Le président français Emmanuel Macron effectuera une visite d’État officielle au Royaume-Uni en mai prochain, dans une démarche largement perçue comme une tentative de réinitialiser les relations post-Brexit entre les deux alliés historiques.
Invité par Sa Majesté le Roi Charles III, cette visite aura un poids diplomatique important et intervient à un moment où les deux nations cherchent à gérer les alliances mondiales changeantes, les frictions commerciales et les incertitudes géopolitiques croissantes.
Des responsables de l’Élysée ont confirmé ce week-end que Macron avait accepté l’invitation à ce que Downing Street a décrit comme « une rencontre opportune et symbolique des esprits européens ». Ce voyage fait suite à une série de tensions bilatérales concernant les droits de pêche, les contrôles aux frontières et les accords commerciaux avec l’Irlande du Nord, suite au départ du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Pourtant, derrière la grandeur cérémonielle des calèches et des banquets d’État se cache un programme très moderne et pragmatique. De hauts responsables diplomatiques ont suggéré que les discussions porteront sur le renforcement de la coopération en matière de défense, l’étude d’un programme de mobilité des jeunes entre le Royaume-Uni et la France, et la relance des liens commerciaux, maintenant que les relations avec Bruxelles ont commencé à se stabiliser.
Le moment choisi pour la visite de Macron est remarquable. Elle précède une éventuelle visite de l’ancien président américain Donald Trump au Royaume-Uni en septembre. La présence de Macron sur le sol britannique pourrait être perçue par certains milieux diplomatiques comme une volonté de réaffirmer l’engagement de l’Europe en faveur de l’interdépendance dans un monde de plus en plus multipolaire.
« Cette visite n’est pas seulement une question de diplomatie et de protocole », a déclaré un ancien ambassadeur britannique à Paris. « C’est aussi un message réfléchi : l’Europe reste déterminée à bâtir des partenariats résilients au-delà de Bruxelles, et Londres continue d’avoir son importance. »
En effet, Londres s’est progressivement repositionnée comme un acteur majeur du pouvoir européen malgré les turbulences politiques et économiques de ces dernières années.
Parmi les propositions politiques les plus concrètes qui seront débattues figure la perspective d’un programme de mobilité des jeunes entre le Royaume-Uni et la France. Un tel dispositif, évoqué dans les cercles de réflexion et salué par les chefs d’entreprise, offrirait aux jeunes professionnels et aux étudiants une plus grande liberté de vivre et de travailler outre-Manche.
Les détracteurs du Brexit affirment depuis longtemps que le retrait du Royaume-Uni du programme Erasmus et d’initiatives similaires a freiné les échanges interculturels. Une alternative bilatérale, convenue en dehors du cadre de l’UE, pourrait être politiquement acceptable pour les deux parties.
La coopération en matière de défense devrait également figurer en bonne place dans le dialogue. La France et le Royaume-Uni demeurent deux des plus grandes puissances militaires européennes, toutes deux dotées de l’arme nucléaire et dotées d’une portée stratégique mondiale. Ces derniers mois, les deux pays ont discrètement approfondi leur coopération sur l’Ukraine et la lutte contre le terrorisme au Sahel. La prochaine visite pourrait donner lieu à de nouvelles annonces concernant des exercices conjoints ou des investissements dans les technologies de défense émergentes.
La visite d’État, accueillie par le roi Charles III, sera riche en symboles. Le monarque, parlant couramment le français et admirateur de longue date du pays, a fait de la réconciliation franco-britannique un symbole marquant de son début de règne. Sa visite d’État en France en 2023 a été largement saluée comme un succès diplomatique, et ses conseillers affirment qu’il est « personnellement investi » dans le renforcement des liens culturels entre les deux nations.
Pour Macron, confronté à une montée des tensions et de l’opposition politique dans son pays, la visite au Royaume-Uni offre l’occasion de réaffirmer sa réputation d’homme d’État international. Ses ouvertures diplomatiques à Pékin, Washington et maintenant Londres témoignent d’une volonté claire de maintenir la France au cœur des affaires internationales, alors même que les institutions européennes sont confrontées à des divisions internes et au spectre du populisme d’extrême droite.
Malgré tout le faste et le protocole, cette visite est empreinte de pragmatisme. Les relations franco-britanniques, autrefois qualifiées par Winston Churchill de « mariage de raison », ont connu des moments difficiles ces dernières années. Pourtant, Londres et Paris semblent désormais reconnaître la futilité de l’éloignement. Face à des défis communs en matière de défense, de migration, de climat et de commerce, la logique de la coopération est évidente.
Lorsque le président Macron foulera le sol britannique en mai, il ne le fera pas simplement en tant qu’invité d’État, mais en tant que dirigeant européen tendant la main à un voisin qui, pour le meilleur ou pour le pire, a tracé sa propre voie.
Le succès de cette visite ne réside peut-être pas dans les gros titres, mais dans la reprise silencieuse du dialogue qui permet aux vieux alliés de l’histoire d’avancer – séparément, mais côte à côte.