Une nouvelle étude met en lumière le rôle des femmes dans le secteur de la pêche en Méditerranée et en mer Noire, ainsi que les difficultés qu’elles rencontrent et les possibilités qui s’offrent à elles.
En Méditerranée et en mer Noire, les femmes occupent un peu moins d’un tiers des emplois liés à l’activité du secteur de la pêche, comme le montre une nouvelle étude publiée aujourd’hui par la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en collaboration avec la Division des pêches et de l’aquaculture de l’Organisation, dont l’intitulé est Women in fisheries in the Mediterranean and Black Sea region: roles, challenges and opportunities (Les femmes dans le secteur de la pêche en Méditerranée et en mer Noire: rôle, difficultés et possibilités). Et pourtant, du fait de la persistance de certains biais, les chiffres reflétant les contributions des femmes aux économies des communautés de la pêche côtière demeurent toujours en deçà de la réalité.
La publication vise à placer l’équité femmes-hommes dans le secteur de la pêche au rang des questions prioritaires dans les principaux débats et à donner aux responsables politiques des éléments pour étayer leur action. L’intégration de toutes les composantes liées aux connaissances et aux expériences des femmes dans les principales décisions permettrait d’améliorer leurs conditions de vie ainsi que celles de leur famille et des membres de leur communauté.
Prendre en compte les contributions des femmes
Il existe peu de données dans le monde sur les contributions des femmes dans le secteur de la pêche, car ces dernières font souvent un travail qui n’est pas mis en avant et qui vient soutenir les activités des entreprises familiales, comme la réparation de filets, le nettoyage du poisson ou la comptabilité. Par ailleurs, ce travail peut s’avérer difficile à prendre en compte dans les statistiques officielles. De plus, lorsqu’elles tiennent compte des activités à tous les stades de la chaîne de valeur, les statistiques sont rarement ventilées par sexe.
«En l’absence d’éléments factuels, vous n’avez aucune idée de l’existence de ce problème. Dès lors que vos contributions ne sont pas comptabilisées, vous êtes invisibilisées», indique une spécialiste méditerranéenne de la question du genre qui a été interrogée de manière anonyme dans le cadre de cette étude.
La parole et l’expérience des femmes sont précieuses et doivent être intégrées dans la gestion des pêches afin d’assurer la durabilité des écosystèmes marins et d’améliorer les conditions de vie des communautés côtières. «Pour résoudre les problèmes du secteur, nous avons besoin des hommes et les hommes ont besoin des femmes, car leurs connaissances et leurs pratiques sont différentes et se complètent», a affirmé une spécialiste des politiques en matière de pêche en mer Noire.
Une approche mixte
L’étude fournit un éclairage sur ce sujet au titre duquel les données font défaut et repose sur une approche mixte fondée sur des analyses quantitatives et qualitatives. Des estimations générales relatives aux contributions des femmes dans le secteur de la pêche dans l’ensemble de la région de la Méditerranée et de la mer Noire, les premières jamais réalisées, sont complétées par des analyses qualitatives reposant sur des entretiens avec des intervenantes et des intervenants clés de cinq pays représentatifs des différents contextes associés aux activités de la pêche relevant de la zone d’application de la CGPM.
Les échanges ont été menés avec des pêcheuses et des pêcheurs, des gestionnaires des pêches, des chercheuses et des chercheurs et des spécialistes de la question du genre, personnes qui ont le plus d’expérience dans ce secteur et pour lesquelles cette question s’avère cruciale. Ces travaux ont mis en évidence différents points qui ont servi de fondement à un ensemble de mesures présentées pour recommandation à l’intention de la CGPM et d’autres décisionnaires de la région.
Les actions recommandées dans l’étude requièrent différents niveaux d’engagement politique et d’investissement financier et préconisent avant tout de recueillir des données ventilées par sexe à tous les stades de la filière halieutique. Ces mesures sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail des femmes dans le secteur de la pêche ainsi que la durabilité générale et la prospérité sociale et économique des communautés de pêcheurs.
Des données chiffrées
Les données actualisées sur l’emploi sont ventilées par sexe en fonction de la sous-région de la CGPM et selon le stade de la chaîne de valeur. Elles montrent que le travail des femmes dans le secteur de la pêche en Méditerranée et en mer Noire est en très fortement concentré au-delà du stade de la capture et comprend la réparation de filets, le rinçage d’embarcations, le tri et le nettoyage des captures ainsi que la transformation et la commercialisation du poisson.
Les femmes occupent 38 pour cent des emplois régionaux aux étapes après capture (contre 16 pour cent aux étapes avant capture et 10 pour cent au stade même de la capture). Le niveau d’emploi des femmes dans la pêche industrielle est plus élevé que dans la pêche artisanale. Cependant, cette évaluation ne prend sans doute pas compte d’une partie importante des emplois féminins dans le secteur de la pêche artisanale, notamment dans les activités pratiquées sans navire, en raison de la collecte systématique insuffisante de données sur ce type de travail.
Le rôle de la CGPM
La CGPM s’emploie à corriger les biais qui opèrent en défaveur des femmes dans le secteur de la pêche en Méditerranée et en mer Noire, notamment en prêtant son soutien à la création et à la reconnaissance d’organisations de femmes et en facilitant l’accès des femmes aux équipements et aux programmes de protection sociale.
Cette publication met en évidence d’autres mesures qui seraient à recommander, comme la promotion de projets et de formations intégrant la dimension de genre en identifiant les principales intervenantes à convier aux réunions et aux cours, et la création d’un environnement incitant les femmes à se mobiliser et à prendre la parole. Pour sélectionner les personnes interrogées dans le cadre de l’étude, les autrices ont fait appel au réseau composé de coopératives, d’instituts de recherche, de pouvoirs publics et d’autres structures que la CGPM a constituées au fil de ses années de travail assidu, et elles ont notamment contacté des pêcheuses et des pêcheurs ainsi que des organisations de pêcheurs qui avaient pris part avec la CGPM à des manifestations telles que les sessions du Forum des artisans-pêcheurs.
«Il faut du temps pour que nos familles et les autres comprennent la nature de notre travail et les risques et les difficultés auxquels nous sommes confrontées, et il faut sensibiliser. Notre travail nous passionne. Nous souhaitons continuer à progresser et à stabiliser notre activité, et nous sommes en droit d’être reconnues dans le secteur», a conclu une pêcheuse de Méditerranée interrogée dans le cadre de cette étude.
La CGPM est une organisation régionale de gestion des pêches qui relève de la FAO et dont la zone de compétence couvre l’ensemble des eaux de la Méditerranée et de la mer Noire. Sa principale mission est d’assurer la préservation et l’utilisation durable des ressources biologiques marines, ainsi que le développement durable de l’aquaculture.
La CGPM est composée de 23 parties contractantes (Albanie, Algérie, Bulgarie, Chypre, Croatie, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Liban, Libye, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Roumanie, Slovénie, Syrie, Tunisie, Turquie et Union européenne) et six parties non contractantes coopérantes (Arabie Saoudite, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Jordanie, Moldova, et Ukraine).