Un mandat d’arrêt avait été lancé pour non-présentation d’enfant au père belge.
La chanteuse et guitariste franco-malienne Rokia Traoré a été arrêtée
la semaine dernière en France en vertu d’un mandat d’arrêt européen
émis par un juge d’instruction bruxellois.
Le mandat d’arrêt est lié à la garde de la fille qu’elle a eue avec le
dramaturge flamand Jan Goossens. Ce dernier fut pendant de longues
années le directeur artistique du Théâtre royal flamand de Bruxelles
(KVS). En 2016, il a pris la direction artistique du Festival de danse
et des arts multiples de Marseille (FDAmM).
Des études à Bruxelles
Rokia Traoré, 46 ans, fille de diplomate, a beaucoup voyagé pendant sa jeunesse. Elle a ainsi étudié à Bruxelles avant de se lancer dans une carrière musicale qui lui a valu une Victoire de la musique en 2009. En 2016, elle a été nommée ambassadrice de bonne volonté par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Elle a été arrêtée mardi à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle à sa descente d’un avion en provenance de Bamako (Mali). Elle voyageait avec un passeport diplomatique malien, un document qui toutefois n’accorde pas une immunité totale pour des faits commis dans le cadre de la sphère privée. Elle est incarcérée depuis mardi à la prison de Fleury-Mérogis. Elle a entamé une grève de la faim pour alerter sur son sort.
Son interpellation est liée à un mandat d’arrêt européen émis à Bruxelles contre elle pour enlèvement, séquestration et prise d’otage parce qu’elle n’a pas remis sa fille de 5 ans à son père, dont elle est séparée, alors qu’un jugement de 2019 l’y oblige.
Deux mandats d’arrêt
Deux mandats d’arrêt européens ont été émis contre Rokia Traoré. Le premier a été lancé le 23 octobre 2019 pour non-respect du jugement du tribunal de première instance de Bruxelles rendu plusieurs mois plus tôt. Entendue le 22 janvier 2020 par un juge bruxellois, Rokia Traoré avait déclaré qu’elle reviendrait présenter l’enfant dans un délai d’un mois. Elle ne l’a pas fait, ce qui a conduit le juge à émettre un second mandat d’arrêt pour non-présentation d’enfant, a indiqué le parquet de Bruxelles.
Selon son avocat, Me Kenneth Feliho, au moment de son arrestation, Rokia Traoré “allait à Paris pour prendre ensuite un train pour son audience d’appel à Bruxelles, mais aussi dans le cadre d’une mission des Affaires culturelles maliennes, pour laquelle elle avait un passeport diplomatique”.
Rokia Traoré refuse de remettre sa fille à son ex-compagnon, qu’elle accuse d’attouchements sur leur fille. Il n’est pas exceptionnel que de telles accusations soient portées dans le cadre de litiges sur la garde d’un enfant.
La plainte déposée par Rokia Traoré en Belgique sur ces prétendus faits a été classée sans suite. Mme Traoré a alors décidé de déplacer son combat judiciaire en France et au Mali.
Jan Goossens est défendu par Me Yves Berton. Dans une réaction au journal Le Monde, l’avocat a dénoncé une offensive médiatique pour détruire la réputation de son client.
Des répercussions politiques
Ce litige sur la garde d’une fille de 5 ans, d’ordre purement privé, déborde sur la place publique. Une pétition en ligne, lancée pour exiger la libération de Rokia Traoré, avait ainsi recueilli quelque 17 000 signatures dimanche après-midi.
L’affaire a pris une coloration politico-diplomatique. Le gouvernement malien dit suivre la situation judiciaire avec attention. Dans un communiqué, le gouvernement indique qu’il “exprime sa solidarité à [leur] compatriote” et assure à l’opinion malienne “que les services consulaires et diplomatiques sont mobilisés pour un heureux dénouement de la question”.
Afrique La Libre
Jacques Laruelle