Un tribunal spécial chargé de poursuivre les auteurs du crime d’agression contre l’Ukraine devrait être créé dans le cadre du Conseil de l’Europe en 2025.
Cette décision fait suite à l’approbation du projet de statut du tribunal lors de la 13e réunion du Core Group, une coalition d’États travaillant à sa création. La réunion, qui s’est tenue à Bruxelles les 3 et 4 février, a abouti à un accord pour lancer le tribunal dans le cadre d’un accord bilatéral entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe.
Un responsable européen qui a participé aux discussions a confirmé que le tribunal fonctionnerait sur la base d’un accord partiel élargi. Ce mécanisme permet à d’autres États de se joindre à l’initiative, donnant ainsi une dimension internationale à la compétence du tribunal.
La décision finale sur sa création devrait être annoncée lors de la 14e et dernière réunion du Groupe central, prévue à Kiev en avril 2025.
Structure et base juridique du Tribunal
Le fondement juridique du tribunal sera similaire à celui du Registre des dommages causés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a été établi à l’initiative conjointe du Conseil de l’Europe et de l’Ukraine. Ce registre, qui documente les pertes subies par l’Ukraine en raison de l’agression russe, est destiné à servir d’élément clé d’un mécanisme plus vaste de réparations. À ce jour, 43 pays et l’Union européenne ont rejoint l’initiative, créant un précédent en matière de coopération internationale pour faire face aux conséquences de la guerre.
Le tribunal spécial fonctionnera dans le cadre d’un accord bilatéral entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe, garantissant qu’il fonctionne dans un cadre juridique international reconnu.
Le modèle d’accord partiel élargi, utilisé dans les précédents projets du Conseil de l’Europe, permettra à d’autres États de participer sans qu’un consensus universel soit nécessaire. Cette approche vise à ouvrir la voie légale à la poursuite des responsables russes, notamment du président Vladimir Poutine, pour avoir lancé et mené la guerre contre l’Ukraine.
Un haut responsable européen impliqué dans les négociations a expliqué que l’objectif principal du tribunal est de traiter le crime d’agression, défini en droit international comme la planification, le déclenchement ou l’exécution d’un acte d’agression qui constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
Le responsable a souligné que ce tribunal se concentrera spécifiquement sur les dirigeants politiques et militaires responsables de l’invasion de l’Ukraine, le distinguant des mécanismes juridiques existants tels que la Cour pénale internationale, qui poursuit les crimes de guerre , les crimes contre l’humanité et le génocide.
Développements politiques et diplomatiques
La création du tribunal fait l’objet de discussions entre les décideurs politiques européens et internationaux depuis 2022, mais les efforts visant à établir un cadre juridique concret ont stagné pendant une longue période. Au fil du temps, la coalition d’États soutenant le tribunal est parvenue à un accord sur sa compétence, sa structure procédurale et ses mécanismes d’application. Le groupe restreint a également élaboré une feuille de route détaillée décrivant les étapes nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle du tribunal.
Lors de la réunion de Bruxelles, l’importance du rôle du Conseil de l’Europe dans cette initiative a été soulignée par la présence du Secrétaire général Alain Berset . Sa participation souligne l’engagement de l’institution à faire progresser la responsabilité juridique des actes de la Russie.
M. Berset a eu des entretiens de haut niveau avec le commissaire européen au budget et à l’administration, Michael McGrath, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, et la directrice adjointe du bureau présidentiel ukrainien, Iryna Mudra. Ces entretiens ont porté sur les aspects juridiques et procéduraux de la création du tribunal et sur les prochaines étapes nécessaires à sa mise en œuvre.
La création officielle du tribunal nécessite une résolution du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Selon les responsables européens, cette décision devrait être adoptée assez facilement, car elle ne requiert qu’une majorité des deux tiers. Une fois la résolution adoptée, la structure du tribunal sera finalisée et l’accord partiel élargi sera ouvert à l’adhésion d’autres États.
Prochaines étapes et perspectives de mise en œuvre
La dernière étape de la création du tribunal aura lieu en avril 2025, lorsque se tiendra à Kiev la 14e et dernière réunion du groupe restreint. Lors de cette réunion, les statuts du tribunal seront officiellement approuvés et une annonce officielle concernant son lancement sera faite.
La réunion de Kiev devrait servir de plate-forme pour définir le cadre opérationnel du tribunal, y compris la sélection des juges, la définition des procédures juridictionnelles et les mécanismes d’application de ses décisions.
Si la création du tribunal représente une étape majeure pour amener les dirigeants russes à rendre des comptes pour l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, il reste encore à obtenir une large reconnaissance et coopération internationale. Certains pays pourraient hésiter à participer en raison de considérations politiques, et les questions concernant les mécanismes d’application et l’autorité du tribunal sur les responsables russes restent ouvertes.
Néanmoins, cette initiative marque une avancée significative dans la réponse juridique internationale à l’agression russe, renforçant le principe selon lequel les violations du droit international ne resteront pas impunies.
La création du tribunal s’inscrit dans le cadre d’un effort juridique et diplomatique plus vaste visant à garantir la justice pour l’Ukraine. En plus des enquêtes en cours menées par la Cour pénale internationale et d’autres organes juridiques, la création d’un tribunal spécialisé pour le crime d’agression crée un précédent pour les conflits futurs et renforce les normes juridiques internationales contre les actions militaires illégales.