Monica Bellucci à Venise en septembre 2019 – © ALBERTO PIZZOLI – AFP
Le Magritte d’Honneur de la 10e Cérémonie des Magritte du Cinéma sera décerné à la comédienne Monica Bellucci, la plus francophone et francophile des actrices italiennes.
D’abord, il y a un accent. Comme un chant qui la précède. Une modulation de la langue qui traduit la phrase la plus simple en dialogue de cinéma. Il y a un accent, et il y a un regard. Un regard ténébreux, profond, transperçant. Un regard qui transforme l’instant le plus futile en moment de cinéma.
Monica Bellucci nait dans les années 60 dans un petit village d’Ombrie, au cœur de l’Italie. Elle s’évade en découvrant à la télévision les maîtres du cinéma italien, et les génies de la Nouvelle Vague. Elle en est sûre, le cinéma sera sa terre promise, lieu d’émancipation et de révélation. Pour arriver à ses fins, elle emprunte des chemins de traverse. Alors qu’elle étudie le droit, elle se lance dans le mannequinat pour payer ses études.
Pendant près de 10 ans, elle enchaîne défilés et shooting photos mais le cinéma reste son rêve. Alors elle prend des cours de théâtre, et patiemment, accepte des petits rôles en Italie d’abord, à Hollywood aussi, où elle incarne l’une des hypnotisantes concubines de Dracula pour Coppola. Sa carrière débute sous le signe de sa beauté, si incontournable qu’il serait vain de passer sous silence cette incarnation mythique, quasi mystique de la beauté latine au regard de braise et aux courbes voluptueuses.
En 1995, elle se révèle en France dans L’Appartement de Gilles Mimouni, qui lui vaudra une nomination aux César. Vont alors se succéder des rôles à la diversité étourdissante. Son itinéraire de cinéma est aussi riche qu’inattendu. De Cléopâtre à Perséphone, elle explore avec joie et curiosité autant d’univers de celluloïd qu’elle croise de cinéastes de talents, d’autant que les nombreuses langues qu’elle maitrise sont autant de passeports pour le cinéma mondial.
Actrice adulée mais inclassable, elle navigue de films d’auteur en blockbusters, de Gaspar Noé aux Wachowski, en passant par Alain Corneau, Bertrand Blier, Giuseppe Tornatore, Mel Gibson, Rebecca Miller, Spike Lee ou encore, la jeune réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, qui en fait l’héroïne de ses délicates Merveilles, Grand Prix du Jury à Cannes en 2014.
L’année suivante, elle surprend en James Bond Lady dans 007 Spectre de Sam Mendes, dynamitant l’image de la représentation des femmes dans les films du célèbre espion britannique, qui se met soudain à fantasmer sur une femme de son âge. Miracle au pays des héros ! Monica Bellucci, la cinquantaine admirablement naturelle, continue à irradier les écrans de sa beauté de madone, tout en enrichissant toujours un peu plus son répertoire.
Elle joue pour Kusturica, Lelouch ou Bertrand Blier, fait confiance à de jeunes auteurs et autrices comme le québécois Guy Edoin, Alice Rohwacher, justement, ou bientôt la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, dont elle vient de terminer L’Homme qui avait vendu sa peau aux côtés du comédien belge Koen De Bouw.
Elle multiplie les expériences, portée par son regard curieux et malicieux. Elle s’essaie à la télévision, notamment avec la saison 3 de Mozart in the Jungle, ou en proposant de savoureux caméos dans Platane d’Eric Judor, ou encore dans Dix pour cent, qui laissent entrevoir un potentiel comique, encore peu exploité. Fin 2019, elle montait pour la première fois sur les planches pour interpréter des morceaux choisis de la correspondance de Maria Callas.
Une façon, une fois encore de s’inventer et se réinventer dans le regard des metteurs en scène qui lui permettent de réaliser jour après jour son rêve d’enfant.
Le 1er février prochain, Monica Bellucci succédera donc à Raoul Servais, Sandrine Bonnaire, André Dussollier, Vincent Lindon, Pierre Richard, Emir Kusturica, Costa-Gavras, Nathalie Baye et André Delvaux.
RTBF