En juin 2023, la Commission européenne a proposé un règlement visant à établir une nouvelle plateforme européenne pour les technologies stratégiques (STEP).
STEP reprogrammera les ressources des instruments existants de l’UE en canalisant les fonds de l’UE vers des projets stratégiques qui soutiennent le développement des technologies numériques et la production de technologies propres, en particulier les biotechnologies, afin de relever les défis de la transition verte et numérique. Selon la Commission européenne, STEP serait un pas vers une Europe souveraine.
Bien que son rapport ait été voté à une large majorité en session plénière du Parlement européen à Strasbourg, STEP saigne de mille plaies.
STEP devait initialement être le nouveau Fonds européen de souveraineté, mais ce n’est pas le cas. Le problème vient du fait que la proposition initiale souffre déjà de trois objectifs incompatibles : (1) produire les technologies propres nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques, (2) accroître la souveraineté de l’Europe, (3) renforcer la cohésion entre les États membres de l’UE.
Le programme STEP devrait avant tout viser à soutenir les technologies produites en Europe. Toutefois, il faut pour cela tenir compte des besoins des industries des États membres. À cette fin, le développement d’une structure de gouvernance européenne est d’une importance capitale. Un autre objectif du STEP est de renforcer la souveraineté européenne, surtout pour contrer l’impact de la loi anti-inflation américaine sur les sociétés et les entreprises européennes.
De nombreux députés européens estiment que STEP, tel qu’il a été adopté, ne fera rien d’autre que de rediriger les fonds existants pour la recherche et l’infrastructure des autorités publiques vers le secteur privé européen.
Telle qu’elle a été adoptée, la Commission demande aux États membres 13 milliards d’euros supplémentaires, une goutte d’eau par rapport à l’argent nécessaire pour atteindre les objectifs convenus dans STEP, selon certains députés européens. On peut également se demander quelles sociétés et entreprises bénéficieraient de ce projet, étant donné que la plupart des sociétés et entreprises existant actuellement en Europe ne respectent pas les normes environnementales et sociales exigées par l’UE.
Si l’UE était sérieuse dans sa volonté de lutter contre le changement climatique et de protéger les travailleurs, elle attribuerait des subventions STEP aux entreprises européennes dans des conditions environnementales et sociales strictes. Dans ces conditions, plusieurs députés estiment qu’il n’y a aucune garantie que les investissements STEP ne causeront pas de dommages importants.
Beaucoup craignent légitimement que le mécanisme de suivi proposé par la Commission européenne soit composé de lobbyistes de l’industrie et des affaires. Il aurait été beaucoup plus démocratique que d’autres parties prenantes, telles que les syndicats, les ONG et les universitaires, puissent participer aux travaux du comité de suivi, ce qui a été refusé.
En fait, le STEP ne fait rien d’autre que de mobiliser des fonds précédemment réservés aux investissements dans les infrastructures et la recherche au profit d’entreprises privées, ce qui, pour beaucoup, équivaut à une privatisation des biens publics. L’eurodéputé de gauche Younous Omarjee (La France Insoumise, France) a déclaré : « La Commission européenne a utilisé un cavalier budgétaire en insérant, dans un règlement ayant un autre objectif, des dispositions relatives à la cohésion. Ce n’est pas une bonne méthode. Je regrette aussi qu’en l’absence d’argent frais, ce soit encore la politique de cohésion qui soit utilisée de la pire des façons en donnant un chèque en blanc aux multinationales avec les fonds structurels. Les Fonds européens de développement régional sont faits pour les PME et uniquement pour les PME. Mais il est vrai que dès que l’occasion se présente d’ouvrir les vannes aux multinationales, la Commission s’y engouffre. Et il reste risqué que des bricolages ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés de réindustrialisation dans le respect des principes de cohésion ».
En outre, le champ d’application du programme STEP reste trop large : l’énergie nucléaire et le captage et le stockage du carbone ne sont pas éligibles au financement public. Cependant, la proposition manque de conditions claires pour le financement public.