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Le règlement de la question du Sahara interpelle plusieurs dimensions historiques, juridico-politiques, humanitaires et géopolitiques, dont l’apport est déterminant pour comprendre le contexte et les perspectives qui se dessinent à l’horizon. Rapporte Genevastrategicnews.

En dépit du chemin parcouru au niveau de la dynamique onusienne, le processus du règlement définitif de la question du Sahara se trouve encore dans l’impasse devant le refus de l’Algérie de s’engager sérieusement dans le cadre du processus de la solution politique, telle que décidée par le conseil de sécurité de l’ONU.

A cet égard, les manœuvres visant à détourner le cours du règlement de la question demeureraient sans succès en raison du caractère immuable des paramètres fixés par les Nations Unies et le Conseil de sécurité pour le règlement de la question du Sahara, à savoir, l’initiative d’autonomie sous souveraineté marocaine, le processus des tables rondes et la définition des parties en conflit, telles que désignées par la résolution 2703: « le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie ».

Sur le plan géopolitique, les tentatives de récupération d’un gain diplomatique en Afrique et à l’international par l’Algérie, fait suite à la remise en question de son leadership face au Maroc, un pays qui a réussi son pari de placer l’Afrique au centre de son modèle de développement, parallèlement à ses avancées en matière de démocratie, des droits de l’homme et de développement.

En outre, l’Algérie est en train de perdre l’appui de plusieurs pays qui soutiennent l’intégrité territoriale du Maroc, ou encore ceux qui rejettent son interférence dans leurs politiques intérieures respectives.

Cependant, malgré son alliance stratégique avec l’Afrique du Sud, dirigée contre le positionnement du Maroc, l’influence de l’Afrique du Sud semble limitée1, du fait de l’échec de ce dernier à convaincre, depuis 2004, la moitié du groupe des pays de la SADC à surseoir à leur retrait de reconnaissance de la RASD. (2)

L’Algérie risque de perdre sa crédibilité en réfutant notamment des avancées unanimement soutenues par la communauté internationale. De surcroit, l’instrumentalisation de la question du Sahara, ne semble pas être une démarche appréciée par la communauté internationale ni par les parties directement concernées.

L’Algérie au Conseil de sécurité : Perspectives autour du règlement de la question du Sahara ?

Membre non permanent du Conseil de Sécurité du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024, aux côtés de la Sierra Leone, de la Corée du Sud, du Guyana et de la Slovénie, l’Algérie occupe ce siège non-permanent, pour la quatrième fois après les mandats de 1968-1969, 1988-1989 et 2004-2005.

L’Algérie, partie prenante du conflit du Sahara, a fait prévaloir l’augmentation du nombre de sièges non permanents revenant à l’Afrique afin de « faire entendre sa voix et ses revendications légitimes, réparer l’injustice historique subie », et d’œuvrer pour «le renforcement du rôle de la Ligue arabe sur la scène internationale », « la réforme du Conseil de sécurité » et «le renforcement du rôle de l’ONU » afin de l’amener à « assumer ses responsabilités envers les peuples palestinien et sahraoui ».

Ce parallélisme n’a pas manqué de susciter la réaction du Secrétaire d’Etat américain, qui en perspective du traitement des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil, avait rappelé à son homologue algérien, le 6 janvier 2024, la position des Etats Unis sur les questions suivantes : « la sécurité de la navigation maritime en mer rouge ; la situation prévalant dans la bande de Gaza assiégée sur fond de la nécessité impérieuse d’accélérer la réunion des conditions nécessaires pour parvenir à une solution juste et durable de la question palestinienne dans le cadre de la solution à deux Etats ; la question du Sahara Occidental et le renforcement de l’adhésion des Etats-Unis au soutien du processus politique sous l’égide des Nations unies ». (3)

