Les marchés financiers ont réagi négativement à l’impasse budgétaire en France, poussant la prime de risque obligataire du pays à son plus haut niveau depuis la crise de la zone euro il y a plus de dix ans. L’écart de taux d’intérêt entre les obligations françaises et allemandes a atteint 0,88 point de pourcentage, doublant depuis mars, et a brièvement culminé à 0,90 point de pourcentage mercredi matin.
L’augmentation de l’écart reflète un regain d’incertitude sur l’avenir budgétaire de la France. Le Rassemblement national (RN), d’extrême droite, dirigé par Marine Le Pen, a refusé d’approuver le budget présenté au Parlement par le Premier ministre Michel Barnier. Sans le soutien du RN, Barnier n’a pas de majorité au Parlement. Le Pen a tracé trois lignes rouges, s’opposant à l’augmentation des taxes sur l’électricité, à la réduction de l’indexation des retraites et à la réduction des remboursements des médicaments – des mesures clés du plan de Barnier pour stabiliser les finances publiques françaises.
Pressions croissantes sur le déficit
La France est confrontée à un déficit budgétaire qui devrait atteindre 5,5 % du PIB cette année, ce qui a suscité des pressions de la part de l’Union européenne pour mettre en œuvre des réformes budgétaires. La perspective de voir Le Pen faire tomber le gouvernement a alarmé les investisseurs obligataires, augmentant le risque perçu de la dette française. Les analystes de Citibank prédisent que l’écart entre les obligations françaises et allemandes pourrait se creuser jusqu’à un point de pourcentage si les mesures d’austérité de Barnier déraillent, rapprochant les coûts d’emprunt de la France de ceux de la Grèce et de l’Italie.
Commerzbank a conseillé à ses clients de vendre des obligations françaises, invoquant la fragilité économique du pays. Les investisseurs se sont tournés vers les pays d’Europe du Sud comme l’Espagne et le Portugal, qui ont fait preuve d’une plus grande discipline budgétaire ces dernières années.
Retombées potentielles sur le marché
Le Premier ministre Barnier a mis en garde contre des turbulences sur les marchés si ses propositions budgétaires étaient rejetées. Le spread obligataire de la France avait déjà fortement grimpé en juin à la suite d’élections anticipées qui ont soutenu le RN et affaibli la position du président Emmanuel Macron. Les observateurs de l’époque ont établi des parallèles avec le « moment Liz Truss » au Royaume-Uni, où les marchés financiers ont réagi si vivement à la politique économique de l’ancienne Première ministre qu’elle a été contrainte de démissionner.
Pour compliquer encore les choses, les agences de notation de crédit en prennent note. Standard & Poor’s doit annoncer vendredi son examen de la solvabilité de la France, les agences Fitch et Moody’s ayant déjà révisé leurs perspectives à « négatives ». Bien qu’il n’y ait pas encore eu de dégradation de la note, une telle décision pourrait peser davantage sur la confiance des investisseurs.
Barnier est confronté à un choix difficile : il pourrait contourner le Parlement et faire passer le budget unilatéralement. Cependant, une telle décision risque de déclencher un vote de défiance, que Le Pen pourrait initier avec le soutien probable des partis de gauche. Cela pourrait plonger la France dans une impasse politique plus profonde. Lorsqu’on lui a demandé récemment s’il s’attendait à rester Premier ministre d’ici Noël, M. Barnier a prudemment répondu qu’il était « trop tôt » pour le dire.