Aspects historiques et géopolitiques
La République fédérale d’Éthiopie compte environ 125 millions d’habitants, ce qui en fait le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. L’Ethiopie est l’un des rares pays d’Afrique qui n’a pas vraiment subi la colonisation de puissances européennes. Le territoire actuel a été consolidé aux XIXe et XXe siècles après la bataille d’Adoua en 1896 avec l’Italie. l’Ethiopie maintiendra son indépendance jusqu’à la montée du fascisme. En effet Mussolini convoitait d’avoir un empire colonial et l’Italie occupera partiellement l’Ethiopie du 5 mai 1936 au 5 mai 1941. Après avoir été envahi par l’Italie, l’Ethiopie a retrouvé son indépendance avant la fin de la seconde guerre mondiale. La capitale Addis-Abeba est le siège de l’Union Africaine.
La Corne de l’Afrique, et spécialement Éthiopie entretient des relations
diplomatiques avec l’Union européenne de longue date. Ces relations entre l’UE et l’Éthiopie sont fondées sur l’accord de Cotonou, dont les articles 8 à 13 définissent le dialogue politique bilatéral entre les deux parties, ainsi que sur une série d’autres conventions et engagements politiques. L’UE et l’Éthiopie peuvent se prévaloir de 42 années de relations bilatérales constructives dans des domaines aussi variés que la coopération au développement, le développement commercial et économique, la consolidation des institutions démocratiques, la paix et la sécurité régionales et les migrations.
Parlement Européen. Mission en Ethiopie
En tant que vice-présidente de la commission Développement (DEVE) et membre suppléante de la Commission des Droits de la femme et de l’Égalité des Genres (FEMM) au sein du Parlement Européen, j’avais pris part à notre mission en Ethiopie. J’ai pu ainsi présenter notre travail au sein de la commission FEMM. A ce titre, avec mes deux autres collègues celui de la Commission Affaires Etrangères, et LIBE nous avons rendu une visite de courtoisie à la Présidente de la République d’Ethiopie, Son Excellence Madame Sahle-Work Zewde, chef de l’état depuis 2018. La présidente a esquissé un aperçu de la situation de son pays. Notre visite a été éclipsée par le conflit avec le Tigré, dans le nord du pays. Au cours de notre entretien, j’ai remis à laprésidente ainsi qu’á la ministre de la Femme ma brochure sur les «Mutilations Génitales Féminines et Droits Humains ».
L’Ethiopie et les mutilations génitales féminines en Éthiopie
L’Éthiopie a une incidence élevée d’excision. Dans les zones rurales, les mutilations persistent dans la tranche d’âge 15-49ans. 98,5% des femmes ont subi une clitoridectomie et/ou une infibulation, la forme la plus sévère de l’excision.
La région du Tigré a la prévalence la plus faible environ 24,0.%. Bien que ces pratiques soient officiellement interdites, 60 à 80 % des femmes ont subi une mutilation génitale féminine MGF, et 4 % sont infibulées. Qu’elle soit pratiquée par des chrétiens ou des musulmans, des orthodoxes ou des protestants, cette coutume a longtemps été de rigueur pour les jeunes filles.
Selon une récente étude menée en Éthiopie, le nombre de jeunes filles concernés a considérablement diminué au cours des vingt dernières années. Alors qu’en 2000, un peu moins de 52% des filles âgées de zéro à 14 ans étaient encore soumises à cette pratique, en 2016, ce chiffre est tombé à 15,7%. L’augmentation de l’éducation et le changement des normes sociales ont influencé cette diminution. En Éthiopie, les MGF ont été interdites par la loi en 2004.
Addis-Abeba a accueilli le premier siège de l’Inter Comité Africain qui lutte contre les traditions qui affectent la santé de la femme et de la fille (IAC ; CI-AF) marquant ainsi la volonté des femmes et des hommes engagés de cette région de mettre fin à une tradition obsolète.
Situation en Éthiopie
Le conflit et l’insécurité en Éthiopie causent de nombreuses violences sexuelles
dont les femmes et les filles sont les principales victimes. Les victimes de viol n’ont pas accès aux services chargés d’aide dans de tels cas d’autant plus que la culture du silence prévaut dans la société éthiopienne. Les femmes n’osent pas demander l’aide humanitaire à laquelle elles ont droit, car elles craignent d’être stigmatisées. Selon les rapports officiels d’Amnesty international, cette violence sexuelle prend une dimension disproportionnée en période de guerre.