Sur la question du Sahara, le Sous-Secrétaire d’Etat Adjoint, Joshua Harris avait rappelé à Alger, le 9 décembre 2023, que les États-Unis souhaitent « une solution politique durable et digne au Sahara occidental », et sur la question de savoir si son pays reconnait l’autodétermination du peuple sahraoui comme base d’une solution politique finale, Joshua Harris a rappelé que « les envoyés spéciaux précédents de l’ONU ont essayé de nombreuses voies différentes, mais malheureusement jusqu’à présent, leurs efforts n’ont pas abouti », et de souligner ensuite que « le Conseil de sécurité a été clair sur le fait que le processus doit refléter un esprit de réalisme et de compromis quant à la situation actuelle sur le terrain, en l’occurrence la proposition marocaine d’autonomie, que son pays considère comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental » (4)

Bien qu’elle soit appelée à « respecter le sens des résolutions », et à « s’engager pleinement dans le processus des tables rondes dans un esprit de réalisme et de consensus », l’Algérie est en train de se mobiliser pour inclure la question du Sahara dans toutes les activités mensuelles du Conseil de Sécurité, ou en demandant des réunions extraordinaires pour son examen.

De par la feuille de route prédéfinie par les résolutions onusiennes, et la conviction autour de la crédibilité de la solution politique, cette démarche ne semblerait pas apporter le moindre changement à la dimension juridico-politique de la question.

Dimension juridico-politique et issues du règlement du différend

A l’instar des textes précédents, la dernière résolution accorde, de nouveau, la prééminence de la proposition d’autonomie marocaine, les paramètres de la solution politique de compromis, le nécessaire recensement des populations de Tindouf et l’utilité des tables rondes pour relancer le processus de négociation.

Au titre de la résolution 2703 du 30 octobre 2023, l’Algérie est sommée de faire preuve d’une plus grande volonté politique, de réalisme et d’un esprit de compromis pour contribuer à la solution politique, telle que préconisée par le conseil de sécurité dans le cadre du règlement de la question du Sahara à travers ses différentes résolutions.

A la veille des prochaines consultations, les composantes de la société civile s’interrogent sur la volonté de l’Algérie à s’investir avec « un esprit de sérieux et de compromis » dans l’exploration de la solution politique, eu égard aux précédentes manœuvres, visant à contrecarrer toute voie de règlement en dehors referendum.

Hormis la persistance des tensions entre le Maroc et l’Algérie, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques, depuis le 24 août 2021, la mobilisation de la diplomatie algérienne autour du principe de l’autodétermination du Polisario, lors de la conférence des non-alignés à Kampala du 21 janvier 2024, reflète un des indicateurs d’une perspective d’impasse.

A cet égard, les conclusions du premier round des pourparlers permettront de vérifier cette hypothèse. Toutefois, le conseil de sécurité considère que « le statu quo n’est pas acceptable », en soulignant qu’« il est essentiel que les négociations progressent pour que la qualité de vie des habitants du Sahara occidental s’améliore dans tous les domaines », tout en affirmant « son plein appui au Représentant spécial du Secrétaire général pour le Sahara occidental et au Chef de la MINURSO».

L’exploration de la solution politique

En perspective des prochaines consultations, les parties, telles que précisées par la résolution, devraient s’engager dans l’exploration des voies d’un compromis qui permettrait de « parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara »

Dans sa résolution du 30 octobre 2023, le conseil de sécurité avait encouragé « vivement le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie à s’engager auprès de l’Envoyé personnel pendant toute la durée du processus, dans un esprit de réalisme et de compromis ».

Pour atteindre cet objectif, « les anciennes résolutions du conseil de sécurité ont donné une impulsion au processus politique des tables rondes en soulignant que l’initiative d’autonomie dans le cadre de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Maroc, demeure la seule et l’unique solution à ce différend ».

Depuis la présentation de la proposition marocaine d’autonomie en 2007, les 20 résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU ont toutes qualifié l’approche marocaine de sérieuse et crédible.

Consciente de cette donne, la communauté internationale a défini, par la voie du conseil de sécurité, des paramètres clairs en préconisant une solution politique qui soit réaliste, pragmatique, durable, et fondée sur le compromis et la légalité internationale.

Bien que les résolutions reprennent le concept de l’autodétermination, le plan d’autonomie demeure l’unique perspective d’une solution définitive à ce différend régional, à savoir une autonomie sous souveraineté marocaine.

