Auteur et amateur de livres, Mohammed Jamouchi est un vétéran de la Foire du livre. Défenseur et diffuseur chevronné de la culture, qui avait entre autres conçu et réalisé un projet d’anthologie de la littérature maghrébine d’expression française, livre ses observations.
Sabrine Cange : Vous êtes un habitué de la Foire du livre ?
Mohammed Jamouchi : Un habitué et un abonné. J’y assiste depuis la 10e édition, ça fait 40 ans que je flâne dans ce jardin culturel annuel. J’ai aussi eu l’occasion de comparer avec les salons du livre de Paris (annulé cette année), Berlin, Genève et Casa.
S.C. Qu’apporte la lecture ?
M.J. Plusieurs choses dont une meilleure participation citoyenne. La Foire du livre est un maillon manifeste dans la démocratisation culturelle. La Communauté française est forte d’un réseau de 150 bibliothèques publiques, un méga agora pour de nombreuses expressions, contribuant au transfert de la culture écrite et au développement de l’esprit critique, indispensables à une démocratie plus participative.
S.C. Que signifie lire pour vous ?
M.J. Lire…, ça résonne déjà comme l’écho d’une « rencontre » avec des figures de la diversité culturelle et spatiotemporelle ; lire, raisonne aussi comme une exploration idées avec d’autres, des personnes qui ont un autre référentiel mental, un autre imaginaire ; lire, c’est une gymnastique cognitive et neuronale qui maintient la plasticité cérébrale. Un excellent remède anti-âge, en somme.
A l’instar du réalisme du bovarysme et du naturalisme de Zola, entre autres, la lecture permet aux gens de prendre connaissance du centre et à ceux de la capitale de s’enquérir des Provinciaux. De prendre conscience que tout texte s’inscrit dans un contexte. Parfois le lecteur-analyste peut relever et révéler l’impensé de l’auteur.
S.C. Et le Maroc dans tout ça ?
M.J. Comme vous pouvez le constater, les Lettres du Maroc sont mises à l’honneur pour cette 50e édition de 2020. Ce fut le cas en 2012 à Genève. A Bruxelles, c’est la première fois qu’un pays arabe et africain y est convié, ce qui ne manque pas de réjouir les Belgo-marocains et de faire « voyager » les Belges qui consolident leurs relations avec le Maroc depuis au moins une soixantaine d’années.
En conviant le Maroc, on n’ouvre pas la boite de Pandore mais on s’ouvre et on apostrophe un pan non négligeable de pays africains. La Belgique s’est déjà appuyée sur la diaspora marocaine pour son essor en Afrique.
L’ouverture, relativement récentes, d’écoles belges à Rabat et à Casa permet d’entrevoir des regards et des chemins croisés entre les citoyens et de futurs collaborations entre éditeurs Belges et Marocains. On peut faire connaître la littérature maghrébine d’expression française au lecteur belge et les subtilités institutionnelles au citoyen marocain.
S.C. Quelles seraient vos recommandations ?
M.J. Encourager les jeunes à venir découvrir. Encourager la production éditoriale belgo-marocaine, faire connaître l’apport culturel belgo-marocain, ouvrir des ateliers d’écrit-ure. Nous vivons ensemble, alors lisons et écrivons ensemble, faisons l’éloge de la lecture.
Propos recueillis par
Sabrine Cange