Depuis plus d’une décennie, l’Europe est engluée dans un cycle d’hésitations en matière d’intégration de ses marchés financiers. Face à l’aggravation des défis mondiaux, le temps de l’inaction est révolu.
Si l’Europe veut répondre aux exigences des transitions verte et numérique, une transformation fondamentale est nécessaire, qui libère l’investissement privé et renforce les marchés financiers européens. La dernière proposition de la Commission européenne concernant une Union de l’épargne et de l’investissement est un pas dans la bonne direction, mais sa concrétisation nécessitera une action décisive des États membres.
Markus Ferber, député européen et porte-parole du Parti populaire européen (PPE) à la commission des affaires économiques et monétaires, a souligné l’urgence d’une réforme. « Les transitions écologique et numérique nécessiteront des dépenses annuelles de plusieurs centaines de milliards d’euros, et cet argent ne peut provenir uniquement des finances publiques. La part du lion doit provenir de l’investissement privé, ce qui nécessite des marchés de capitaux européens robustes. Une économie européenne forte a besoin de marchés financiers solides », a déclaré M. Ferber.
Le défi est de taille. Chaque année, environ 300 milliards d’euros d’épargne européenne sont investis aux États-Unis. Ces capitaux, au lieu de soutenir l’innovation et la croissance économique européennes, financent les entreprises américaines. Malgré des relations transatlantiques tendues avec le président Donald Trump, l’Europe continue de négliger son propre potentiel financier. Si les décideurs politiques européens souhaitent sérieusement assurer leur prospérité à long terme, ces capitaux doivent être conservés et canalisés vers les industries européennes.
Les obstacles à l’intégration des marchés de capitaux européens sont bien connus, et les dernières propositions de la Commission européenne reconnaissent nombre de problèmes persistants. Ce plan reformule en grande partie les mesures précédentes, mais demeure crucial pour réaliser des progrès significatifs. « Si nous parvenons à mettre en œuvre ces propositions, des progrès significatifs pourront être réalisés. Nous ne pouvons pas nous permettre cinq années supplémentaires de stagnation en matière d’intégration des marchés de capitaux », prévient M. Ferber.
L’un des principaux obstacles à l’intégration a été la réticence des États membres à céder le contrôle de la réglementation financière. Les intérêts nationaux ont à maintes reprises entravé les efforts visant à créer un marché financier véritablement unifié. Ferber est catégorique : « Nous ne progresserons que si les États membres jouent leur rôle. » Ces dernières années, les États membres ont entravé une meilleure intégration des marchés financiers européens.
Si nous voulons réaliser de réels progrès sur l’Union de l’épargne et de l’investissement, le Conseil doit faire preuve de beaucoup plus d’audace. Cela implique de s’attaquer aux grands enjeux tels que le droit de l’insolvabilité, la fiscalité et une approche plus harmonisée de la supervision.
C’est là le cœur du problème. Sans harmonisation dans des domaines clés tels que les procédures d’insolvabilité, les régimes fiscaux et la supervision financière, l’intégration des marchés de capitaux restera une utopie. Les investisseurs exigent sécurité, efficacité et égalité des conditions de concurrence. Des règles nationales divergentes engendrent une fragmentation, découragent les investissements transfrontaliers et désavantagent les entreprises européennes par rapport à leurs homologues américaines et asiatiques.
L’Union de l’épargne et de l’investissement n’est pas un simple exercice bureaucratique ; c’est une nécessité économique. Un marché européen des capitaux performant offrirait aux entreprises un meilleur accès au financement, réduirait leur dépendance aux banques et favoriserait un environnement d’investissement plus dynamique. Compte tenu des contraintes budgétaires auxquelles sont confrontés de nombreux gouvernements de l’UE, l’investissement privé doit occuper une place centrale dans le financement de l’avenir du continent.
La Commission a présenté un ensemble de mesures réalistes, mais elles ne serviront à rien sans volonté politique. La balle est désormais dans le camp des gouvernements nationaux. Sauront-ils se montrer à la hauteur et mener à bien les réformes nécessaires, ou l’Europe subira-t-elle une nouvelle décennie perdue de stagnation financière ?
Les enjeux sont plus importants que jamais. Pour que l’Europe reste compétitive, elle doit agir maintenant.
Image principale : Photographe : Michel CHRISTEN © Union européenne 2025 – Source : EP