Cette dynamique onusienne a été confortée par les reconnaissances formelles par la communauté internationale à la marocanité du Sahara, par le biais de l’ouverture de consulats généraux de différents pays à Dakhla et Laayoune. La proclamation américaine, espagnole, et d’autres initiatives diplomatiques qui se sont succédées président de la conviction de la légitimité des droits du Maroc sur ses territoires.

En prônant encore l’organisation d’un referendum, les Etats parties ou non parties au conflit perdent de vue que l’exploration de ce mécanisme est tombée en désuétude par les Nations Unies depuis plus de deux décennies suite à son inapplicabilité au contexte d’une question d’intégrité territoriale.

La Dimension humanitaire : une priorité absolue

Considérée comme étant primordiale pour faire avancer le processus des négociations autour de la solution politique, cette dimension interpelle, comme souligné par les résolutions du Conseil de sécurité, le recensement des populations pour révéler la taille et l’identité réelle des populations des camps à savoir celles d’origine sahraouie, par rapport à celles composées de ressortissants en provenance de différents pays de la région.

Si la mission du HCR à Tindouf assure actuellement une assistance et des services aux réfugiés sahraouis dans les cinq camps situés près de Tindouf dans le sud-ouest algérien, dans des domaines variés, sa mission ne peut s’étendre au recensement et à l’identification sans le consentement de l’Algérie, en tant que puissance souveraine sur ce territoire d’accueil.

Au-delà d’une assistance significative, la coopération avec le HCR demeure indispensable pour élaborer et appliquer des mesures indépendantes et crédibles, qui garantissent le plein respect des droits humains, tout en gardant à l’esprit ses obligations découlant du droit international, y compris les libertés d’expression et d’association.

Ce qui interpelle l’Algérie à poursuivre sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour définir, et appliquer des mesures de confiance susceptibles de susciter la confiance nécessaire à la réussite du processus politique.

Le recensement et l’identification sont de nature à ouvrir la voie au libre choix des populations sahraouies, et à leur circulation étant entendu qu’une bonne partie de la population aspire à quitter les camps, et à rejoindre les provinces sous souveraineté marocaine.

Consciente de l’impact de cette opération sur le processus de règlement, l’Algérie observe depuis plusieurs décennies sa ferme opposition au recensement par crainte de perdre le contrôle de la situation dans les camps, et d’affaiblir sa marge de manœuvre dans le contexte de ce différend.

A l’heure actuelle, la question humanitaire offre pour l’Algérie une opportunité pour respecter ses engagements internationaux, et rétablir sa crédibilité dans le concert des Nations. Elle lui permet, en outre, de se soustraire partiellement de la responsabilité des souffrances infligées aux populations des camps dont elle est désignée constamment par les organisations non gouvernementales, comme étant la principale responsable de leur drame humanitaire.

Cette collaboration est nécessaire aussi avec les pays voisins y compris les parties concernées dont le Maroc et la Mauritanie afin de faire progresser le processus politique vers une solution à ce différend, dans le respect de la légalité internationale à laquelle, elle prétend être fermement attachée.

Le dialogue avec le Maroc et la fermeture des frontières

Ce dialogue a enregistré un parcours difficile marquant un nouveau tournant après la rupture diplomatique entamée par l’Algérie, accusant son voisin « d’actions hostiles », d’où la décision de la rupture des relations à partir du 24 août 2021.

Cette décision a été précédée d’une déclaration de la présidence algérienne du 20 août 2021, exprimant son intention de revoir sa relation avec le Maroc, en déplorant au passage le soutien du Maroc à l’admission d’Israël comme membre observateur de l’Union africaine, et la normalisation de ses relations avec l’Etat hébreux.

Si la fermeture des frontières avec le Maroc, maintenue depuis 1994, a permis à l’Algérie, comme elle le prétend, de prémunir le pays contre le terrorisme en provenance du Maroc, de son trafic de drogue, elle a certainement réussi à enterrer tout projet de complémentarité économique voulu par les peuples algérien et marocain, ainsi que tout développement de leur maillage humain.

Pourtant, avec la dynamique de l’Union maghrébine en 1989, l’Algérie considérait ce maillage comme étant un des fondements essentiels de l’intégration maghrébine sur la base de la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises.

