Des propos tenus à Kigali par le directeur de cabinet du président congolais Félix Antoine Tshisekedi Tshilimbo, Vital Kamerhe, et l’annonce du don de trente vaches à de jeunes Rwandais ont suscité dimanche la polémique en République démocratique du Congo (RDC), où de nombreux Congolais se souviennent du rôle joué par le Rwanda dans les deux guerres qui ont ravagé le pays entre 1996 et 2003.
Invité samedi au mariage de Sanday Kabarebe, le fils de l’ex-général James Kabarebe – un proche du président rwandais Paul Kagame -, M. Vital s’y est rendu en jet privé avec sa femme, Hamida Chatur Kamerhe, rapporte le site d’information Politico.cd.
Déclarant être venu pour « consolider les relations entre le Kivu – M. Kamerhe est originaire de la province orientale du Sud-Kivu – et le Rwanda », M. Kamerhe a annoncé offrir « trente vaches » au couple de jeunes mariés lors de sa prise de parole dans la tente géante du domaine de Sano Park Rusororo, à l’est de Kigali, où s’est tenue la cérémonie du mariage en présence de plusieurs officiels rwandais.
Il a aussi qualifié M. Kabarebe d’ »ami » et félicité les mariés au nom du président Tshisekedi, dans son intervention qui circule sur les réseaux sociaux.
Or, M. Kabarebe est une figure de l’ex-rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), aujourd’hui au pouvoir à Kigali, et l’une des personnalités-clés du régime de M. Kagame.
Cet officier tutsi rwandais ayant grandi en Ouganda a été aide de camp du général Kagame, alors chef de l’Armée patriotique rwandaise (APR, le bras armé du FPR), en 1994 lorsque le FPR s’est emparé du pouvoir à Kigali en juillet de cette année, mettant fin au génocide qui a fait au moins 800.000 personnes, selon l’Onu – un million selon le régime rwandais.
Il a ensuite conduit, en 1996-1997, l’opération militaire qui a abouti à la chute du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko et à la prise de Kinshasa par l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL). C’est cette coalition qui avait permis à Laurent-Désiré Kabila de devenir président du pays – rebaptisé RDC – en mai 1997.
En guise de remerciement, M. Kabila avait nommé James Kabarebe chef d’état-major général de l’armée congolaise (à l’époque les Forces armées congolaises, FAC), avant de le renvoyer en 1998 lorsque le leader congolais avait décidé de rompre avec ses anciens parrains rwandais et ougandais. En riposte, Kigali et Kampala avaient soutenu des rebellions qui ont plongé la RDC dans un conflit ayant impliqué, entre août 1998 et la fin 2002, neuf pays africains, parfois qualifié de « première guerre mondiale africaine ».
Le général Kabahere avait ensuite été ministre rwandais de la Défense d’avril 2010 à octobre 2018. Il est depuis lors conseiller spécial du président Kagame et reste le seul officier de la région à avoir occupé successivement des hautes fonctions politico-militaires dans trois pays différents.
Cette visite à Kigali et le don de trente vaches ont suscité des vives réactions sur les réseaux sociaux, en raison des relations en dents de scie entre les deux pays mais que M. Tshisekedi s’efforce de normaliser.
« Vous offrez 30 vaches aux bourgeois rwandais alors qu’à quelques kilomètres de là, les orphelins de Beni (une ville du Nord-Kivu en proie aux violences », ndlr) manquent de quoi se mettre sous la dent. Vous faites la honte Vital Kamerhe et vous comptez diriger en 2023? Nous allons vous rappeler », a écrit l’activiste du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha) Gloria Sengha Aïdara Halal sur son compte Twitter.
« Vous pouvez m’expliquer cette relation (à consolider entre Kinshasa et Kigali)? Combien ces Congolais de l’est sont morts à cause de ses voisins? « , a-t-elle ajouté.
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