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Présidence égyptienne de l’UA: le bilan sans concession d’Ibrahima Kane

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Le 33e sommet de l’Union africaine se tient à Addis-Abeba dimanche et lundi. Après des réunions à plusieurs niveaux les chefs d’État des pays du continent vont clôturer les travaux de l’Assemblée pour la dernière fois sous la présidence du président égyptien. Quel bilan tirer de cette présidence ? Éléments de réponse avec Ibrahima Kane, chargé des relations avec les organes de l’Union africaine à la Fondation Open Society.

RFI : Le président égyptien, Abdel Fattah  al-Sissi, quitte la tête de l’Union africaine après un an de présidence. Quel bilan peut-on tirer de son engagement en tant que leader de l’institution panafricaine ?

Ibrahima Kane : La présidence égyptienne a, par bien des aspects, été différente des autres présidences. Elle a été moins impliquée dans les initiatives africaines au sens large et plus préoccupée par ses propres problèmes : les négociations autour du barrage de la Renaissance en Éthiopie et la crise en Libye. Dans ces deux dossiers, il est curieux de constater que l’Égypte qui était à la tête de l’UA a tout fait pour ne pas impliquer les mécanismes africains dans la recherche de la paix.

La Libye a pourtant marqué l’actualité du continent en 2019 ?

En Libye, l’Égypte s’est rangée du côté d’une faction qui n’est pas reconnue par l’UA (le maréchal Khalifa Haftar, NDLR). La première réunion sur cette crise libyenne a été organisée hors du continent alors que la présidence égyptienne aurait dû tout faire pour impliquer les mécanismes africains. L’absence d’al-Sissi à la réunion de Brazzaville ne fait que confirmer cela. Pourtant au début de sa présidence, le président égyptien avait décliné un certain nombre de priorités, dont la lutte contre le terrorisme et la recherche de la paix dans la région du Sahel. Rien n’a été couronné de succès, cette présidence n’a pas été un succès. Le rôle du président en exercice, c’est d’être toujours en alerte et présent où se discutent les questions importantes du continent. Et Abdel Fattah al-Sissi n’a pas été là. Pour moi le pire, c’est le peu d’intérêt qu’il a attaché à la gestion des conflits en Afrique. Quand le Mali ou le Burkina Faso brulaient, il n’y a pas eu de communiqué de la présidence ni de délégation de ministres qui s’est déplacée.

Est-ce que cette présidence a marqué une nette rupture avec celle de son prédécesseur le président rwandais, Paul Kagame ?

Le président Kagamé n’était pas simplement président en exercice, il était impliqué dans la réforme de l’Union africaine, une refonte qui n’est d’ailleurs pas terminée. L’Égypte n’a rien fait pour faire avancer les dossiers. L’Égypte n’est pas très préoccupée par le renforcement du système régional ni par son désir de vouloir marquer son passage à la présidence. C’est un peu surprenant, car la préparation de cette présidence avait été bien faite avec beaucoup de réunions pour coordonner les actions. Par exemple, l’Égypte avait vite fait de signer le traité créant la zone de libre-échange en Afrique (Zelc). Le président a dit plusieurs fois qu’il allait tout faire pour que cette zone soit une réalité, mais il reste à faire tellement de choses et il y a encore tellement de mécanismes à mettre en place que ça parait impossible à réaliser dans les temps impartis.

Qu’est-ce qui pour vous aura été les réussites à mettre au crédit de la présidence égyptienne ?

Le point positif de cette année, c’est le thème qui avait été choisi : la célébration du 50e anniversaire de la convention de l’OUA (ancien nom de l’Union africaine, NDLR) sur les réfugiés. Autour de ce thème, il y a eu beaucoup de conversations sur tout le continent grâce à l’appui du Haut-commissariat aux réfugiés et cela a beaucoup aidé à faire évoluer les positions d’États qui étaient anti-réfugiés en Afrique. Je pense surtout aux États d’Afrique de l’Est. Il y a eu une grande conférence à Kampala au mois d’octobre/novembre et elle a permis de comprendre que ce texte était bon et que les États engagés pouvaient contribuer à mieux accueillir les réfugiés sur le continent et à mieux les intégrer dans les sociétés africaines. Et l’un des moyens de cette intégration, voire le seul, c’est de donner aux réfugiés la nationalité et jusqu’ici beaucoup de pays la refusent. La question de la xénophobie en Afrique australe a aussi été longuement discutée. Donc ce thème a vraiment permis des débats qui n’avaient pas pu avoir lieujusque-là.

Abdel Fattah al-Sissi va désormais passer le relais au président sud-africain, Cyril Ramaphosa. Que peut-on attendre de cette année de présidence ?

L’Afrique du Sud peut aider à débloquer un certain nombre de choses concernant la réforme de l’Union africaine. Notamment sur le Parlement panafricain où l’Afrique du Sud a intérêt à ce que les choses évoluent puisque c’est elle qui l’abrite. Elle peut aussi faire des avancées au niveau des droits de l’homme, car c’est un pays phare sur le continent qui est en avance et qui fait autorité sur cette question. On l’attend aussi sur la question du retour des objets d’art, l’Afrique du Sud peut jouer un rôle important. Et enfin, Cyril Ramaphosa aura un rôle à jouer sur les crises africaines. C’est un pays qui a les moyens de peser, parce qu’elle a aussi les moyens logistiques, et une voix qui compte. En plus, l’Afrique du Sud n’est pas directement impliquée ou impactée par certains conflits comme au Sahel et en Libye. L’Afrique du Sud n’est pas, à ce que je sache, impliquée dans les ventes d’armes et autre, par exemple. Et aussi les qualités de négociateur qui sont reconnues à Cyril Ramaphosa pourront être précieuses pour cette présidence.

RFI

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