de revendication :La fermeture immédiate du marché de vente illicite de médicaments à Madina et l’arrêt de la vente illicite du médicament sur le territoire national.La mise à disposition de la justice, des sociétés MEDCO-PHARMA, DISPRO PHARM et la Pharmacie MALON-SINKO de Kankan, présumées impliquées dans la disparition du camion de faux médicaments.La non-ingérence de tiers dans les procédures judiciairesLa limitation du nombre de sociétés grossistes répartiteurs en pharmacieL’exonération de toute taxe à l’importation des matières premières et des emballages destinés aux pharmacies et industries pharmaceutiques pour la production locale des produits de santé en pharmacies ou en industries.La réinstallation soutenue des pharmaciens à l’intérieur du pays où ils auraient été chassés par les commerçants, vendeurs de médicaments et autres produits de santé.Et que suite à ce préavis de grève, le ministère s’est inscrit dans une série de rencontres qui a débuté le 25 mars 2019 et a connu une avancée importante lors de la rencontre présidée par le Premier Ministre Dr Mohamed Kassory Fofana, chef du gouvernement, dans la salle de conférence de la Primature, le lundi 20 Mai 2019.Le Premier Ministre, à l’occasion, a recommandé à Monsieur le Secrétaire Général du ministère de la Santé, d’organiser dès le lendemain une réunion avec le syndicat des pharmaciens d’officines privées de Guinée (SYPHOG), le conseil National de l’Ordre des Pharmaciens de Guinée (CNOPG) et les Services Techniques du ministère de la Santé. Cette réunion devra examiner de façon concrète les critères de sélection des sociétés grossistes répartiteurs et définir un chronogramme d’application de l’assainissement du secteur. Mais à la demande du CNOPG et du SYPHOG, il a été convenu de reporter la rencontre pour le mercredi 22 Mai 2019, à 10 h. Ce qui fut fait.Il fallait argumenter (1) le choix des 3 sociétés grossistes comme souhaité par le Président de la République, (2) se mettre d’accord sur les critères de choix de ces établissements, élaborer un chronogramme de mise en œuvre des activités, (3) prévoir des mesures d’accompagnement et (4) faire le point sur l’opérationnalisation de la Brigade MEDICRIME.
Sur le point (1), Pr Falaye Traoré d’insister sur la position actuelle de la Guinée. « En tenant compte de cela, il a été évoqué 2 options : Aller de façon progressive en appliquant le ratio d’une société pour 1 million d’habitants, soit arriver à 10 à 12 sociétés grossistes, ou pour la deuxième option, aller à 1 ratio d’une société pour 4 millions d’habitants, ce qui conduirait à 3 sociétés grossistes et en ajoutant la PCG pour faire 4 ».D’après Pr Falaye Traoré, après de long débat, il a été convenu de se caler sur la proposition du chef de l’Etat, comme objectif final à atteindre. Ce qui positionnerait la Guinée avec le ratio d’une société pour 4 millions d’habitants.En ce qui concerne le point (2), il a été convenu d’utiliser les textes d’application de la loi pharmaceutique. Ces critères ont été retenus et utilisés pour l’évaluation des sociétés grossistes par une commission d’évaluation présidée par le Conseiller Principal et composée de 10 membres dont 3 du CNOPG, 2 du SYPHOG, 2 de l’Inspection Générale de la Santé et 3 de la Direction Nationale de la Pharmacie et du Médicament (DNPM).
Toujours selon Pr Falaye Traoré, quant au point (3), qui est le chronogramme de la mise en œuvre des activités, il faut retenir:Distribution des critères retenus aux sociétés grossistes du 27 au 29 Mai 2019Mise à jour des normes par les sociétés grossistes du 30 Mai au 12 juillet 2019Evaluation des sociétés grossistes du 15 juillet au 15 août 2019Publication du premier rapport de l’évaluation le 25 août 2019.« Pour les mesures d’accompagnement, il a été reconnu que la limitation du nombre de sociétés grossistes répartiteurs va engendrer un certain nombre de conséquences parmi lesquelles figurent, la perte des investissements fait par certains, la perte d’emplois, la faible disponibilité des médicaments génériques essentiels dans le pays », une autre précision de taille !Face donc à cette situation, il a été recommandé au gouvernement les mesures suivantes :
Le changement de statut de la PCG, le renforcement de ses capacités par la subvention de l’Etat, le renforcement technique et matériel de l’Inspection Générale de la Santé, le contrôle de qualité à l’importation.La cession des stocks des sociétés grossistes répartiteurs non éligibles à celles qui seront retenuesLa prévision de mesures financières éventuelles de compensation.En ce qui concerne l’opérationnalisation de MEDICRIME, le ministère de la Santé a porté à la connaissance des membres de la réunion un certain nombre de mesures.
Entre autres, la signature de l’arrêté de nomination des membres de la Brigade, l’identification du site de Dixinn, en lieu et place de l’ancien bâtiment de l’Hygiène Publique, l’expression des besoins en ressources humaines validée par le ministère, la cartographie de tous les points de ventes informels de la ville de Conakry dont la liste sera transmise à la Brigade dans les meilleurs délais.
Cette réunion aurait pris fin sur un sentiment partagé de compréhension et d’optimisme pour arriver à assainir très vite le secteur pharmaceutique qui ternit l’image du pays et constitue un véritable danger de santé publique.
Enfin, les parties ont convenu de rendre compte des résultats de la rencontre au Premier Ministre pour toutes fins utiles et de se retrouver régulièrement pour le suivi de la feuille de route établie.Autant dire que le ministère de la Santé travaille dans la transparence totale et en impliquant tous ses partenaires pour l’assainissement du secteur pharmaceutique ! Alors, pourquoi ces agissements ou acharnements de Dr Manizé Kolié et autres qui menacent d’aller en grève ? (Ce sera l’objet de notre grande enquête sur ce dossier épineux).
Zeze Enema Guilavogui