« J’y vais pour gagner »: Agnès Buzyn a annoncé dimanche sa candidature à la mairie de Paris, où lui revient la délicate mission de porter les couleurs de LREM pour remplacer en urgence Benjamin Griveaux, qui a renoncé après la diffusion de vidéos sexuelles.
Sur proposition du Premier ministre et au terme d’un week-end d’intenses tractations, Emmanuel Macron a « mis fin » aux fonctions d’Agnès Buzyn au gouvernement et nommé le député et médecin Olivier Véran au ministère des solidarités et de la santé.
Le passation entre Mme Buzyn et M. Véran devrait avoir lieu lundi matin à 10H00, a appris l’AFP de source gouvernementale. Mon « successeur évidemment prendra en main » les sujets « d’importance » du ministère, avait assuré Agnès Buzyn, alors que l’opposition lui reproche déjà un « abandon de poste », en plein « coronavirus, crise hospitalière » et débat sur les retraites qui arrive lundi dans l’hémicycle.
« J’y vais, j’en ai envie », a affirmé à l’AFP la nouvelle candidate, qui a été sollicitée pendant plusieurs jours par nombre de marcheurs et partenaires de la majorité présidentielle dans la bataille parisienne.
Sous un déluge de pluie, elle est arrivée dans la soirée dans un café parisien où LREM avait organisé un rassemblement. « Cette ville va mal, elle n’est pas bien gérée », a tout de suite lancé l’ex-ministre, entourée de militants enthousiastes et du délégué général du mouvement Stanislas Guerini.
A moins de trente jours du premier tour le 15 mars, c’est un nouveau rebondissement majeur dans cette campagne qui n’en manque pas. Vendredi encore, Agnès Buzyn disait sur France Inter qu’elle ne « pourrait pas » être candidate en raison de son agenda « très chargé » et du « surcroît de travail » provoqué par la crise du coronavirus.
Mais LREM peinait à trouver un plan B et dimanche midi, les alliés du MoDem, par la voix de Patrick Mignola, chef de file des députés centristes, réclamaient encore sur France 3 le « plan B comme Buzyn ».
A 57 ans, l’ancienne médecin et ex-présidente de l’institut national du cancer, hérite d’une mission difficile pour la première expérience électorale de sa carrière.
Avant même son retrait spectaculaire vendredi, Benjamin Griveaux était troisième dans les sondages, derrière la maire socialiste sortante Anne Hidalgo et la candidate LR Rachida Dati.
Les marcheurs souhaitaient donc un poids lourd et une solution rapide dans une séquence municipale globalement compliquée, alors que le débat agité sur les retraites démarre dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lundi.
– « Rebattre les cartes » –
Selon Stanislas Guerini, à l’AFP: « sa candidature est à même de rebattre les cartes et est une candidature de rassemblement ».
Le chef de file des députés LREM Gilles Le Gendre salue aussi un « excellent choix », avec une personnalité qui « saura rassembler ». L’ex-ministre était souvent décrite comme une tenante de la « fibre sociale » du gouvernement.
Les nouveaux rivaux parisiens d’Agnès Buzyn fustigent à l’inverse un « abandon de poste » au ministère de la Santé. Pour le directeur de campagne d’Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire (PS), la marcheuse commet « une grave faute politique » alors qu’elle « expliquait il y a deux jours qu’elle ne pouvait être candidate à Paris en raison des sujets majeurs dont elle s’occupe : coronavirus, crise hospitalière… ».
Dans l’entourage du dissident et ex-LREM Cédric Villani, on critique aussi une « décision incompréhensible » qui « fragilise l’exécutif en pleine crise sanitaire ».
Pour l’eurodéputé RN Jordan Bardella, c’est une décision « accablante », au moment où « le pays traverse une épidémie inquiétante ».
Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, sur BMFTV, « sent un grand cafouillage », alors « qu’on a une réforme (des retraites) fondamentale qui arrive lundi dans l’hémicycle », et que la ministre devait porter avec le secrétaire d’Etat aux retraites Laurent Pietraszewski.
Et dans le milieu hospitalier, le président du collectif Inter-Urgences, Hugo Huon, reproche à Mme Buzyn « une belle forme de mépris », quand « tout reste à faire à l’hôpital »
C’est maintenant Olivier Véran qui va devoir gérer les nombreux dossiers sensibles du ministère. Agé de 39 ans et issu des rangs socialistes, ce député LREM de l’Isère, neurologue de profession, était rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée et co-rapporteur de la loi sur la réforme des retraites.
Adepte de formules chocs, volontiers taquin avec les oppositions, il espérait depuis longtemps entrer au gouvernement, y compris sous le précédent quinquennat.
Il y avait urgence chez LREM à tourner la page Benjamin Griveaux, premier homme politique de premier plan à démissionner pour une affaire de « sex tape ».
Les diffuseurs présumés de vidéos sexuelles, l’artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra de Taddeo, sont tous deux en garde à vue pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » et « diffusion sans l’accord de la personne d’images à caractère sexuel », dans le cadre de l’enquête ouverte samedi à la suite du dépôt d’une plainte contre X de M. Griveaux.
Selon une source proche du dossier, Mme de Taddeo, en garde à vue depuis samedi soir, aurait été au départ la destinataire des vidéos sexuelles datant de mai 2018, lorsque Benjamin Griveaux était porte-parole du gouvernement, selon des sources concordantes.
AFP