Le revirement de Hassan Nasrallah, de plus en plus sous pression, serait probablement dû à celui de l’Iran, mais aussi aux conseils prodigués par la France.
Une fois de plus, c’est le secrétaire général du Hezbollah qui donne le « la » et trace la feuille de route pour la période à venir, et ce bien avant le gouvernement. À l’heure où le Liban est confronté à toute une série de défis économiques, parallèlement à la crise sanitaire inédite du coronavirus, Hassan Nasrallah a tranché vendredi dernier en pavant la voie à une aide future de la part du Fonds monétaire international (FMI). Il a également subtilement poussé le gouvernement à décréter l’état d’urgence dans le pays. Ce sont les deux directives principales qu’il faudra retenir du discours prononcé par le chef du Hezbollah, qui pour la première fois n’a pas réussi à dissimuler son inquiétude extrême face à ce qu’il a qualifié d’ennemi redoutable en évoquant la propagation du coronavirus.
D’ailleurs, le revirement opéré par le leader chiite au sujet d’une intervention du FMI, que sa formation refusait catégoriquement jusque-là, au nom de la protection de la souveraineté nationale, et le timing de son discours devraient être attribués en grande partie à la panique provoquée ces derniers jours par les informations alarmantes sur la progression du nombre de personnes atteintes par ce virus. Et ce notamment en Iran, foyer régional de l’épidémie. Une calamité qui vient s’ajouter à une crise économique et financière qui frappe de plein fouet le Liban, et particulièrement la base populaire du parti chiite.
Déjà pris en étau par l’effet des sanctions américaines qui ont asséché les ressources du parti ainsi que celles de son parrain iranien, Hassan Nasrallah a vite saisi la gravité de la situation face à ce qu’il a qualifié de nouvelle guerre contre la pandémie dans un pays qui manque effroyablement de ressources.
« Nous sommes face à un ennemi que nous devons affronter. Nous ne devons pas abandonner », a déclaré le dirigeant chiite au début de son discours, préconisant de mettre en place ce qu’il fallait pour limiter la propagation du virus et réduire le nombre de décès.
Le changement d’attitude manifesté par le parti chiite à l’égard de l’aide internationale, et plus particulièrement de celle du FMI – que certains observateurs ont qualifié de revirement à 180 degrés –, a été sans aucun doute bousculé par la position iranienne deux jours auparavant.
L’Iran en avait appelé mercredi à la responsabilité du FMI à qui, de manière très exceptionnelle, Téhéran a demandé de l’aide face au Covid-19. « Notre Banque centrale a demandé un accès immédiat » à l’instrument de financement rapide (IFR) du FMI, avait écrit le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif sur son compte Twitter. Téhéran n’a plus reçu d’aide du FMI depuis un crédit dont l’Iran a bénéficié entre 1960 et 1962, bien avant la fondation de la République islamique en 1979.
Une demande inédite donc de la part de la République islamique, qui n’a pas manqué d’alimenter toutes sortes de critiques à l’égard du Hezbollah, qui persistait alors à rejeter tout rôle autre que de conseil de la part de l’instance internationale.
L’accélération de la propagation du Covid-19 et les bilans des victimes sans cesse en hausse ont eu finalement raison de cette obstination et fini par pousser le parti chiite à atténuer sa position par le biais d’un exercice sémantique qui se voulait subtil. Au temps du coronavirus, la solidarité et l’entraide s’imposent par-delà la guerre des axes, et les conditions doivent être revues à la baisse, peut-on déceler en substance dans la nouvelle attitude formulée par le numéro un du Hezbollah.
Évitant d’étaler ses contradictions en public, Hassan Nasrallah a voulu toutefois sauver la face du parti en affirmant consentir à toute aide internationale, pourvu qu’elle ne soit pas couplée avec des conditions rédhibitoires qui iraient à l’encontre des « intérêts nationaux ». Parmi les lignes rouges que pose le Hezb, la naturalisation des Palestiniens, une condition que le FMI ne peut en aucun cas imposer, ou l’augmentation de la TVA de 15 à 20 %, une mesure impopulaire qui affecterait sérieusement le pouvoir d’achat déjà amplement miné des Libanais et surtout des milieux populaires chiites.
OLJ