Cette avocate et activiste de 29 ans a été victime d’une tentative de féminicide en 2015. Son histoire est à l’origine du mouvement Ni Una Menos (Pas une de moins) au Pérou, qui lutte contre les violences faites aux femmes. Pour les combattre plus efficacement, Arlette Contreras a décidé de se lancer en politique. Elle s’est présentée aux dernières élections législatives péruviennes organisées en janvier dernier et elle a été élue.
C’est au Congrès qu’Arlette Contreras nous a donné rendez-vous. La jeune femme de 29 ans nous accueille avec un sourire chaleureux, malgré la fatigue accumulée pendant la campagne. D’un pas énergique, elle nous entraîne dans un petit salon à l’ambiance feutrée. Elue sur la liste du parti de gauche Frente Amplio, Arlette Contreras s’apprête à faire sa rentrée parlementaire. Et comme tous les nouveaux députés, elle doit suivre un séminaire de formation.
« Ce sont des journées assez longues et épuisantes, nous explique-t-elle. On n’est pas encore totalement installé, mais j’espère que ça va se faire rapidement pour pouvoir avancer sur mes engagements et pouvoir mettre en place mon programme. »
Impatiente de se mettre au travail, la jeune femme confie pourtant n’avoir jamais eu l’intention d’entrer en politique. Comme elle n’avait jamais imaginé devenir un jour une figure emblématique du mouvement féministe au Pérou. Mais un épisode dramatique a bouleversé sa vie.
« Accusée d’être responsable de la violence de mon agresseur »
Le 12 juillet 2015, Arlette Contreras est violemment agressée par son conjoint dans un hôtel d’Ayacucho, dans le centre du Pérou. Sur ces images captées par une caméra de vidéosurveillance, on voit un jeune homme la traînant par les cheveux sur le sol, tandis qu’elle se débat. Des images largement relayées au Pérou et qui ont choqué tout le pays. Pour Arlette, cet épisode marque le début d’une longue bataille judiciaire, qu’elle semble revivre chaque fois qu’elle en fait le récit.
« Ça a été un processus judiciaire tortueux, se souvient-elle. On m’a insultée et accusée d’être responsable de la violence de mon agresseur. »
Grande marche féministe
Malgré les preuves, son témoignage est alors constamment remis en question par les juges. En 2016, un an après les faits, son agresseur est même relâché, les magistrats estimant qu’il ne cherchait qu’à discuter avec sa fiancée. Révoltée par cette décision, Arlette Contreras fonde avec d’autres femmes victimes de violences le mouvement Ni Una Menos. Elle organise la première marche féministe du pays pour dénoncer les violences machistes.
« Les femmes ont commencé à rompre le silence et à me raconter leurs expériences, se souvient-elle. Ça nous a incitées à faire quelque chose et c’est ce qui a donné lieu à cette très grande marche au Pérou qui a rassemblé un demi-million de personnes. »
Ce n’est qu’en juillet dernier, au bout du 4e procès et quatre ans après les faits, qu’Arlette Contreras obtient finalement justice. Son agresseur est condamné à 11 ans de prison pour tentative de féminicide.
« L’État ne nous donne rien »
Entre-temps, Arlette a fait de son combat une lutte quotidienne pour la défense des droits des femmes et contre les violences domestiques. Un engagement qui lui a valu plusieurs distinctions, comme le Prix international de la femme de courage en 2017, ou encore de figurer la même année parmi les 100 personnes les plus influentes du monde dans le classement du magazine américain Time.
Mais la dégradation de la situation et l’inaction persistante de l’État la conduisent à se lancer en politique. « 170 femmes ont été victimes de féminicides en 2019. C’est le chiffre le plus élevé des dix dernières années. Je ne pouvais pas continuer à voir ces femmes se faire assassiner, alors que l’État ne bouge pas. »
Prison à perpétuité pour les auteurs de féminicides
Dans son programme exclusivement dédié aux femmes, la jeune parlementaire a formulé une série de propositions, directement inspirées de son expérience.
« Je demande la prison à perpétuité pour les auteurs de féminicides et aussi la mise en place d’un système de réparation pour nous, les victimes et survivantes, car l’État ne nous donne rien. Et je propose aussi de sanctionner la violence institutionnelle qui re-victimise. Combien de fois j’ai frappé à la porte des autorités sans qu’on me reçoive ou qu’on daigne m’écouter. »
Depuis le Congrès, où elle va désormais siéger, Arlette Contreras compte bien cette fois réussir à faire bouger les lignes en rassemblant au-delà des clivages politiques pour une cause qu’elle juge universelle.
RFI