Analyse Jean-Baptiste François
La conférence spatiale européenne a lieu à Bruxelles mardi 21 et mercredi 22 janvier pour réfléchir aux nouveaux objectifs du secteur pour la décennie à venir. Un rendez-vous organisé au moment où le débat budgétaire européen bat son plein, et alors que la Commission européenne veut afficher de nouvelles ambitions politiques.
C’est sans nul doute un domaine sur lequel l’Union européenne espère capitaliser de la sympathie, alors que 90 % des Européens voient d’un bon œil l’activité spatiale (1), que ce soit pour mieux comprendre l’univers (93 %) ou pour faciliter le quotidien via la navigation par satellite (89 %).
C’est pourquoi neuf commissaires européens participeront à la 12e conférence spatiale européenne à Bruxelles le 21 et le 22 janvier, en compagnie de ministres européens et d’industriels du secteur, pour plancher ensemble sur l’intitulé « Nouvelle décennie, ambition mondiale : croissance, climat, sécurité et défense ».
Quelques fusées de retard…
L’UE arrive à un tournant décisif pour l’avenir du spatial, alors qu’elle se trouve en plein débat sur son cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, et que le Vieux Continent est concurrencé de toute part, et parfois distancé dans certains domaines clés. En 2019, l’Europe a réalisé 9 lancements de satellites via Arianespace, contre 34 pour la Chine, 27 pour les États-Unis et 22 pour la Russie.
Quarante ans après sa création, le lanceur européen mise sur la fusée Ariane 6, prévue pour le second trimestre 2020, pour redevenir compétitif. Il faudra aussi trouver les grandes missions spatiales de demain, à l’image du lancement de la sonde Rosetta par l’Agence spatiale européenne (ESA) sur la comète Churyumov-Gerasimenko dite « Chouri » en 2014, alors que la Nasa a relancé la conquête spatiale avec la promesse d’envoyer de nouveau des astronautes américains sur la Lune en 2024, et de leur faire atteindre Mars en 2033.
… Mais aussi quelques programmes spatiaux en avance
Pour l’heure, l’UE est à la pointe dans le domaine spatial à travers trois grands programmes qui sont autant de choix stratégiques. D’abord Copernicus, consacré à l’observation de la Terre : il s’agit d’un réseau de sept satellites opérationnel depuis 2014, et dont la mission est dès à présent de livrer des informations détaillées sur l’environnement, le climat, l’agriculture. Ensuite Galiléo, imaginé en 1999 pour mettre fin à la dépendance de l’Europe vis-à-vis du système américain, le GPS, est opérationnel depuis 2016 et il devrait tourner à plein régime en 2020, lorsque les 30 satellites prévus seront en orbite, contre 26 aujourd’hui.
Enfin, depuis 2009, le programme baptisé EGNOS améliore les performances des systèmes de navigation comme le GPS ou Galiléo, notamment en corrigeant les perturbations ionosphériques dues aux éruptions solaires. Cet outil est indispensable pour sécuriser la géolocalisation dans des domaines ayant besoin d’une très grande fiabilité, comme la navigation aérienne, maritime, ou terrestre.
Un projet de budget à la hausse
La Commission européenne propose à l’avenir de renforcer ces points forts, avec un budget de 16 milliards d’euros sur 2021-2027 consacré au spatial, contre 11,1 milliards pour la période 2014-2020, et 4,6 milliards d’euros sur 2007-2013.
Une grosse partie de ces nouveaux moyens (9,7 milliards d’euros) serviront à assurer le bon fonctionnement de Galileo et EGNOS, tandis que 5,8 milliards d’euros seront affectés à Copernicus pour lui assigner une nouvelle mission sur le changement climatique. Les 500 millions d’euros restants serviraient à l’amélioration des performances et à l’autonomie de la « surveillance de l’espace » (SSA) ainsi qu’au programme de télécommunications gouvernementales sécurisées par satellite (Govsatcom).
Reste maintenant à savoir si ce projet de budget résistera aux tractations entre États-membres, mais aussi au Brexit. Le Royaume-Uni est un acteur incontournable du secteur spatial européen avec la France, l’Allemagne et l’Italie. À la pointe des technologies, les Britanniques ont grandement contribué à Galileo, notamment sur son pilier sécurité. De nombreux géants industriels européens, comme Airbus et Thales ont des filiales Outre-Manche.
(1) Sondage d’Harris Interactive sur un échantillon de 5 395 Européens, publié le 26 novembre 2019.
Source : La-Croix