Du 17 au 26 janvier, la Moldavie présente son secteur agricole à la Semaine verte internationale 2025 de Berlin, un événement mondial de premier plan pour l’industrie agroalimentaire.
Le stand du pays a attiré des visiteurs de renom, dont le commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, et le ministre allemand de l’agriculture, Cem Özdemir, soulignant ainsi le renforcement des liens de la Moldavie avec l’UE.
La ministre moldave de l’Agriculture, Ludmila Catlabuga, a remercié les responsables européens et allemands pour leur soutien à travers des initiatives telles que le dialogue sur la politique agricole entre la Moldavie et l’Allemagne (ADP), qui contribue à aligner le secteur agroalimentaire moldave sur les normes européennes. Elle a souligné l’importance de cette coopération pour faire progresser l’intégration européenne.
Cependant, alors que la Moldavie progresse sur son chemin précaire vers l’adhésion à l’UE et s’éloigne d’une relation dépendante de l’énergie utilisée comme arme par la Russie, les efforts de coopération agroalimentaire de l’UE doivent offrir à l’industrie moldave des politiques de soutien pour faciliter sa croissance au sein du système européen tout en évitant l’imposition d’une réglementation inefficace et nuisible.
La participation de la Moldavie à la Semaine verte internationale a mis en lumière le potentiel important de son industrie agroalimentaire, le commissaire Hansen reconnaissant le pays comme un partenaire clé de l’UE que Bruxelles soutiendra « afin de développer une agriculture compétitive, innovante et durable » avant la date cible de Chisinau en 2030 pour l’adhésion à l’UE.
En 2024, la Moldavie a fait de grands progrès vers cet objectif, la Commission ayant ouvert des négociations d’adhésion formelles, aux côtés de l’Ukraine, candidate partenaire, en juin dernier, et les Moldaves ayant voté de justesse « Oui » à l’adhésion à l’UE en octobre.
Alors que Moscou a fermé les robinets du gaz à la Moldavie en janvier dernier, l’UE apporte un soutien vital à l’industrie agroalimentaire moldave, qui joue un rôle crucial, et contribue à faire de ce pays un partenaire fiable. En effet, les petits agriculteurs et producteurs alimentaires moldaves devraient bénéficier de changements réglementaires majeurs, issus d’une collaboration entre l’UE et les autorités moldaves chargées de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
Approuvées par Chisinau le 15 janvier, les nouvelles règles de réduction des formalités administratives visent à réduire les coûts pour les petits producteurs, avec des dispositions clés offrant aux agriculteurs locaux une plus grande flexibilité réglementaire dans les espaces de production et la possibilité de vendre et de commercialiser directement aux consommateurs et aux entreprises.
Les maisons d’hôtes agrotouristiques peuvent désormais acheter et proposer légalement des produits de base produits localement, notamment du lait, des produits laitiers, des produits à base de plantes et du vin – le joyau de la couronne du secteur agroalimentaire moldave et une exportation majeure de l’UE.
S’appuyant sur le rapprochement agricole de l’initiative « Solidarity Lanes » de l’UE – qui a permis à la Moldavie d’augmenter considérablement ses exportations alimentaires ces dernières années – ces réformes s’avéreront cruciales pour renforcer l’économie rurale du pays et préparer le terrain pour l’intégration du marché unique de Chisinau.
Si le soutien récent de Bruxelles a envoyé un signal positif aux agriculteurs moldaves, certains vestiges de la stratégie « De la ferme à la table » de la dernière Commission, largement abandonnée, représentent une menace majeure pour la compétitivité agroalimentaire du pays si ces politiques devaient être adoptées avant l’adhésion du pays à l’UE. La proposition de l’exécutif européen d’étiquetage nutritionnel sur le devant de l’emballage (FOP) illustre ce problème, le Nutri-Score français, source de discorde, constituant le plus grand obstacle.
