l’UE doit renforcer ses instruments électoraux contre les intérêts malveillants, avant les élections européennes de 2024, déclare Sandra Kalniete.
Sandra Kalniete (PPE, Lettonie) a rédigé le rapport de la commission spéciale du Parlement sur l’ingérence étrangère dans l’UE, y compris la désinformation. Lisez les extraits ci-dessous et regardez l’intégralité de l’interview sur la désinformation, la manipulation et l’ingérence étrangère sur la chaîne Youtube du Parlement.
Vous dirigez les travaux du Parlement sur la désinformation et l’ingérence étrangère dans la démocratie de l’UE et avez rencontré de nombreux journalistes indépendants, législateurs étrangers et représentants de l’ONU. Existe-t-il une tendance ou un défi spécifique en Europe en matière de désinformation ?
Nous avons rencontré 150 experts, législateurs et journalistes. Nous avons beaucoup appris d’eux, mais le constat général n’est pas très optimiste car la rapidité avec laquelle la réalité numérique se développe fait que le processus législatif est à la traîne. Comme l’a dit l’un des experts, la législation, la situation et ce dont nous discutons aujourd’hui, c’est déjà dépassé.
Vous avez demandé à l’UE de proposer une définition commune de la désinformation, comme certains pays l’ont fait pour les crimes de haine ou le racisme. Pourquoi est-ce important ?
Il est important d’avoir un langage commun. Lorsque vous utilisez un mot comme celui de la désinformation, vous devez savoir ce que le mot signifie. Mais il est extrêmement difficile de trouver une définition commune. Les discussions avec l’ONU ont montré les difficultés des pays qui ne font pas partie de l’Union européenne. C’est assez facile pour nous. Nous avons un ensemble de valeurs, mais ces valeurs ne sont pas les valeurs de l’ensemble de l’ONU. Il y a des pays où la démocratie est appelons-la une « démocratie de contrôle », qui est une sorte de manipulation des élections.
Ensuite, il y a les autocraties et les dictatures. Pour elles, la désinformation est un outil idéologique pour assurer le contrôle. C’est pourquoi l’Union européenne doit prendre les devants et au moins s’entendre sur le terme de désinformation (qui peut alors être) adopté par d’autres institutions.
Nous sommes à un an des élections européennes. Dans votre rapport, vous dites que la Russie investit massivement dans le financement des partis politiques dans les pays démocratiques. Quel impact cela aura-t-il ?
Vous touchez à l’un des enjeux absolument vitaux pour notre démocratie, parce que la démocratie est un système ouvert. Dès qu’un pays tiers hostile arrive avec ses propres intérêts, finançant des organisations non gouvernementales ou des fondations mandataires, qui sont utilisées pour renforcer leurs intérêts et diviser nos sociétés, nous devons nous protéger.
En parlant d’élections, je pense que l’une des parties les plus importantes d’une élection est de renforcer les instruments électoraux : le système de vote, le dépouillement des votes, etc. Deuxièmement, il est important de protéger l’indépendance des médias et de soutenir le journalisme d’investigation car les journalistes d’investigation peuvent suivre l’argent sale et la façon dont il s’infiltre, de manière très secrète, dans l’Union et complique le processus démocratique normal.
Éducation aux médias, vérification des faits, résilience contre la manipulation et les fausses nouvelles. Tout cela est également important.
Les médias rapportent que la Russie a triplé le budget de la propagande sur la guerre ukrainienne et qu’une partie de cet argent et de cette propagande doit également être diffusée dans d’autres pays. Comment l’Europe peut-elle mener cette guerre de la communication ?
Nous avons fermé Sputnik et Russia Today. Ils diffusaient dans de nombreux pays et dans de nombreuses langues. C’était un signal très fort adressé à la Russie, indiquant que nous n’allons pas accepter ce type d’instrument de désinformation dans l’Union européenne. Le problème est que Russia Today, Sputnik et d’autres médias se sont immédiatement tournés vers les domaines où nous n’avons aucun pouvoir : les réseaux sociaux – Telegram et Tik Tok et Facebook… Peu importe ! C’est l’un des problèmes.
Cependant, il ne s’agit pas seulement de contrer, il faut aussi créer des contenus proactifs, attractifs et intéressants pour les consommateurs… Et c’est quelque chose que nous essayons de faire.