Aujourd’hui, les populations des deux pays demeurent fermement attachées à l’idéal de la complémentarité en aspirant à un futur qui ne continuerait pas à être pris en otage par un conflit artificiel qui impacte l’avenir.

Dans le sillage de cette volonté, le Roi du Maroc, Mohammed VI avait appelé, en 2018, l’Algérie à un dialogue « direct et franc », pour dépasser les différends entre les deux pays voisins dans le cadre d’un nouveau « mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation » en signe d’ouverture à d’éventuelles propositions et initiatives émanant de l’Algérie » pour asseoir les relations bilatérales « sur de solides bases de confiance, de solidarité et de bon voisinage » étant entendu que la question du Sahara suit son cours dans les instances onusiennes.

En aout 2021, le Roi du Maroc avait réitéré son appel à « la réouverture des frontières avec son voisin », soulignant que « les responsables actuels des deux pays ne sont pas à l’origine de cette fermeture des frontières », en rappelant ses appels invitant à « entamer un dialogue franc et confiant ».

A cette main tendue, l’Algérie n’a pas donné de suite. Ce qui laisse croire que l’ouverture des frontières représente un facteur d’instabilité pour le gouvernement algérien, au risque de voir, les liens entre populations algériennes et marocaines se consolider, eu égard aux mêmes affinités et ambitions. Une telle situation s’apparente avec celle des populations des deux Allemagnes avant la chute du Mur de Berlin en 1989.

Sur un autre plan, les progrès des réformes entreprises par le Maroc et son leadership en Afrique, constituent une source d’inquiétude pour le gouvernement algérien compte tenu de son impact sur la dynamique de développement en Afrique, face à une puissante économie qui n’a pas réussi à asseoir sa stratégie d’expansion dans le continent en raison de l’incapacité de son modèle de développement, à relever de multiples défis malgré l’importance des ressources dont dispose le pays.

Hormis cette lutte d’influence, les composantes de la société civile algérienne aspirent à un avenir commun avec le voisin marocain dans une symbiose fraternelle de complémentarité.

À l’inverse, les dirigeants algériens observent une certaine hostilité envers le Maroc en cultivant cet état d’esprit chez la population algérienne, au point de considérer toute tentative de rapprochement comme étant un acte de trahison qui devrait être sévèrement réprimé.

Au niveau des diasporas algériennes à l’étranger, il s’agit d’erreurs historiques auxquelles il faudrait y remédier, d’où leur dissociation de la thèse officielle algérienne. L’on relève que les diasporas algérienne et marocaine entretiennent des liens empreints d’une symbiose fraternelle et d’une reconnaissance envers le soutien du Maroc au peuple algérien dans sa lutte pour la libération.

Les Droits de l’Homme en Algérie et dans les Camps de Tindouf

Bien que la Constitution du 8 décembre 1996, telle que modifiée en 2016, énonce un bon nombre de principes de l’état de droit et de démocratie, la gouvernance demeure impactée par la prédominance de la composante militaire et n’accorde pas l’espace nécessaire pour l’ancrage de la démocratie participative dans le pays.

Dans une certaine mesure, la question du Sahara a permis aux dirigeants algériens d’entretenir un système politico-militaire, où l’impératif sécuritaire fait obstacle au développement d’un véritable jeu démocratique entre les acteurs politiques du pays.

De surcroit, les composantes politiques algériennes fondent un espoir dans une véritable participation citoyenne à la vie politique du pays et une gouvernance dans le respect des libertés fondamentales, des droits de l’Homme et de la liberté d’expression.

Dans les camps de Tindouf, la situation humanitaire, qualifiée de « catastrophique » suscite la vive préoccupation de la communauté internationale, comme décrite par le rapport du Secrétaire général, « en raison des souffrances endurées par les réfugiés sahraouis, de leur dépendance à l’égard de l’aide humanitaire extérieure, des conséquences de la pandémie du COVID-19, et de l’insuffisance des fonds alloués aux personnes qui vivent dans les camps de réfugiés de Tindouf et des risques associés à la diminution de l’aide alimentaire ».

A cet effet, le Conseil de sécurité a encouragé les donateurs à « verser des fonds supplémentaires en raison de la détérioration de la situation humanitaire et pour les organismes d’aide, à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire conformément aux meilleures pratiques des Nations Unies ».