En se concentrant sur le sodium, les graisses et le sucre, le système d’évaluation des produits alimentaires Nutri-Score a aliéné les producteurs traditionnels de l’UE, suscitant une opposition croissante de la part d’États membres comme le Portugal, la Grèce, la Tchéquie et la Pologne. Les agriculteurs européens dénoncent depuis longtemps les scores punitifs et nuisibles à la compétitivité du Nutri-Score pour des produits de base culinaires comme les fromages AOP et les charcuteries, dont la riche valeur micronutritionnelle est complètement ignorée.
Le Nutri-Score continue de susciter des critiques scientifiques, notamment dans une étude récente de l’Université de médecine de Varsovie qui met en garde contre le fait que l’étiquette ne « tienne pas compte de la valeur nutritionnelle complète des produits… peut induire le consommateur en erreur ».
Les derniers changements apportés à l’algorithme Nutri-Score n’ont fait qu’accroître les inquiétudes, car les produits riches en nutriments comme le lait entier et les pruneaux sont désormais notés de la même manière que le Coca Light, ce qui a soulevé de sérieux doutes sur la légitimité scientifique du système. Se joignant à la résistance menée par les agriculteurs locaux, Danone est l’un des plus grands producteurs alimentaires européens à avoir récemment supprimé le label Nutri-Score de ses produits en raison des déclassements trompeurs du nouvel algorithme sur ses produits laitiers et à base de plantes – ironiquement, des produits similaires à ceux soutenus par les réformes soutenues par l’UE en Moldavie.
Pour les producteurs moldaves, les risques ne sont pas hypothétiques. La récente annulation par la Roumanie de son interdiction du Nutri-Score est particulièrement inquiétante compte tenu de sa position de premier partenaire commercial et d’investissement de la Moldavie, les échanges économiques entre les pays voisins ayant triplé pour atteindre 3 milliards d’euros au cours de la dernière décennie. De plus, le Nutri-Score ayant déjà fait des percées en Ukraine, partenaire d’adhésion, son influence pourrait s’étendre à la Moldavie avant même l’adhésion à l’UE.
Comme le montre le fiasco du Nutri-Score, l’UE devrait se débarrasser des contraintes réglementaires inutiles qui risquent d’étouffer l’industrie agroalimentaire montante de la Moldavie. Il est encourageant de constater que Bruxelles a adopté une approche constructive avec Chisinau.
Adopté en octobre dernier, le plan de croissance de l’UE, doté de 1,8 milliard d’euros et le plus important programme financier depuis l’indépendance de la Moldavie, change la donne. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a affirmé que ce soutien avait le « potentiel de doubler la taille de l’économie du pays en une décennie ». Axé sur le développement rural, l’accès au marché unique et l’aide financière directe, ce programme doit donner la priorité aux agriculteurs moldaves, garantissant que le secteur devienne un pilier de la transformation économique du pays.
Étant donné que les terres agricoles couvrent 75 % du territoire de la Moldavie – la proportion la plus élevée en Europe – l’agriculture est essentielle à son développement futur.
La plateforme de partenariat agroalimentaire (APP), lancée en 2023 avec sept pays de l’UE et le soutien de la FAO, mobilise déjà des ressources pour favoriser une production alimentaire durable et compétitive. Lors de la récente réunion ministérielle de l’APP à Berlin, Cem Özdemir a souligné à juste titre la nécessité d’impliquer les agriculteurs moldaves dans le processus d’adhésion, tandis que Ludmila Catlabuga a souligné à quel point la transformation de l’agriculture sera essentielle pour combler l’écart de revenus entre zones rurales et urbaines en Moldavie et renforcer la résilience économique.
L’intégration à l’UE offre à la fois d’immenses opportunités et des défis importants, plaçant le secteur agricole moldave à un carrefour crucial.
La bonne volonté affichée lors de la Semaine verte 2025 témoigne d’une forte dynamique, mais les propos de la Commission doivent être accompagnés de politiques ambitieuses de soutien à l’industrie, tout en évitant de créer des contraintes excessives. Face à l’ingérence russe persistante, Bruxelles doit reconnaître que le succès de la Moldavie est le succès de l’Europe, en veillant à ce que ses producteurs soient en mesure de prospérer lors de leur adhésion à l’UE dans les années à venir.
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