La Roumanie et la Bulgarie rejoindront pleinement l’espace Schengen le 1er janvier 2025, supprimant ainsi les contrôles aux frontières terrestres avec les pays voisins. Cette étape tant attendue intervient après des années de retards dus à des préoccupations politiques et sécuritaires.
Cependant, leur adhésion s’inscrit dans un contexte d’escalade des pressions migratoires et de réintroduction de contrôles temporaires aux frontières dans une grande partie de l’espace Schengen, ce qui soulève des questions sur la résilience et la cohésion de la zone.
Une décision historique dans une zone fragmentée
Le chemin de la Roumanie et de la Bulgarie vers l’adhésion à l’espace Schengen a été un processus de longue haleine, bien qu’ils aient satisfait à des critères techniques dès 2011. L’Autriche et les Pays-Bas avaient précédemment bloqué leur adhésion, invoquant des inquiétudes concernant la migration irrégulière et une gestion insuffisante des frontières.
Leur intégration dans l’espace Schengen devrait renforcer les liens économiques et faciliter le commerce et le tourisme. Pourtant, le calendrier souligne les défis auxquels est confrontée la zone de libre circulation de l’Europe. Plusieurs États membres de l’espace Schengen, dont l’Allemagne, la France et l’Italie, ont récemment réintroduit les contrôles aux frontières, invoquant des menaces pour la sécurité et des problèmes liés à la migration, soulignant la pression sur le système.
Une vague de contrôles temporaires aux frontières
En vertu du code frontières Schengen, les États membres peuvent réintroduire temporairement des contrôles aux frontières en réponse à des circonstances exceptionnelles. Récemment, une vague de mesures de ce type a été mise en œuvre dans toute l’Europe, reflétant les préoccupations accrues concernant le terrorisme, le crime organisé et la migration irrégulière :
- L’Autriche a étendu ses contrôles à la Hongrie et à la Slovénie jusqu’en mai 2025, en raison de niveaux élevés de migration irrégulière et d’une augmentation des activités de passeurs liées aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient.
- L’Allemagne a rétabli les contrôles à ses frontières avec l’Autriche, la Pologne, la République tchèque et d’autres pays, afin de faire face aux risques de sécurité associés au trafic de migrants et aux flux migratoires.
- La France a réintroduit des contrôles aux frontières avec les pays voisins, dont l’Italie et l’Espagne, invoquant l’intensification des menaces terroristes et les pressions sur son système d’asile.
- Le 9 décembre 2024, les Pays-Bas ont mis en place de nouveaux contrôles aux frontières, ciblant la migration irrégulière et le trafic de migrants à leurs frontières terrestres avec l’Allemagne et la Belgique.
- L’Italie, le Danemark, la Suède, la Slovénie et la Norvège ont tous emboîté le pas, mettant en place ou étendant les contrôles aux frontières en réponse à diverses menaces, allant du crime organisé à l’espionnage potentiel lié à l’agression russe en Ukraine.
Ces mesures, bien que légales au regard des règles de l’UE, mettent en évidence les tensions croissantes entre le principe de libre circulation et les priorités de sécurité nationale.
Un exercice d’équilibre délicat
La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a exprimé ses inquiétudes quant à l’impact de ces contrôles sur l’intégrité de Schengen. Lors d’un débat en plénière en octobre, Johansson a averti que les contrôles aux frontières intérieures devaient rester « temporaires, proportionnés et une mesure de dernier recours ». Elle a plaidé en faveur de solutions alternatives, telles que des patrouilles conjointes et une coopération policière renforcée, pour répondre aux problèmes de sécurité sans porter atteinte au principe de la libre circulation.
Les commentaires de Johansson résonnent alors que la Roumanie et la Bulgarie se préparent à rejoindre un espace Schengen qui semble de plus en plus fragmenté. Huit membres de l’espace Schengen maintiennent actuellement des contrôles aux frontières, ce qui soulève des questions sur la capacité de la zone à fonctionner comme prévu.
Les changements politiques permettent le progrès
L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie est devenue possible après d’importants changements politiques au sein de l’UE. L’Autriche, qui était auparavant un opposant virulent, a levé son veto cette semaine, le ministre de l’Intérieur Gerhard Karner citant des améliorations dans la coopération migratoire. Les Pays-Bas sont également revenus sur leur position, bien que les responsables aient exprimé des réserves persistantes.
Si ces développements ont permis la poursuite de l’adhésion, ils reflètent également les tensions sous-jacentes au sein du bloc. Les critiques affirment que la décision d’admettre la Roumanie et la Bulgarie, bien qu’elle soit politiquement importante, risque de mettre à rude épreuve un système déjà sous pression.
Les défis de la gouvernance de Schengen
L’espace Schengen, qui s’est étendu à 27 pays avec cet élargissement, compte aujourd’hui 450 millions de personnes sur 4,5 millions de kilomètres carrés. Si cette croissance témoigne de l’engagement de l’UE en faveur de la libre circulation, la réintroduction des contrôles aux frontières par plusieurs États membres met en évidence des vulnérabilités importantes.
Les réformes de la gouvernance de Schengen, y compris la mise à jour du code des frontières Schengen et du pacte sur la migration et l’asile, visent à relever ces défis. Cependant, une mise en œuvre efficace nécessitera une coopération et une confiance solides entre les États membres, qui ont été mises à l’épreuve par de récentes actions unilatérales.
Implications pour la Roumanie et la Bulgarie
Pour la Roumanie et la Bulgarie, l’adhésion à l’espace Schengen est une réalisation attendue de longue date, qui promet une plus grande mobilité et une plus grande intégration économique. Pourtant, leur inclusion s’accompagne d’attentes accrues en matière de gestion efficace des frontières extérieures et de résolution des problèmes migratoires. Les critiques avertissent que le non-respect de ces obligations pourrait exacerber les tensions existantes au sein de la zone.