Centenaire de naissance d’Amilcar Cabral
Amilcar Cabral est né le 12 janvier 1924 à Bafata (Guinée Bissau) de parents Capverdiens. C’est un homme politique qui a changé le cours de l’histoire en se consacrant à l’indépendance de ces deux pays Le Cap-Vert et la Guinée-Bissau colonisés par le Portugal. Cabral était aussi connu sous le pseudonyme d’ Abel Djassi.
L’histoire de ce héros de la lutte pour la liberté de son peuple est fort méconnue de la plupart des citoyens d‘Europe. Sa disparition tragique en 1973 a provoqué un malaise profond au sein du mouvement de libération qu’il dirigeait. Aussi cette commémoration est l‘occasion de faire mieux connaitre cette histoire qui lie le Cap-Vert et la Guinée-Bissau, les deux pays de langue portugaise de l’Afrique de l’ouest.
Maître Amilcar Herzberger et Dr. Pierrette
Herzberger-Fofana. Bordeaux.
Remerciements
Je tiens à dire combien je suis heureuse de me trouver parmi vous pour célébrer le „Black History Month„ dans une ville marquée par l’histoire tragique qui unit les deux continents, l’Europe et l’Afrique. Vous avez consacré cet événement pour célébrer le 100e anniversaire de la naissance d’Amilcar Cabral, figure emblématique des Iles du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau. L‘aéroport des Iles du Cap-Vert á Sal porte non nom. Je suis d’autant plus ravie de fêter l’anniversaire de cette grande figure emblématique d’autant plus que ma mère est Capverdienne et Amilcar Cabral, fut un ami de mes parents. Mon second fils porte son nom et a tenu á m’accompagner. Je le remercie bien sincèrement d’avoir fait le voyage à Bordeaux.
Amilcar Cabral, héros de la lutte armée (1924-1973)
Nous rendons hommage à Cabral une figure inspirante, un leader charismatique et un visionnaire. a effectué sa scolarité au Cap-Vert. En 1948, la famine sévit au Cap-Vert et cause 50 000 morts ce qui touche le jeune Cabral. À la fin de sa scolarité, il se rend au Portugal pour entreprendre des études d’agronomie avec comme objectif changer la situation précaire dans son pays et mettre fin aux cycles de famine. Au Portugal, il rencontre d’autres jeunes Africains originaires des colonies portugaises de l’époque, notamment d’Angola et du Mozambique. C’est là qu’il prend conscience du fait que la culture Africaine n‘ est pas connue où se réduit á des clichés qui engendrent le racisme qui sévit. Avec ses amis, il crée une association « Le Centre d’Études Africaines » pour valoriser la culture des peuples africains et comme il l’affirme:
«L’une des erreurs les plus sérieuses, sinon la plus grave, commise par des pouvoirs coloniaux en Afrique, peut avoir été d’ignorer ou de sous-estimer la force culturelle des peuples Africains.» A.Cabral
Mais son projet ultime était de promouvoir l‘ indépendance. En 1952, il obtient son diplôme d’ingénieur. Il retourne en Guinée-Bissau et travaille comme ingénieur agricole. Ce qui lui permet de découvrir les réalités sociales du pays en voyageant à travers tout le pays. Il constate un clivage social au sein des populations. Cette disparité sociale est fondée en grande partie sur la couleur de la peau. Son engagement en vue de promouvoir l‘ identité et la culture africaine lui vaut de fortes représailles de la part des autorités coloniales. Les forces portugaises ne voient pas d’un bon œil son engagement ce qui le rend suspect au sein de l‘autorité coloniale. Cabral est contraint à l’exil en Angola.
