L’historien français Benjamin Stora estime que la reconnaissance par la France de l’assassinat du nationaliste algérien Ali Boumendjel est « un geste » symbolique qui en appelle d’autres, dans une interview à un journal algérien. « Il faut prendre la mesure de chaque pas accompli et en proposer d’autres. Un geste succède à un geste », soutient l’historien dans cet entretien publié jeudi dans le quotidien francophone El Watan.
M. Stora, spécialiste reconnu de l’histoire contemporaine de l’Algérie, avait été chargé en juillet par le président Emmanuel Macron de « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie (1954-1962) ».
M. Macron a reconnu mardi, « au nom de la France », que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée française pendant la Bataille d’Alger en 1957.
Dans son rapport remis au président français le 20 janvier, Benjamin Stora, un ami de la famille Boumendjel, préconisait la reconnaissance officielle de l’assassinat du militant, avoué par l’officier parachutiste français Paul Aussaresses dans ses mémoires. Alger a salué jeudi « avec satisfaction » l’initiative d’Emmanuel Macron, selon un communiqué officiel.
Mais les autorités algériennes réclament également l’ouverture des archives coloniales ainsi que le règlement de la question des « disparus » de la guerre d’indépendance –plus de 2.200 personnes selon Alger– et celle des essais nucléaires français dans le Sahara algérien.
« Les gestes symboliques ne peuvent avoir de portée que s’ils sont appuyés de mobilisations citoyennes sur chacune des questions: les archives, les essais nucléaires, les disparus », estime M. Stora. « Il faut sortir du cadre du politique étroit et peut-être dégager des mobilisations originales sur des grandes questions de mémoire. »
Diversement accueilli, le rapport de l’historien a soulevé de vives critiques aussi bien en Algérie qu’en France, notamment pour ne pas avoir préconisé des « excuses » de Paris pour les crimes de la période coloniale. « C’est aux acteurs de la société civile de s’en emparer et s’ils ne sont pas d’accord avec mes préconisations ou les trouvent insuffisantes, qu’ils en avancent d’autres », répond M. Stora dans l’entretien.
Source : OLJ