Le risque de pénurie de main-d’œuvre agricole inquiète en Europe de l’Ouest. La question s’est posée presque dès le début du confinement, mais la réponse se fait de plus en plus pressante à mesure que fruits et légumes murissent.
Avec les mesures sanitaires et les difficultés de déplacement en Italie, 250 à 270 000 saisonniers étrangers viennent à manquer sur les 350 000 qui travaillent chaque année dans les champs de la Botte. Selon le journal Il Fatto quotidiano, 40% des récoltes pourraient pourrir sur place si aucune solution n’est trouvée.
Le gouvernement a prolongé la validité de permis de séjours et envisage la régularisation de sans-papiers. L’organisation agricole CIA y est favorable mais craint que la concrétisation soit trop tardive. Danilo De Lellis souhaite donc l’élargissement des coupons de travail permettant de la flexibilité dans certains recrutements. « On voudrait les coupons de travail, explique ce responsable des questions d’emploi de la CIA, donc le retour du travail subsidiaire. Sinon, il faut trouver un outil flexible qui permette d’accélérer les recrutements y compris, pourquoi pas, parmi les bénéficiaires du revenu de citoyenneté ou du chômage partiel. »
Mais plusieurs syndicats s’opposent à des coupons de travail. « Cela pénalise les travailleurs du point de vue de leur protection sociale, souligne Onofrio Rota, le secrétaire général de la Fédération agroalimentaire de la CISL. Mais nous sommes favorables à l’emploi de personnes touchant des aides. »
« Corridors verts »
Quoiqu’il en soit, des organisations agricoles italiennes ont lancé des plateformes de recrutement en ligne. La France aussi a misé sur des sites spécifiques de recrutement via Pôle emploi et la FNSEA, la principale organisation agricole de l’Hexagone.
Autre piste envisagée, la création de « corridors verts » pour faire venir de la main d’œuvre étrangère. Rome s’est tournée vers la Roumanie, principal pourvoyeur de main d’œuvre saisonnière étrangère dans les champs italiens.
L’Allemagne, qui accueille chaque année 300 000 saisonniers agricoles étrangers – Polonais et Roumains pour beaucoup, selon le principal syndicat agricole du pays – a autorisé début avril ces travailleurs à venir pour ramasser les asperges entre autres.
Le Royaume-Uni, qui vient de concrétiser son Brexit, recourt lui aussi à la main d’œuvre d’Europe de l’Est. Un gros producteur alimentaire a d’ailleurs fait venir des ouvriers agricoles qualifiés roumains par vols charters avant de les placer en quarantaine à l’hôtel. Une initiative peu goûtée par l’ambassadeur de Roumanie à Londres, qui reconnaît néanmoins ne pas pouvoir y faire grand-chose.
Mais, en Italie, Danilo De Lellis est dubitatif. « Ils devraient faire une quarantaine active, explique-t-il, donc pendant les 14 premiers jours dans les entreprises, ils ne pourraient pas être en contact avec les autres travailleurs, ils devraient avoir des vestiaires séparés. Ici, toutes les entreprises ne sont pas structurées pour gérer ça. »
Logement et transport
Sans alternative, la distanciation sociale risque aussi d’amener les entreprises qui proposaient un logement ou un moyen de transport à réduire cette offre ou à assumer des coûts plus élevés. Danilo De Lellis espère donc que pourront être conclus des accords publics ou privés pour le transport et pourquoi pas avec des hôtels à l’aube d’une saison touristique incertaine.
De l’autre côté de la Méditerranée, l’Espagne, qui alimente à cette période de l’année 90% du marché européen en fraises, n’est pas en reste en termes d’embauches de saisonniers étrangers. Selon le ministre de l’Agriculture Luis Planas début avril, le secteur avait besoin de 75 000 à 80 000 ouvriers agricoles supplémentaires. Alors le gouvernement a facilité par décret le recrutement des chômeurs qui peuvent conserver leur allocation et le recrutement de main d’œuvre étrangère « résidant légalement en Espagne ». Le décret prévoit aussi que les immigrés de 18 à 21 ans puissent obtenir un permis de travail.
Mais ces dispositions valables jusqu’au 30 juin connaissent des restrictions. Pendant la période de confinement, les recrutements ne peuvent se faire que dans la commune de l’exploitation agricole ou dans les communes voisines.
RFI