« Nul ne peut arrêter un peuple en mouvement » Amilcar Cabral
De retour d’Angola, il participe en 1956 à la création du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) qui déclenchera la lutte armée dans les campagnes de Guinée-Bissau quelques années plus tard. Cabral est alors l’idéologue, le théoricien, le diplomate aussi, qui orchestre une lutte armée efficace contre l’armée coloniale portugaise avec l‘ objectif de mettre fin à la domination portugaise. Il met l’accent sur la conscientisation politique des masses populaires. Il insiste sur la nécessité de travailler avec les populations afin de leur faire prendre conscience du rôle qu’elles peuvent jouer dans le devenir de leur pays. Dans les territoires libérés, il crée des centres hospitaliers , des écoles. Il contribue ainsi à mettre fin à l’oppression du colon portugais et à la libération du joug colonial. Son but suprême est:
« Éduquer nous-mêmes : Éduquer d’autres personnes, la population en
général, pour lutter contre la peur et l’ignorance, d’éliminer peu à peu la
soumission à la natureet aux forces naturelles que notre économien’a
pas encore maîtrisé.» A.Cabral
De parti pacifique, le PAIGC devient un parti de guérilla afin de sortir de la domination portugaise. À cet égard, les femmes jouent un rôle non négligeable souvent comme agent d’informations. Cabral est conscient qu’il ne peut changer son pays que si son parti est reconnu à l‘international. En 1972, il mène des actions auprès de l’ONU et de la communauté internationale qui reconnait son parti. Mais le 20 janvier 1973, Amilcar Cabral est assassiné à Conakry, République de Guinée par l’un de ses compatriotes. Les raisons de son décès ne sont pas claires: des jalousies, de la trahison, des frustrations selon le témoignage de son épouse sont à la base de cet assassinat abject.
Une figure inspirante de l’histoire
Amilcar Cabral a consacré toute sa vie à l’émancipation de son peuple. Nous nous inclinons devant une grande figure de l’histoire de l’indépendance des Iles du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau.
Aspects historiques sur les Iles du Cap-Vert
Le Cap-Vert est un ensemble de dix îles volcaniques, située au cœur de l’Atlantique au large du Sénégal. Les îles du Cap-Vert sont indépendantes depuis Juillet 1975, elles restent très marquées par cinq siècles de présence portugaise et un fort degré de métissage. À travers de multiples événements marquants: sécheresses, famines, révoltes paysannes au sein d’une société essentiellement agraire et de type féodale, conflits entre l’Enlise et le pouvoir colonial, nous voyons comment la population conquiert son indépendance, ainsi que le rôle joué par Amilcar Cabral, héros de la lutte armée en Guinée-Bissau, et fondateur du PAIGC. Selon la légende, lorsque le Tout-Puissant eut fini de créer le monde, il était fatigué et a secoué ses mains. Les gouttes qui sont tombées au milieu de l’Atlantique ont constitué les 10 îles de ce pays d’un charme unique, balayé par les îles au vent (Barlavento) comme Santiago et les îles sous le vent comme Sao Nicolau. Ma mère m’a raconté cette légende qui à mon avis caractérise un trait de l’identité capverdienne, fortement marqué par la religion catholique.
Aéroport Amilcar Cabral sur l’île de Sal porte le nom du leader capverdien
La créolisation au Cap-Vert
Dès la deuxième moitié du XVe siècle, des populations d’origine européenne et africaine s’installent dans ces îles situées à 650 kilomètres des côtes, l’archipel devenant la première colonie européenne en zone tropicale.
Bien qu’originellement dominés, les Africains furent l’élément moteur de la culture du pays. L’apport des premiers Luso-Africains, les lançados, groupes épars d’origine portugaise établis sur la côte au XVe siècle. Trafiquants d’esclaves, ils
connaissent une sorte d’assimilation, s’unissant à des femmes africaines tout en préservant leurs intérêts et une attitude raciste. Après un siècle de prospérité, la société esclavagiste décline quand les marchands empruntent d’autres routes maritimes. La créolisation du pays s’affermit.
Le créole capverdien est la lingua franca de la population au Cap-Vert. Ceci résulte du fort métissage entre les colons portugais et la population africaine. Le manque d’opportunités dans le domaine économique est la source de la forte migration sous d’autres cieux plus cléments.