Dans l’immédiat, le Haut-Commissariat aux Réfugiés devrait procéder « au recensement et à l’enregistrement de la population des camps de Tindouf, et de prendre les mesures appropriées pour mettre fin au détournement systématique de l’aide humanitaire à destination de cette population séquestrée, depuis plus de 45 années, et qui subit quotidiennement les pires violations de ses droits fondamentaux ».

Dans la continuité de la mise en œuvre des mesures de confiance, la facilitation des visites dans la région interpelle une collaboration étroite avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ainsi qu’une impulsion des instances onusiennes.

Les Droits de l’homme dans les provinces marocaines du Sahara Dans son constat sur la situation des Droits de l’homme dans les provinces sahariennes au Maroc, le conseil de sécurité « se félicite des mesures et initiatives prises par le Maroc, du rôle joué par les commissions du Conseil national des droits de l’homme à Dakhla et à Laâyoune et de l’interaction avec les mécanismes relevant des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies ».

A cet effet, la mise en œuvre du cadre juridique de la Convention de 1951 et de son protocole de 1967, responsabilise l’Algérie en tant que pays hôte, et le contraint à ne pas enfreindre la mission des Nations Unies, au niveau de la mise en œuvre de procédures de recensement et d’identification.

Ce qui ouvrirait la voie au retour des populations sahraouies dont la plupart aspirent à la fin du drame de leur séquestration, et à rejoindre leurs familles au Maroc.

Le Polisario : Une épine dorsale pour l’Algérie

Le Polisario constitue pour l’Algérie une épine dorsale qui interpelle à terme sa neutralisation et sa démilitarisation afin que la solution politique puisse voir le jour dans le cadre onusien, tel que défini par la résolution 2703.

Pour l’Algérie, la mise en œuvre des dispositions de la Convention de 1951 et son protocole de 1967 sur le statut et le traitement des réfugiés, représente une issue de sortie idoine pour se soustraire de l’emprise du Polisario.

Au fil des années, l’Algérie a autorisé l’accès aux camps des réfugiés de Tindouf de ressortissants sub-sahariens en provenance de différents pays de la région qui ont fui leurs pays pour diverses raisons.

En outre, les connexions et alliances du mouvement séparatiste tissées avec les groupes terroristes dans la région, au fil de ces dernières décennies, suscitent la crainte de l’Algérie notamment après son échec à maintenir son leadership au Mali avec lequel, elle partage une frontière, considérée comme étant factice et difficile à contrôler, s’étendant sur près de 1 400 kilomètres.

Ainsi l’organisation terroriste AQMI, est « composée d’une cellule active en Kabylie et dans la région d’Alger, et de deux cellules au Sahel impliquées dans les enlèvements et le crime organisée » (6). Même si leurs actions sont étendues sur la zone sahélo saharienne, AQMI5 reste par « nature algérienne » de par la nationalité de certains de ses membres (7), et d’autre part, par le soutien apporté à certains membres actifs du Polisario, d’origine sahraouie.

Le Polisario, qui est récemment classé comme organisation terroriste, compte sur l’appui logistique et financier de l’Algérie pour réclamer « l’indépendance du Sahara occidental ».

Récemment la junte au pouvoir au Mali a mis « fin avec effet immédiat (8)», de l’accord d’Alger signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays. Cet accord a longtemps été considéré comme essentiel pour stabiliser le pays, rétablir la paix au Mali par « la régionalisation » (9), la création d’une armée reconstituée intégrant ceux qui avaient fait partie des groupes armés signataires, le redressement de l’autorité de l’État, ainsi que des mesures socio-économiques en faveur du développement.

Du côté de la junte militaire malienne, l’Algérie est accusée d’héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l’Accord de 2015; devenus selon la junte militaire « des acteurs terroristes ».

Le gouvernement algérien, quant à lui, « prend acte de cette décision dont il tient à relever la gravité particulière pour le Mali lui-même, pour toute la région qui aspire à la paix et à la sécurité, et pour l’ensemble de la communauté internationale qui a mis tout son poids et beaucoup de moyens pour aider le Mali à renouer avec la stabilité par la réconciliation nationale »(10).

