Le nouveau chef de l’État sénégalais, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a prêté
serment le 2 avril 2024 en présence de huit chefs d’État des pays voisins, du corps diplomatique et de personnalités du monde politique, scientifique et culturel.
Dix jours seulement après sa sortie de prison, il avait été élu président de la République du Sénégal, le 24 mars 2024 avec une large majorité de 54,8%. Il est ainsi le cinquième président du Sénégal depuis l’indépendance en 1960. Son investiture a eu lieu la veille de la fête de l’indépendance.
Ses deux épouses étaient également présentes, ce qui constitue une première dans l’histoire du Sénégal. Dans son discours d’investiture, le président a notamment déclaré :
« Devant Dieu et la nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la fonction de Président de la République du Sénégal, d’observer et de faire observer
scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois ».
Son programme
Dans son premier discours en tant que futur président, Diomaye Faye a exposé son programme politique. Il s’est engagé à « gouverner avec humilité et transparence ». Il a assuré la communauté internationale que les accords bilatéraux et multilatéraux seront respectés. Il a notamment déclaré ce qui suit:
« Le Sénégal continuera d’être un pays ami et un allié sûr et fiable de tout partenaire qui s’engage avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive ». Faye souhaite instaurer plus d’équité dans les relations internationales et des partenariats gagnant-gagnant.
Lors de son intervention, il a réitéré sa promesse de « changement systémique » et se veut le garant « d’une démocratie renforcée » et d’une « justice indépendante dans un Sénégal « apaisé ».
Bassirou Diomaye Faye se présente comme l’homme de la « rupture », de la
restauration de la « souveraineté » et d’un « panafricanisme de gauche ». Il promet de « lutter contre la corruption à tous les niveaux », d’œuvrer pour la refondation des institutions et pour le vivre ensemble. Il promet de lutter pour l’amélioration des conditions de vie des Sénégalais*, pénalisés par un coût de la vie actuellement élevé. Faye promet plus de justice et une meilleure répartition des richesses. Il veut également lutter contre « l’hyperprésidentialisme ».
Le nouveau président aspire en outre, avec son parti PASTEF, à dire adieu au franc sénégalais et à introduire une monnaie nationale.
Le principal défi actuel est celui de l’emploi: 75 % de la population sénégalaise a moins de 35 ans et le taux de chômage est d’environ 20 % .
Faye a composé son nouveau gouvernement, dirigé par son Ousmane Sonko en
tant que Premier ministre. Pour cela, il a pensé y intégrer « des Sénégalaises et des Sénégalais de l’intérieur et de la diaspora, reconnus pour leur intégrité, leur compétence et leur patriotisme ».
Qui est le nouveau président du Sénégal ?
Bassirou Diomaye Diakhar Faye est né le 25 mars 1980 à Dianndiaye, un village de Ndiaganio, dans la région de Mbour, au Sénégal. On l’appelle Diomaye, ce qui
signifie « l’honorable » en sérère, sa langue maternelle. Le lendemain des élections, il a fêté son 44e anniversaire – avec la victoire électorale comme sans doute le plus beau cadeau de sa vie jusqu’à présent.
Diomaye Faye a étudié le droit à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et, après avoir passé le concours de l’École nationale d’administration (ENA), il est devenu inspecteur des impôts à la Direction générale des impôts. C’est là qu’il a fait la connaissance de son mentor, Ousmane Sonko, qui était également inspecteur des impôts. Diomaye Faye a également été un fervent syndicaliste en tant que secrétaire général du syndicat des impôts.
Diomaye Faye a fait sa scolarité à l’école de la mission catholique, aujourd’hui école Marie Médiatrice à Ndiaganio, ce qui laisse penser que la cohésion entre les religions et le dialogue islamo-chrétien seront maintenus.
