Avec sa série d’espionnage sud-africaine Queen Sono, disponible dès vendredi 28 février, le géant américain suit les traces d’opérateurs comme TV5 Monde ou Canal+, très présents sur un continent auquel s’intéressent déjà deux festivals français de séries, en mars et en avril prochains
Certains signes ne trompent pas : l’Afrique, vaste bassin de téléspectateurs avides de nouveautés, est au coeur des stratégies de conquête de nombreuses plateformes et chaînes satellitaires occidentales. Contrairement à d’autres territoires en voie de saturation, la marge n’y est pas étroite. Des opérateurs comme Canal+ et TV5 Monde l’ont bien compris qui investissent depuis de nombreuses années dans des productions vantant les richesses des terres d’Afrique.
Après avoir lorgné du côté de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne ou du Danemark, Netflix, toujours en quête de nouveaux territoires à conquérir – face à la montée en puissance de ses concurrents sur le sol américain -, vient à son tour d’investir dans le made in Africa. Le 28 février prochain, elle lancera Queen Sono, un thriller d’espionnage sud-africain au casting duquel on retrouve l’ancienne actrice de Quantico, Pearl Thusi, dans le rôle d’une agent secrète surentraînée toujours prête à en découdre avec les malfrats du monde entier.
Son créateur est Kagiso Lediga. Humoriste, comédien, acteur, écrivain et réalisateur sud-africain primé, il s’est donné pour mission de « convaincre ses compatriotes que pour panser leurs plaies, il valait mieux en rire qu’en pleurer ». Dans ce but, il a créé l’émission satirique The Pure Monate Show (PMS) – pionnière en son genre à la télévision sud-africaine – ainsi que l’émission Late Nite News avec Loyiso Gola (LNN), deux fois nominée aux Emmy.
Avec sa société de production Diprente, il a également créé et dirigé de nombreux formats originaux, dont la première série Netflix Original africaine, Queen Sono, dont il est aussi l’auteur-producteur. Le premier long métrage de Kagiso Lediga, Catching Feelings, est sorti en mai 2018 dans la filière Netflix Original et a été suivi quelques mois plus tard par son deuxième long métrage, Matwetwe (Wizard), produit en partenariat avec le célèbre DJ et producteur musical Black Coffee.
Canal+ et TV5 Monde, producteurs-pionniers
En décidant de s’ancrer davantage en Afrique, Netflix suit les traces d’autres opérateurs internationaux qui ont senti depuis longtemps le potentiel offert par le continent.
Fort du succès de ses séries originales Invisibles et Sakho & Magane, ainsi que de celui de Novelas TV, l’une de ses chaînes thématiques, le groupe Canal+ poursuit en ce moment même sa stratégie de création de programmes africains. En novembre dernier, Canal+ Afrique a lancé deux nouvelles séries de vingt épisodes (26 minutes) chacune. L’une, Oasis, conçue par la Togolaise Angela Aquereburu, suit les histoires d’amour et les disputes de voisins d’immeuble. L’autre, L’amour à 200 mètres, a été tournée en République démocratique du Congo (RDC). Chaque épisode évoque la rencontre d’un homme et d’une femme, qui racontent tour à tour leur romance. Depuis septembre 2018, Canal a aussi développé A+, la chaîne des séries africaines mêlant nouvelles créations, séries classiques (Bobo Diouf et la Reine blanche), Afronovelas et sagas.
Une créativité africaine qui se remarque en festivals aussi
Si on peut découvrir ces séries africaines via le net, il est très rare qu’elles se donnent à voir sur nos écrans en Europe. Les choses pourraient changer à terme puisque le festival Séries Mania vient de sélectionner sa toute première série africaine. Baptisée Wara : on pourra la découvrir à Lille du 20 au 28 mars prochains. Il s’agit d’un thriller politique se déroulant dans une ville imaginaire du Sahel. Parmi les acteurs, on retrouve Issaka Sawadogo et Martine Monnerville Mbaye.
Wara, en malinké (langue parlée dans toute l’Afrique de l’Ouest) signifie « Les fauves ». L’histoire est celle d’un professeur de droit, Moutari Warra, autorisé à revenir dans sa ville natale (fictive), Tanasanga, à condition de ne pas faire de politique. Mais à l’occasion d’élections municipales anticipées, Moutari, poussé par une de ses étudiantes, va se porter candidat et ainsi devenir le porte-parole d’une génération qui réclame un changement de société. Un thriller politique sur la gouvernance et la participation citoyenne, à destination des jeunes et des femmes d’Afrique de l’Ouest, développé par l’Agence française de développement (AFD) et TV5 Monde attendu sur antenne au 2e semestre 2020.
Quant au festival Série Series, installé à Fontainebleau, il a créé en février 2018 sa franchise africaine à Ouagadougou, épicentre du cinéma et de la production télévisuelle africaine à travers le Fespaco qui s’y tient tous les deux ans. Cette année, la deuxième édition de Série Series Africa aura lieu en avril à Abidjan, ville déjà réputée pour son Masa (Marché des arts du spectacle d’Abidjan) organisé tous les deux ans, et dont la prochaine édition aura lieu du 7 au 14 mars.
Les scénaristes désireux de prendre part à ce rendez-vous sans frontières sont invités à envoyer leurs projets d’ici le 29 février (plus d’infos en suivant ce lien). Des ateliers et rencontres qui pourraient donner naissance à de nouveaux projets faisant la liaison entre créativités africaine et européenne.
Karin Tshidimba – Afrique La libre