Il est clair que le viol et la violence sexuelle ont été utilisés comme arme de guerre pour infliger des problèmes durables sur le plan physique et psychologique aux femmes et aux filles dans la région du Tigré. Des centaines d’entre elles ont été soumises à des traitements ignobles visant à leur faire
perdre leur dignité et les déshumaniser », selon la secrétaire générale d’Amnesty, Agnès Callamard.
La féminisation de la migration vers le Moyen-Orient
Éblouies par les promesses d’un contrat de travail juteux avec un bon salaire,
nombre de jeunes filles se rendent dans les pays du Golfe. Ce sont les personnes les plus vulnérables, car elles ne bénéficient d’aucune protection dans les pays arabes. Elles sont abusées sexuellement et perdent leur dignité. Dans le cadre de notre visite, nous avons visité le centre d’accueil pour les jeunes filles qui reviennent des pays du Golfe, Arabie Saoudite, Katar, Emirats et qui sont victimes d’abus sexuels.
Ces abus provoquent des grossesses non désirées et le rapatriement forcé dans leur pays d’origine. Rejetées de leur famille lors de leur retour, ces jeunes filles sont confrontées à l’exclusion sociale, à l’abandon et à la pauvreté. Elles trouvent refuges dans ce centre d’accueil qui travaillent à leur réinsertion au sein de la société éthiopienne.
Mesures préventives en Éthiopie
Suite aux conflits armés et au dérèglement climatique, les structures de santé ont été détruites et ont ainsi entrainé une pénurie de fournitures médicales et de personnel de santé. Cela a perturbé l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive ainsi que la prise en charge des urgences dans les cas de complications de grossesses et de santé maternelle.
L’UNFPA travaille sur le terrain pour assurer des services essentiels de protection et de santé pour les femmes et les filles dans huit régions d’Éthiopie. Leur action humanitaire place la santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles au cœur des priorités, en assurant notamment une aide médicale et psycho-sociale aux survivantes de violences physiques et sexuelles.
Notre visite à l’Union africaine.
Les Directrices expertes en genre nous ont donné un aperçu des questions qui
touchent les femmes : la violence domestique, les mutilations génitales féminines et le mariage précoce étaient à l’ordre du jour. L’Union européenne finance le «Projet Spotlight», qui vise à abolir les mutilations génitales féminines et les mariages précoces. L’engagement des organisations de la société civile est impressionnant.
Nous avons pu nous entretenir avec diverses associations féminines dont celles des avocates, «EWLA, NEWA, Siqqee, Setawee.»
Les associations féminines locales contribuent à renforcer les capacités pour
répondre aux besoins urgents et permettre des accouchements médicalisés et la
prise en charge clinique du viol.
Les ONG féminines revendiquent une participation égale hommes-femmes lors des pourparlers. Elles veulent la parité à la table des négociations pour accélérer le processus de paix. Leur participation pourrait être bénéfique pour tout le monde.
Les femmes éthiopiennes demandent notre soutien pour renforcer leurs revendications. Elles souhaitent jouer un rôle actif au sein de la population éthiopienne.
Conclusion
Les organisations de la société civile mènent de concert avec celles des
organisations internationales des actions humanitaires afin de soulager les
populations. Elles placent la santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles au cœur des priorités, en assurant notamment une aide médicale et psycho-sociale.
La sécheresse, la famine et les inondations ont dévasté une grande partie du
cheptel et endommagé les ressources de millions d’agriculteurs dans le domaine des cultures vivrières. Ces deux fléaux doublés du changement climatique ont accru l’insécurité alimentaire et la malnutrition. A cela s’ajoute le conflit avec le Tigré et la paupérisation de la population.
Sources :
IAC/CI-AF: Inter African Committee. Comité Inter-Africain de lutte contre les traditions nuisibles à la santé de la Femme et de la Fille Studie : Genitalverstümmelung nimmt weltweit ab 2.9.2022 Stuttgarter Zeitung.(Les Mutilations génitales féminines diminuent partout dans le monde. Stuttgarter Zeitung) https://www.unfpa.org/fr/ethiopie-femmes-et-filles-payent-le-prix-du-conflit-et-des-evenements-climatiques
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana,
Députée au Parlement Européen
1 ère Vice-Présidente de la Commission «Développement»
Vice-Présidente de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE
Vice-Présidente de la Délégation avec le Parlement Panafricain