Cette situation de précarité pousse les populations à émigrer. Pour ces déshérités, comme pour beaucoup d’autres insulaires à travers le monde, la seule issue reste l’exil. C’est ce qui explique la présence de fortes minorités capverdiennes en Europe notamment au Luxembourg, aux Pays-Bas, et en France, aux États-Unis principalement à Boston. Dakar, la capitale sénégalaise compte une importante Diaspora cap- verdienne de plus de 25 000 personnes.
La culture capverdienne
On ne peut évoquer le Cap-Vert sans mentionner une grande ambassadrice de sa culture, j’ai nommé Césaria Evora, la diva de la chanson capverdienne, la chanteuse aux pieds nus. Sur un autre registre, Cesaria Evora a été une femme révolutionnaire à travers ses chansons, les célèbres «mornas.» Elle évoque l’histoire de son pays.
Reconnaissance internationale.
De nombreuses établissements scolaires en Afrique porte son nom .En Guinée le Lycée Amilcar Cabral à Mamou, au Sénégal le collège CEMT Amilcar Cabral, Le lycée agricole Amilcar Cabral à Brazzaville. Congo, le lycée technique Amilcar Cabral à Ouagadougou.
De nombreuses rues et voies également à travers le monde portent son nom: dans son pays au Cap-Vert «Avenida Amilcar Cabral à Praia (Cap-Vert) et l’aéroport International de Sal ; une avenue Amilcar Cabral à Saint-Denis (Seine et Saint Denis. France), une place Amilcar Cabral à Fameck en Lorraine (France), un centre international à Bologne en Italie et au Portugal un boulevard Amilcar Cabral à Fort-de-France (Martinique) à Alger et à Maputo (Mozambique) et une rue à Kaolack au Sénégal.
Conclusion
Le Cap-Vert est considéré comme l’un des pays d’Afrique les plus démocratiques.
Amilcar Cabral qui a fortement contribué à son indépendance ne verra pas cette reconnaissance. Il est assassiné avant la proclamation de l’indépendance du Cap-Vert.
Amilcar Cabral, ce combattant de la liberté, continue d’inspirer de nombreux intellectuels à travers le monde. Il partait du principe que l’Afrique devait construire son propre modèle de développement en se basant sur les valeurs universelles et les postulats suivants tels que :
- Le respect de la dignité de l’homme Noir et sa participation au processus
démocratique – - Le rôle de la jeunesse, pilier de la démocratie –
- La place de la femme indispensable levier de tout changement structurel –
- La culture comme ciment de la reconstruction nationale.
L’objectif final de son combat était comme il le disait : « Nous voulons que dans nos pays martyrisés pendant des siècles, bafoués, insultés, que dans nos pays jamais l’insulte ne puisse régner, et que plus jamais nos peuples ne soient exploités, pas seulement par des impérialistes, pas seulement par les Européens, pas seulement par les gens de peau blanche, parce que nous ne confondons pas l’exploitation ou les facteurs d’exploitation avec la couleur de peau des hommes, nous ne voulons plus d’exploitation chez nous, même pas par des Noirs » Amilcar Cabral
Dr. phil Pierrette Herzberger-Fofana, M.A
Députée au Parlement Européen (1.7.2019-16.7.2024)
Mitglied des Europäischen Parlaments (MdEP)/ Europa-Abgeordnete – Députée au Parlement Européen (DEP) – 1ère Vice-Présidente de la Commission « Développement » (DEVE) – Membre de la Commission Droits des Femmes et Egalité des Genres (FEMM) – Vice-Présidente de la Délégation pour les relations avec le Parlement Panafricain (DPAP) – Vice-Présidente de l’Assemblée Parlementaire Paritaire UE-ACP (Afrique Caraïbes et Pacifique) – Co-Présidente de l’Intergroupe Parlementaire Anti-Racisme et Diversité (ARDI)
Remarques
PAIGC : Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et des iles du Cap-vert
Pierrette Herzberger-Fofana. Cesaria Evora, La voix d’or du Cap-Vert s’est éteinte (1941-2011) www.pressafrik.com/Cesaria-Evora-La-voix-d-or-du-Cap-Vert-s-est-eteinte-1941-2011_a74836.html 5 janvier 2012
PAIGC : Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et des iles du Cap-vert