La Fed n’aura qu’une seule mission mercredi, à l’issue de sa réunion monétaire: convaincre marchés, entreprises et consommateurs qu’elle est prête à tout pour limiter l’impact du coronavirus sur l’économie américaine, même si ses outils ne sont pas les mieux adaptés à cette menace inédite.
La Réserve fédérale américaine devrait notamment dégainer son arme habituelle face à la crise, et annoncer une baisse des taux, comme l’anticipent désormais l’ensemble des analystes.
Une carte qu’elle a déjà sortie début mars, alors que l’épidémie de nouveau coronavirus commençait à dangereusement s’étendre aux Etats-Unis, menaçant l’activité du pays. La Fed avait alors abaissé d’un demi-point de pourcentage ses taux, jusqu’à une fourchette comprise entre 1% et 1,25%.
Et ce sans même attendre son habituelle réunion monétaire, qui se déroule toutes les six semaines. Une mesure qu’elle n’avait pas prise depuis 2008, alors que la crise des subprimes faisait rage.
Mercredi, son président Jerome Powell pourrait même décider de descendre jusqu’à zéro, et ainsi rejoindre beaucoup d’autres Banques centrales.
C’est en tout cas ce que réclame depuis des mois le président Donald Trump, qui reproche à la Fed de ne pas en faire assez, de ralentir la croissance de l’économie.
« La Réserve fédérale doit ENFIN abaisser les taux, jusqu’à un niveau comparable aux Banques centrales concurrentes », a-t-il encore tancé vendredi sur son compte Twitter, quelques heures avant de décréter l’urgence nationale.
Si Donald Trump tempête en permanence contre Jerome Powell, il a toutefois assuré samedi qu’il n’avait pas l’intention de nommer quelqu’un d’autre à la tête de la Fed.
L’abaissement des taux, qui permet de baisser le coût du crédit et ainsi de stimuler la consommation, fonctionne pour soutenir l’économie lors d’une crise classique. Mais rien ne dit que cela sera efficace pour lutter contre cette crise inédite.
Le défi qui attend la Réserve fédérale américaine est de taille, alors que la récession guette l’économie américaine et que Wall Street a connu jeudi sa pire journée depuis le krach boursier d’octobre 1987.
– Choc temporaire, effet durable –
« L’enjeu est d’apporter des fonds aux entreprises dont le flux de trésorerie a été sévèrement touché par le virus, principalement dans le transport, l’hôtellerie, la restauration et d’autres secteurs des services pour lesquels la demande a chuté », explique Keith Wade, chef économiste du gestionnaire d’actifs Schroders.
Car si un nombre trop élevé d’entreprises doivent mettre la clé sous la porte, « le danger est qu’un choc temporaire ait un effet durable », souligne-t-il.
Son pronostic pour la semaine prochaine? Une nouvelle baisse des taux, mais aussi racheter de la dette de sociétés: « bien que cela nécessiterait un changement de la loi aux États-Unis, cela pourrait être plus efficace que les baisses de taux ».
Face à l’affolement, la Fed a en effet abreuvé les marchés en liquidités toute la semaine, apportant plusieurs milliers de milliards de dollars, et a renoué avec les rachats de dette américaine à travers les bons du Trésor.
Les observateurs y ont immédiatement vu le retour d’un outil utilisé pour combattre la crise de 2008: le quantitative easing (QE), ou assouplissement quantitatif, qualifié par des analystes de Barclays de « bazooka de la liquidité ».
« La Fed est intervenue de manière agressive pour rétablir le calme sur les marchés, mais on attend encore plus de sa part », ont commenté des analystes d’Oxford Economics dans une note.
Cette réunion « pourrait être le moment +peu importe le prix+ de la Fed », avec une baisse des taux au plus bas, et « l’annonce officielle de la renaissance des QE », ajoutent-ils.
Depuis la dernière réunion monétaire de la Fed, la face de l’économie américaine et mondiale a complètement changé. Ce qui n’était qu’un risque aux conséquences encore très incertaines fin janvier est aujourd’hui en train de mettre à genoux l’économie mondiale.
Jeudi, la Banque centrale européenne n’avait, en réponse au coronavirus, pas touché à ses taux, mais présenté un arsenal de mesures techniques, et estimé que la réponse devait d’abord venir des gouvernements.
Quant à la Banque d’Angleterre, elle a abaissé ses taux à 0,25%, et celle du Canada, d’un demi-point.
AFP