A la Conférence de Munich sur la sécurité, le chef de l’ONU a souligné vendredi l’urgence de remettre le multilatéralisme au premier plan pour affronter les défis de la pandémie de Covid-19 et du changement climatique.
« La complexité et l’ampleur des épreuves que nous traversons à l’échelle mondiale vont croissantes, mais les mesures prises pour les affronter restent insuffisantes et manquent de cohésion », a déploré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
« Tel un rayon X, la Covid-19 a mis au jour les fractures profondes et les fragilités du monde, qui vont bien au-delà des pandémies et de la santé publique », a-t-il ajouté lors de cette conférence habituellement organisée dans la ville allemande mais qui se tient virtuellement cette année en raison de la pandémie.
Dans sa cinquième intervention à la Conférence de Munich sur la sécurité, le Secrétaire général a appelé à la mise en place rapide d’un plan mondial de vaccination contre la Covid-19. « Les vaccins doivent être disponibles et abordables pour toutes et tous, partout dans le monde. Il est en effet crucial d’assurer l’équité en matière de vaccination si l’on veut sauver des vies et redresser l’économie », a-t-il dit.
Un équité qui, selon le chef de l’ONU, passe par une redistribution des doses excédentaires de vaccins, le déboursement des 6,8 milliards de dollars nécessaires à la mise en œuvre de l’initiative COVAX, et le doublement de la capacité de production mondiale notamment par des partages de licences et des transferts de technologie. « Je pense que le G20 est bien placé pour mettre en place une équipe spéciale d’urgence qui serait chargée d’élaborer un plan de vaccination mondial associant les pays, les entreprises, les organisations internationales et les institutions financières qui ont l’autorité, l’expertise et les capacités productives et financières nécessaires », a-t-il dit.
Le climat est la deuxième priorité soulignée par M. Guterres qui souhaite voir l’objectif de neutralité carbone atteint d’ici le milieu du siècle. « Il y a des raisons d’espérer », a-t-il dit. Des pays produisant plus de 65% des émissions de gaz à effet de serre et représentant plus de 70% de l’économie mondiale se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Le Secrétaire général espère atteindre un taux de 90% d’ici à la prochaine conférence de l’ONU sur le climat (COP26) qui se tiendra en novembre à Glasgow, au Royaume-Uni.
« Tous les pays, villes, entreprises et institutions financières devraient fixer des critères de référence pour assurer la transition vers la neutralité carbone au cours des 30 prochaines années », a dit M. Guterres, appelant à prendre dès aujourd’hui des mesures concrètes : fixer le prix du carbone, mettre fin au subventionnement et au financement du charbon et des autres combustibles fossiles, et réinvestir les fonds ainsi libérés dans les énergies renouvelables.
Apaiser les tensions géopolitiques et redéfinir la gouvernance mondiale
A la Conférence de Munich sur la sécurité, António Guterres a plaidé pour un apaisement des tensions géopolitiques actuelles, insistant que les problèmes les plus graves ne pourront être résolus si les pays les plus puissants continuent de s’opposer.
« Notre monde ne supportera pas un avenir dans lequel les deux plus grandes économies diviseraient la planète en deux zones opposées, de part et d’autre d’une Grande Fracture, chacune dotée de sa propre monnaie dominante et de ses propres règles commerciales et financières, de son propre Internet et de ses propres capacités en matière d’intelligence artificielle », a-t-il prévenu en référence à la Chine et aux Etats-Unis.
Le Secrétaire général a mis en garde face à une fracture technologique et économique qui risque de se muer en fracture géostratégique et militaire. « C’est ce que nous devons éviter à tout prix », a-t-il dit, réitérant son appel en faveur d’un cessez-le-feu mondial.
Il a particulièrement mis en garde contre les dangers sévissant dans le cyberespace, où des attaques en tous genres se produisent chaque jour. « Les comportements dignes du Far West observés dans le cyberespace ont créé de nouveaux vecteurs d’instabilité », a-t-il dit, soulignant que « les technologies numériques doivent servir le bien, ce qui suppose une interdiction totale des armes létales autonomes ».
Pour le chef de l’ONU, l’heure est venue de redéfinir la gouvernance mondiale à l’aune du 21e siècle et de trouver de nouveaux moyens de livrer des biens publics mondiaux, parvenir à une mondialisation équitable et résoudre les problèmes communs.
« Nous n’avons pas besoin de nouvelles bureaucraties, mais nous devons renforcer le multilatéralisme de sorte qu’il s’appuie sur des réseaux reliant les organisations internationales et régionales », a-t-il dit. Un multilatéralisme qui doit également être inclusif – en mobilisant les entreprises, les villes, les universités et les mouvements pour l’égalité des genres, l’action climatique et la justice raciale – et qui respecte les droits des générations futures.
Face aux tenants d’une multipolarité grandissante, le chef de l’ONU a rappelé les enseignements de l’histoire : « Il y a plus d’un siècle, l’Europe était multipolaire, mais il n’y avait pas de mécanismes de gouvernance multilatérale. Et quel a été le résultat ? La Première Guerre mondiale ».
« L’heure est venue pour nous de faire preuve de solidarité et de coopération internationale afin de nous attaquer aux problèmes toujours plus grands et plus complexes auxquels nous faisons face », a conclu M. Guterres.