En dépit de son encadrement par l’armée algérienne et le contrôle de ses relations internationales, le Polisario suscite la crainte d’échapper au contrôle algérien au terme de l’opération d’identification des familles sahraouies qui opteront pour le retour à la mère patrie.

Tel est en partie, le sens du dialogue sécuritaire entretenu par les Etats Unis avec l’Algérie pour « faire progresser les objectifs régionaux communs de stabilité et de lutte contre le terrorisme en vue de réduire l’expansion et l’influence des groupes terroristes et des menaces connexes dans la région par le biais du renforcement de la bonne gouvernance, de l’application de la loi, de la sécurité et des systèmes judiciaires ».

L’objectif étant de faire de l’Algérie un partenaire naturel dans ce domaine : « Les États Unis s’attendent à un travail en commun avec les pays voisins pour développer leurs capacités sécuritaires ».

Etant mise en cause tout au long de son soutien au Polisario, la diplomatie algérienne a été sévèrement critiquée dans les rapports établis par les OINGI et les ONG des pays donateurs au sujet du détournement de l’aide alimentaire.

Ces dernières appellent l’attention sur la condition de traitement inhumain des réfugiés par la junte militaire du Polisario, qui a transformé leur statut de réfugiés en séquestrés ; ne disposant d’aucune liberté de mouvement ou de prérogatives qui leur sont accordés par le Droit international.

La riposte diplomatique algérienne : un effet domino à craindre pour la sécurité et la stabilité de la région ?

En réaction au ralliement des pays sahéliens à l’initiative atlantique promue par le Maroc, l’Algérie a sanctionné le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Guinée, et la Mauritanie en annonçant la clôture de comptes de prêts qui leur sont destinés. Aussi, dans le cadre d’une tentative de récupération, l’Algérie aurait annoncé son intention de créer une zone de libre-échange avec la Mauritanie.

Dans la continuité des manœuvres diplomatiques algériennes, l’hypothèse de provoquer la confrontation militaire n’est pas à écarter, et dont le Polisario serait le principal acteur afin de montrer à l’opinion internationale que la voie du règlement de la question devrait passer nécessairement par référendum.

Dans ce scénario, Il conviendrait, donc, pour l’Algérie d’encourager un conflit armé, sous le couvert de la lutte armée pour la libération : option à laquelle le Maroc ne souscrit pas, tout en respectant les accords du cessez- le- feu, et tout en immunisant ses frontières à l’abri de toute agression militaire.

Lorsque les relations diplomatiques ne parviennent pas à résoudre une situation de crise, il appartient à chaque partie de puiser dans l’histoire politique pour en tirer les enseignements du passé, et s’inspirer de l’esprit des relations fraternelles et solidaires qui existaient entre les deux pays.

En 1976, les deux Chefs d’Etat marocain et algérien, énonçaient les principes de liens indissociables entre leurs peuples respectifs, en écartant toute confrontation qui nuirait à leurs liens historiques.

Le 17 février 1976, le Roi Hassan II, s’est adressé au Houari Boumédiène en ces termes : « Pour l’honneur de votre pays et de votre peuple, auxquels s’attachent tant d’adjectifs historiques, je vous adjure d’éviter au Maroc et à l’Algérie un autre drame ».

« Je vous demande aussi de faire en sorte, soit par une guerre loyalement et ouvertement déclarée, soit par une paix internationalement garantie, que dorénavant on ne dise plus chez moi, dans mon pays, parmi mon peuple, “Algérie égale inconstance“ ».

« Que Votre Excellence accepte à travers la franchise arabe, musulmane et maghrébine, dont est tissée la trame de ce message, la considération en laquelle je la tiens. »

En réponse, l’ancien président algérien, Houari Boumédiène, répondit au Roi Hassan II en 1978 : « Le moment est venu de redire avec la plus grande solennité qu’il n’y a aucun contentieux bilatéral entre l’Algérie et le Maroc… En toute conscience, je puis assurer Votre Majesté, au nom des liens indissolubles qui existeront toujours entre nos deux peuples, que jamais aucun soldat algérien n’a franchi les frontières nationales, précisément celles que nous avons scellées ensemble en 1972… »

Une diplomatie algérienne dans le sahel : de l’activisme à la résilience ?

