Légende photo : Le changement de système, revendication principale du mouvement du 22 février. © Billel Zehani. Liberté
Ni l’organisation de l’élection présidentielle qui a porté Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’État, ni la libération spectaculaire de certains détenus du hirak, ni encore moins l’annonce de la composition du gouvernement ne semblent avoir produit un impact sur la mobilisation populaire.
Pour le 49e vendredi de mobilisation, l’Algérie a été, une nouvelle fois, au rendez-vous des marches populaires pacifiques qui ont marqué une grande partie du territoire. Loin de subir les affres de l’actualité et des tentatives de l’affaiblir, le mouvement populaire est resté droit dans ses bottes. Pourtant, le pouvoir a tout tenté. Jeudi, à quelques heures de l’annonce de la composante du gouvernement d’Abdelaziz Djerad, plus de 70 détenus du mouvement populaire ont été libérés. La nouvelle, annoncée par les médias du pouvoir avant même que les familles et les avocats des concernés ne soient informés, pourrait avoir été orchestrée pour dissuader les Algériens de manifester le lendemain.
Mais cela n’a visiblement pas marché. Bien au contraire. Vendredi, les marcheurs étaient bien plus nombreux que lors des semaines précédentes. Outre la flamme restée intacte, la sortie de prison de certains détenus a redonné de l’espoir à beaucoup de militants du hirak. Certains détenus libérés n’ont d’ailleurs pas boudé leur plaisir de rejoindre les marcheurs quelques heures seulement après leur libération. Ce qui a donné une ambiance particulière à vendredi dernier où la joie de la libération a boosté l’énergie des marcheurs.
Plus que la mobilisation populaire, le hirak garde le cap. Les slogans portés vendredi dernier et les revendications exprimées ne diffèrent pas de celles qui ont marqué le mouvement populaire durant les dix derniers mois. Ainsi, malgré l’élection d’Abdelmadjid Tebboune et le départ de tous les “B” — le dernier, Abdelkader Bensalah, a définitivement quitté la scène politique — le slogan “Yetnehhaw gaâ” (Ils doivent tous partir) est toujours repris en chœur par des milliers de manifestants.
Ce qui signifie que c’est le changement de tout le système politique qui est réclamé et non pas seulement celui du chef de l’État ou d’autres figures. À cette “revendication originale” s’ajoute une autre réclamation qui n’a jamais été abandonnée : le principe de la primauté du politique sur le militaire est rappelé avec la même constance. “Dawla madania, machi âaskariya” est rappelé dans toutes les villes du pays.
La revendication est d’une importance capitale même si, pour l’instant, le pouvoir que représente Abdelmadjid Tebboune semble l’ignorer. Le chef de l’État n’en a d’ailleurs jamais parlé, ni dans sa campagne électorale ni après son élection. Pourtant, le maintien de la mobilisation populaire n’est pas évident. Avant le coup de force électoral qui a porté Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République, les autorités ont tout fait pour faire cesser les manifestations.
Des arrestations de figures du mouvement populaire sont opérées à grande échelle (on parle de 100 militants emprisonnés), les accès aux grandes villes sont verrouillés et les médias sont muselés depuis le début de l’été dernier. Cela ne semble pas avoir d’impact sur une mobilisation populaire qui a, certes, connu des moments de doute.
Mais elle ne s’est jamais arrêtée. En face, le pouvoir fait toujours la sourde oreille. Il continue d’ignorer la mobilisation populaire. Il applique toujours sa propre feuille de route. Comme seule réponse à la poursuite de la mobilisation populaire, Abdelmadjid Tebboune avait promis “la main tendue” au hirak. Mais depuis, rien de concret, ni de précis n’est venu traduire cette promesse en projet politique.
Dans le fond, le chef de l’État a juste promis de “construire une nouvelle république” par le biais d’une nouvelle Constitution et en révisant la loi électorale. L’homme n’a évoqué ni le rôle de l’armée ni l’avènement de nouvelles pratiques du pouvoir. Il vient, d’ailleurs, d’en donner un aperçu à travers la nomination d’un nouveau gouvernement.
Liberte-algerie
Ali Boukhlef