« Michel Aoun est un terroriste », ont scandé des Libanais massés lors d’une tournée du président français dans le quartier sinistré de Gemmayzé.
Des Libanais massés pendant la tournée du président français Emmanuel Macron dans un quartier sinistré de Beyrouth ont conspué jeudi le chef de l’Etat, Michel Aoun, demandant l’aide de la France pour évincer les dirigeants au pouvoir.
M. Macron est arrivé vers midi au Liban, 48h après les explosions du port de la capitale qui ont fait plus d’une centaine de morts et 5.000 blessés. Après une étape sur le site des explosions, au port de la capitale, il a effectué une tournée dans les quartiers ravagés de Mar Mikhaël et Gemmayzé où il a pu observer l’immense détresse et colère de la population, lors d’échanges avec des habitants. Il a serré la main à plusieurs personnes et a même pris dans ses bras une jeune femme.
Les habitants, ainsi que des manifestants sur place, ont accueilli le président français en scandant des slogans hostiles au régime en place, notamment au chef de l’Etat libanais, Michel Aoun. Selon notre correspondante à Gemmayzé, Anne-Marie el-Hage, il y avait une foule de bénévoles venus aider les habitants à déblayer les débris et leur apporter de la nourriture. A l’arrivée de M. Macron, qui se déplaçait à pied avec un masque de protection la plupart du temps, plusieurs personnes sur place ont profité de cette occasion pour exprimer leur colère. « Terroriste, terroriste, Michel Aoun est un terroriste », ont-ils crié.
« Aidez-nous! Révolution! », « Le peuple veut la chute du régime », a encore scandé la foule. Ce à quoi, M. Macron a assuré qu’il proposerait « un nouveau pacte politique » aux dirigeants libanais et leur demanderait de « changer le système, d’arrêter la division (…), de lutter contre la corruption ».
Retour le 1er septembre ?
Emmanuel Macron a promis à un Libanais qui l’interpellait qu’il reviendrait le 1er septembre au Liban « Mon ami, je suis là aujourd’hui, je vais leur proposer un nouveau pacte politique cet après-midi et je reviendrai pour le 1er septembre et s’ils ne savent pas les tenir (les engagements, ndlr) je prendrai mes responsabilités avec vous. » Il a également « garanti » à la foule que l’aide envoyée aux Libanais n’irait « pas dans les mains de la corruption », alors que des Libanais lui demandaient de ne pas faire distribuer l’aide via les institutions de l’Etat.
« Pendez-les »
A son arrivée à l’aéroport de Beyrouth, M.
Macron avait exprimé son soutien au peuple libanais, faisant savoir que
Paris ne laissera pas le Liban seul face à cette catastrophe provoquée
par l’explosion de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées depuis
2014 au port de Beyrouth sans mesures de sécurité, selon les autorités
libanaises. Depuis le drame, aucune arrestation n’a été annoncée et
le gouvernement n’a pas été capable jusqu’à présent de justifier la
présence pendant six ans de tonnes de nitrate d’ammonium, un composant à
risque, « sans mesures de précaution ». De plus, les autorités n’ont mis
en place aucun dispositif pour aider les citoyens notamment les
sans-abris. Dans un vaste élan de solidarité, des centaines de Libanais
se sont mobilisés, pour lancer des opérations de déblaiement des
décombres ou d’accueil. Plusieurs pays ont déjà dépêché des équipes de
secouristes et du matériel. L’Union européenne a annoncé avoir débloqué
33 millions d’euros en urgence.
L’explosion a alimenté la colère des Libanais qui avaient battu le pavé des semaines fin 2019 pour exprimer un ras-le-bol de leurs politiciens. Depuis le drame, une catastrophe de trop dans un pays en faillite, ils réclament des comptes et le mot-dièse « Pendez-les » circule sur Twitter. Sur le même réseau social, le dramaturge et acteur libanais Ziad Itani, qui habite Gemmayzé, a salué la visite de M. Macron et fustigé l’incurie des dirigeants libanais : « Je n’ai plus de maison à Gemmayzé, et le premier à visiter le quartier est un président étranger. Honte à vous!. »
OLJ