La diplomatie algérienne a connu son essor sous la présidence de Ben Bella et de Houari Boumédiène notamment par son engagement auprès des pays africains et arabes contre le colonialisme, à travers le soutien au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Terre d’accueil pour les résistants et indépendantistes de l’ANC, des militants congolais ou de l’Organisation de libération de la Palestine, l’Algérie a été à l’origine du nouvel ordre économique international. Celle-ci prendra la tête du mouvement des non-alignés (11).

Cette montée en puissance de la diplomatie algérienne connaitra un fléchissement à la suite de la guerre civile dans le pays ; appelé décennie noire (1992-2002). La lutte contre l’islamisme politique était une priorité qui limitait l’action de l’Etat à l’intérieur de son territoire national.

Malgré la présence de la menace terroriste aux portes de l’Algérie, une certaine passivité diplomatique régionale dans le sahel, a été déclinée à travers l’absence de construction d’un partenariat fort avec ses pays voisins.

Pour le gouvernement algérien, les partenaires sahéliens constituent un maillon faible dans la lutte contre le terrorisme en raison de leur difficulté à évaluer la menace terroriste, et leur « tendance compromissoire avec les terroristes » (12)

Pour les pays du Sahel, le terrorisme prend racine en Algérie (13). La guerre civile algérienne s’est exportée vers le sahel par le soutien de certains rebelles Touaregs au Mali et au Niger. Tout partenariat avec l’Algérie implique une action autonome via ses propres services de renseignements. Ce qui réduit toutes formes de collaboration aussi bien dans le domaine du contrôle des frontières, qu’au niveau de celui des activités des groupes armés au Sahel.

Quant à l’Union Européenne, elle ne souhaite pas voir l’Algérie comme un pivot stratégique et central dans cette région. Au regard aux enjeux et aux menaces réelles dans cette région, il appartient à l’ensemble des acteurs de définir une stratégie politique, économique, sécuritaire et sociale.

Dans ce sens, les différentes diplomaties africaines ont pris conscience de l’importance de la donne sécuritaire au Sahel, des défis du développement, de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption qui constituent de nos jours des entraves de premier ordre.

Dans le sillage de la participation citoyenne, la société civile a besoin d’avoir toute sa place dans le cadre de ce débat, afin que cette dernière puisse contribuer efficacement au nouvel ordre régional souhaité.

Par Fakhr Eddine Es-Saaidi, ancien diplomate et Imen Chaanbi, directrice France-Maghreb-Afrique de l’Observatoire Géostratégique de Genève

1 Il en est de même pour la visite de l’envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahara en Afrique du Sud, pour des échanges sur la question du Sahara, qui a été considérée comme une initiative qui ne compromet nullement l’esprit des résolutions du Conseil de sécurité.

2 Conférence de presse du Ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération du 6 février 2024

3 Site du ministère algérien des affaires étrangères

4 Interview du Sous-Secrétaire d’Etat Adjoint Joshua Harris à Alger du 9 décembre 2023, https:// dz.usembassy.gov/fr/interview-du-sous-secretaire detat-adjoint-joshua-harris-a-alger/

5 Le Monde du 19 juillet 2021

6 https://africacenter.org/fr/publication/regional-security cooperation-in-the-maghreb-and-sahel-algerias-pivotal ambivalence/

7 https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/aqmi_ et_al-mourabitoun_-_le_djihad_sahelien_reunifie__0.pdf

8 Le 25 janvier 2024, le gouvernement malien annonce son retrait de l’accord, accusant l’Algérie d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali et de soutenir les mouvements terroristes et séparatistes au Sahel.

9 La création d’assemblées régionales dotées de pouvoirs importants, élues au suffrage universel direct

10 Communique APS de la diplomatie algérienne

11 Discours de Henri Boumédiène devant l’Assemblée Générale de l’ONU le 10 avril 1974

12 Négociation et paiement des rançons aux organisations terroristes pour libérer les otages

13 Le rôle obscur de la DRS (département du renseignement et de la sécurité) et ses implications dans certains mouvements

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