Dans un geste sans précédent, la Cour constitutionnelle roumaine (CCR) a annulé les élections présidentielles et ordonné un redémarrage complet du processus électoral. La décision a été annoncée le 6 décembre 2024, alors que le second tour de scrutin entre le candidat indépendant Călin Georgescu et la candidate de l’USR Elena Lasconi était en cours dans la diaspora.
Contexte et justification clés
La décision unanime de la Cour fait suite à la déclassification de documents du Conseil suprême de la défense nationale (CSAT), qui ont révélé une ingérence russe visant à promouvoir Georgescu, un outsider aux tendances d’extrême droite. Selon le rapport, sa campagne a reçu plus d’un million d’euros de financement pour des publicités TikTok, et des cyberattaques ont ciblé l’infrastructure électorale de la Roumanie. La Cour a invoqué ces révélations pour invalider le processus, soulignant la nécessité de préserver l’intégrité démocratique.
Le gouvernement va maintenant déterminer une nouvelle date d’élection, en commençant le processus à partir de l’enregistrement des candidats.
Réactions politiques
Cette décision a suscité des réactions polarisées de l’ensemble de l’échiquier politique :
- Ludovic Orban, chef du parti d’opposition Forţa Dreptei, a qualifié l’annulation de « coup d’État », accusant le CCR de saper la démocratie. Il a fait valoir que cela créait un précédent dangereux, permettant d’invalider arbitrairement les futures élections.
- Marcel Ciolacu, président du Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir, a soutenu la décision du tribunal, la qualifiant de nécessaire pour protéger l’intégrité électorale. Il a souligné l’importance d’enquêtes approfondies pour rétablir la confiance du public.
- Elena Lasconi, l’une des candidates à la présidence, a condamné la décision comme étant « illégale et immorale », accusant l’État de « piétiner la démocratie ».
- Kelemen Hunor, chef de l’UDMR, a exclu de prolonger le mandat du président Klaus Iohannis en vertu des dispositions d’urgence, insistant sur le fait que la constitution n’autorise de telles mesures qu’en cas de guerre ou de crise nationale.
Entre-temps, l’ancien Premier ministre Nicolae Ciucă a appelé au calme et à l’unité, appelant à la transparence dans le traitement des préoccupations électorales.
Réponses internationales et du marché
La décision a attiré l’attention internationale, avec des publications telles que The Guardian et Le Monderapportant les implications de l’ingérence russe dans les élections roumaines. L’annulation a également déclenché des débats sur la résilience des institutions démocratiques en Europe de l’Est.
Sur le front économique, le marché boursier roumain a réagi positivement, les indices de la Bourse de Bucarest ayant augmenté de plus de 3 % dans un contexte d’attente d’un processus électoral plus transparent.
Implications pour la diaspora
Le Bureau électoral central (BEC) a interrompu le vote dans la diaspora trois heures après l’annonce du CCR. Environ 53 000 Roumains à l’étranger avaient déjà voté, ce qui soulève des questions sur le traitement juridique des bulletins de vote déjà déposés.
Appels au calme
Des personnalités publiques, dont George Simion de l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR), ont appelé leurs partisans à rester calmes et à éviter les manifestations. Simion a d’abord dénoncé la décision comme un « coup d’État », mais a ensuite souligné la nécessité de résolutions démocratiques.
Prochaines étapes
L’annulation exige que l’ensemble du processus électoral, de la validation du candidat au vote final, soit relancé. Le gouvernement est chargé d’établir un nouveau calendrier électoral, et les enquêtes sur l’ingérence étrangère devraient s’intensifier. L’ancien juge du CCR, Petre Lăzăroiu, a souligné les complexités juridiques et logistiques liées à la garantie d’une reprise équitable.
Le président Klaus Iohannis doit s’adresser à la nation à 19h00, apportant des éclaircissements sur la feuille de route politique à venir.