Les députés ont appelé l’UE à intensifier ses efforts pour réglementer les médias sociaux tout en préservant la liberté d’expression et en évitant la censure.
Suite aux récents événements aux États-Unis et aux questions soulevées par la régulation des médias sociaux, les députés ont débattu des liens entre ces derniers et la liberté d’expression, les droits fondamentaux, la liberté des médias dans l’UE et les campagnes de désinformation en ligne.
Ce débat intervient alors que l’UE travaille sur la loi sur les services numériques (DSA) et sur la loi sur les marchés numériques (DMA) qui proposeront toutes deux des règles pour les plateformes ainsi que des solutions pour lutter contre les contenus néfastes ou illégaux en ligne et contrer la désinformation.
Les députés se sont montrés satisfaits de cette volonté de réguler le monde digital au moyen de lois, et non de lignes directrices rédigées par les plateformes. Ils ont cependant déclaré que ces lois devaient protéger la liberté d’expression et les droits fondamentaux, tout en évitant la censure.
Selon Marina Kaljurand (S&D, Estonie), les mesures introduites pour lutter contre la désinformation et les discours haineux en ligne sont « insuffisantes pour contrer les attaques contre nos démocraties ». La députée estonienne a ajouté : « Après l’assaut du Capitole, le prix à payer pour permettre à la désinformation et à la haine de se répandre en ligne sans contrôle nous apparait clairement ». Se félicitant du projet de loi, elle a ajouté : « L’UE a ouvert la voie et a donné l’exemple avec le RGPD. Nous devons maintenant aller plus loin. J’espère que nous pourrons le faire, avec nos alliés aux États-Unis et ailleurs. »
Annalisa Tardino
(Italie, ID) a souligné la nécessité d’instaurer des règles claires
pour les géants de l’internet, qui « aujourd’hui, sont les censeurs de
ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas » et dont « les
politiques ont un impact sur le monde réel ». Selon la députée
européenne, les lignes directrices créées par les plateformes ne
devraient pas avoir le pouvoir de décider ce qui sera publié dans le
domaine numérique. Cette décision devrait reposer sur une loi
établissant une procédure et des règles claires. « Nous, les
législateurs devons agir (…). L’UE doit sauvegarder le débat
démocratique libre sur les réseaux sociaux. »
Alexandra Geese
(Verts / ALE, Allemagne) a mis en lumière les problèmes créés par les
grandes entreprises utilisant les données personnelles et a déclaré que «
leur demander de résoudre ces problèmes en censurant, eux-mêmes, de
façon arbitraire les contenus préjudiciables » n’était « pas une option
pour la démocratie ». « La solution est aisée: interdisons le modèle
économique basé sur la surveillance en commençant par interdire la
publicité ciblée » a-t-elle déclaré.
La vice-présidente de la Commission,
Věra Jourová, a souligné que la proposition de loi sur les services
numériques vise à accroître la responsabilité des plateformes en ligne
et à clarifier les règles relatives à la suppression des contenus
illégaux, y compris les discours haineux et l’incitation à la violence :
« Nous devons mettre de l’ordre dans l’expression numérique de la
démocratie et mettre fin au Far west numérique. » Elle s’est ensuite engagée à proposer des règles concernant la publicité politique en ligne.
Magdalena Adamowicz
(PPE, Pologne) s’est concentrée sur la situation dans son pays, où de
nombreux médias protestent actuellement contre les projets du
gouvernement d’introduire une taxe sur la publicité. « J’appelle la
communauté européenne entière à agir, à faire preuve de solidarité avec
les médias libres polonais car si cela peut arriver en Pologne, cela
peut vous arriver aussi. »
Dragoş Tudorache
(Renew, Roumanie) a déclaré : « Il n’y a pas un monde en ligne et un
monde hors ligne, il y a un monde unique dans lequel nous devons
protéger les droits de nos citoyens et nos démocraties de la même
manière, en ligne, ou hors ligne ». Le député européen roumain a appelé à
une coopération plus étroite entre les États démocratiques et les
médias sociaux et a souligné la nécessité de collaborer avec d’autres
États pour définir des règles basées sur des valeurs communes et lutter
contre les tactiques utilisées par la Chine et la Russie. « Nous devons
utiliser tout notre arsenal diplomatique pour protéger les droits de nos
citoyens, nos droits et notre mode de vie en ligne ».
D’autres intervenants se sont montrés concernés par la protection de la liberté d’expression.
Geert Bourgeois (ECR, Belgique) a averti que le mécanisme de notification et d’action
mènerait à la censure. « Chaque notification devra passer par
l’algorithme de la plateforme et cela mènera à une censure politiquement
correcte », a-t-il déclaré. « La liberté d’expression doit être le
point de départ » et les restrictions à la liberté d’expression doivent
être une exception. « Dans certains pays, la censure est interdite par
la constitution. Que cela soit le cas pour l’UE. »
Anne-Sophie Pelletier (Gauche, France) a souligné la nécessité de protéger la liberté d’expression et d’opinion. Elle a déclaré : « Sur Internet, la liberté d’un groupe de personnes ne devrait pas s’arrêter là où les grands patrons de médias sociaux l’ont décidé ». « Effacement de contenus sans décision de justice (…) la censure n’est jamais la solution ».
S’exprimant au nom de la présidence
portugaise du Conseil de l’Union européenne, Ana Paula Zacarias a
déclaré : « Nous attendons des plateformes en ligne qu’elles jouent leur
rôle dans ce combat commun, mais c’est aux institutions démocratiques, à
nos lois, à nos tribunaux de fixer les règles du jeu, de définir ce qui
est illégal et ce qui ne l’est pas, ce qui doit être supprimé et ce qui
ne devrait pas l’être. »