Il a passé son baccalauréat au Lycée Demba Diop de Mbour. Originaire d’une région rurale, Faye avait autrefois aidé à cultiver les champs de ses parents pendant les vacances et explique dans une interview sa mentalité de travailleur et de cultivateur: il sait aller chercher de l’eau, porter des fagots de bois sur la tête, piler le mil, cuisiner et faire le ménage. Par ces déclarations, il souligne son souhait de tendre vers l’égalité des sexes, car ces activités sont exclusivement attribuées aux femmes dans les régions rurales du pays. Faye souligne le respect qu’il a pour le travail de sa mère et le soutien auquel elle a droit. De nombreux jeunes Sénégalais peuvent s’identifier à son parcours.
Bassirou Diomaye Faye vit ouvertement polygame. Il a deux épouses : Sa première épouse, Marie Khone Faye, est titulaire d’un master en sciences économiques et semble être reconnue comme première dame. Faye est marié avec elle depuis 15 ans, ils ont trois fils et une fille. Avec sa deuxième épouse, Absa Faye, qui a fait des études de fiscalité bancaire, Faye est marié depuis près d’un an. Le couple n’a pas encore d’enfants. Le président assume son statut de polygame et a présenté officiellement ses deux épouses. Depuis l’investiture de leur mari, elles sont les Premières Dames du pays.
Au Sénégal, la polygamie est plus une tradition culturelle qu’une pratique religieuse. Elle est autorisée et légale au Sénégal. Le nombre d’épouses d’un homme peut aller jusqu’à quatre. Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, 32% des Sénégalais seraient polygames. La plupart se réfèrent à l’islam et à la sourate « An Nissa », dans laquelle la polygamie est mentionnée.
Reste à savoir comment cette situation sera traitée dans le cadre international et dans le contexte des protocoles d’usage.
Le parcours politique de Faye
En 2014, Diomaye Faye avait fondé avec Ousmane Sonko et un groupe d’amis le parti PASTEF, c’est-à-dire le Patriote Africain du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité. Il a occupé le poste de secrétaire général du parti jusqu’en 2022. Il a élaboré le programme pour les élections présidentielles en 2019 auxquelles Ousmane Sonko a participé. En 2021, Ousmane Sonko a eu des démêlés avec la justice et a été arrêté pour « trouble à l’ordre public ». Son arrestation a donné lieu à des manifestations violentes qui ont fait quatorze morts, selon Amnesty International.
Lors des élections législatives de 2022, Bassirou Diomaye Faye a perdu le vote
dans sa propre commune. On lui a notamment reproché son manque d’expérience politique. En avril 2023, il a été accusé d’outrage à la magistrature » et «d’atteinte à la sûreté de l’État et appel à l’insurrection. » Faye a été incarcéré pendant onze mois. Depuis sa prison, il coordonnait les travaux en vue des élections de cette année. Suite à une loi d’amnistie, il a été libéré peu avant les élections de mars de cette année. Avec Ousmane Sonko, il a mené une campagne électorale de dix jours et a voyagé dans tout le pays. Lors de leurs meetings, ils ont attiré de grandes foules. Leur slogan « Sonko mooy Diomaye » « Sonko est Diomaye » montre qu’ils partagent la même vision politique pour le pays.
Les attentes du peuple sont immenses. La réalité sur le terrain risque d’être tout autre. Le président devra relever les nombreux défis, surtout le problème crucial de l’emploi des jeunes, des femmes et de la migration. Le contexte social pourrait l’amener à prendre des mesures qui ne correspondent pas à sa vision du monde politique et à ses promesses.
Conclusion
Cette victoire éclatante est aussi celle de son compagnon, «son jumeau politique» Ousmane Sonko qui a su gagner l’estime populaire grâce à son charisme, à sa détermination et son sens du patriotisme.
Le tandem Ousmane Sonko-Djomaye Faye a écrit une nouvelle page de la politique Cette élection incarne le triomphe de la démocratie. Diomaye Faye a gravé son nom dans les mémoires et a marqué le paysage politique. Son ascension fulgurante demeurera à jamais dans la conscience collective du peuple sénégalais.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana,
Députée au Parlement Européen
1 ère Vice-Présidente de la Commission «Développement»
Vice-Présidente de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE
Vice-Présidente de la Délégation avec le Parlement Panafricain