Depuis l’année dernière, le Sénégal est sous les feux des projecteurs de l’actualité internationale. Avec le vote présidentiel de 2024, il révèle à l’Afrique et au monde entier qu’il est toujours une figure de proue de la démocratie et du respect des libertés, en Afrique.
Les élections présidentielles : Mission d’Observation Électorale (MOE-UE)
Les élections présidentielles ont eu lieu le 24 mars 2024, dans une atmosphère de paix, de sérénité et de confiance au principes démocratiques. Le Parlement
européen a délégué cinq députés issus de quatre groupes politiques différents et de cinq pays de l’Union européenne. A cela, il faut ajouter, des observateurs de 27 états membres de l’UE, du Canada, de la Norvège et de la Suisse, chargés d’évaluer le processus électoral pour sa conformité aux normes internationales en matière d’élections démocratiques et à la législation sénégalaise. Outre la délégation parlementaire européenne, il faut noter la présence, depuis le 13 janvier 2024, de Mme Malin Björk a cheffe observatrice de la MOE-UE Sénégal 2024. Elle est originaire de la Suède et députée membre de la Gauche au Parlement Européen.
Le Sénégal est un pays de longue tradition démocratique. Il est connu pour son
attachement profond aux valeurs démocratiques. Depuis 1848, Les Sénégalais vont aux urnes. Les Sénégalaises ont acquis le droit de vote longtemps avant que la France ne l’accorde aux femmes Françaises, en 1944 et la Belgique aux femmes Belges en 1948. C’est dire combien les valeurs démocratiques et surtout la confiance dans les institutions sont ancrées dans les mentalités de la population. Le rejet de tout tripatouillage de la Constitution est une constante au Sénégal.
Après quelques soubresauts politiques, le scrutin a finalement eu lieu le dimanche 24 mars 2024. En effet, le 3 février 2024, Macky Sall, le Président de la République sortant, avait annoncé le report des élections au 15 décembre
2024. Cela a donné lieu à de vives réactions et manifestations au cours desquelles on a déploré des pertes de vie.
Par ailleurs, le Président Macky Sall avait invité tous les partis politiques du
Sénégal à participer à un dialogue national, mais il s’est vu opposer un non
catégorique. Ce report a fait de nombreuses vagues au sein de la population qui, au cours des deux années précédentes, a fait les frais de violences sporadiques ponctuées de procès intentés à Ousmane Sonko, le principal opposant du pays.
La dissolution du parti d’Ousmane Sonko, le PASTEF-Les Patriotes (Patriotes
Africains du Sénégal pour le Travail , l’Ethique et la Fraternité) suivie de son
arrestation et de celle de Diomaye Faye, le Président nouvellement élu, a plongé le pays dans une grave crise politique marquée par le décès de quatre personnes.
L’intervention du Conseil Constitutionnel qui invitait le Président Macky Sall à tenir des élections «dans les plus brefs délais» et la libération des deux candidats du PASTEF, Ousmane Sonko et Diomaye Faye, ont fortement contribué au climat d’apaisement qui a précédé la tenue de l’élection. Les populations ont accueilli avec soulagement, le décret d’amnistie qui annonçait la sortie de prison d’Ousmane Sonko, le charismatique opposant et son «jumeau politique». Leur slogan : «Sonko moy Diomaye Faye / Diomaye Faye moy Sonko (Sonko c’est Diomaye Faye/Diomaye Faye c’est Sonko» va permettre à Diomaye Faye de prendre les rênes du pays.
L’Union européenne
Sur invitation des autorités sénégalaises, l’Union Européenne avait déployé, dès le 13 janvier 2024, une Mission d’observation électorale (MOE-UE) , Le jour du scrutin 100 observateurs*trices étaient présents dans 406 bureaux de vote répartis dans 40 des 46 départements des 14 régions du pays.
Le scrutin
Selon la cheffe de la Mission d’Observation Électorale de l’Union européenne, Malin Björk : «Le processus électoral a été fortement impacté par une crise politique majeure dont le pays est sorti par le haut grâce à la résilience de l’état de droit et une élection ouverte et bien organisée.»
La MOE-UE est indépendante dans ses conclusions et adhère à la Déclaration de principes pour l’observation internationale des élections, signée aux Nations
Unies, en octobre 2005.
Le vote s’est déroulé de façon ordonnée, dans le calme et la sérénité. Il n’y a eu
aucune contestation de la part de l’opposition, ce qui est une première dans l’histoire électorale du Sénégal. Le processus électoral a été bien organisé. Tous les bureaux de vote ont reçu á temps le nombre de bulletins requis.
La CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) était présente dans tous les bureaux de vote ainsi que les mandataires des partis. Le dépouillement s’est fait de façon transparente.
Les présidents de centres régionaux ont respecté les heures d’ouverture et
de fermeture des bureaux. Par contre, la société civile était faiblement représentée.
La parité au sein des membres du bureau était perceptible, mais les présidents de bureaux et de centres étaient en général des hommes, contrairement aux
assesseurs et aux secrétaires qui, dans bien des cas, étaient des femmes. De
nombreux électeurs*trices n’ont pas pu voter dans le département de Keur
Massar, en raison du redécoupage administratif de 2021.
En dépit d’une forte expérience électorale, le Sénégal utilise lors des consultations électorales des bulletins de vote multiples. Il s’agit de plusieurs bulletins séparés pour chaque candidat aux couleurs différentes. Dans le cas précis du vote du 24 mars, les électeurs devaient prendre au minimum 5 bulletins de vote des 19 candidats.
Dans la plupart des cas, ils n’en n’ont pris que 2 ou 3 et parfois même qu’un
seul. L’adoption du bulletin unique qui liste tous les candidats, l’électeur votant
étant sensé cocher le nom ou le logos du candidat de son choix dans le Code
électoral, nous semble judicieux et éviterait cette pléthore de papier.
Devant les bureaux de vote, des images expliquaient aux personnes vivant avec un handicap de sourd-muet comment voter. Par contre, il n’y avait pas partout des rampes pour faciliter l’accès aux bureaux de vote pour les personnes à mobilité réduite. Ils ont, en général, bénéficié de la solidarité de leurs accompagnateurs ou de personnes qui les aidaient spontanément lorsqu’ils étaient en chaise roulante.
Les salles de classe utilisées pour la tenue du scrutin ne bénéficiaient pas toujours d’un éclairage optimal, si bien que la plupart des membres du bureau de vote devaient utiliser leur propre cellulaire pour lire les résultats.
En conclusion, le scrutin s’est déroulé de façon ordonnée et efficace et il était bien conçu. Compte tenu de la période du Ramadan, la plupart des citoyens ont exprimé leur vote au cours de la matinée et fait preuve de patience malgré les longues files d’attente. Le Sénégal a ainsi relevé le grand défi auquel il était confronté et a donné une image positive du processus électoral qui s’est déroulé dans le respect des principes démocratiques et surtout dans la paix.
Le Sénégal en liesse: une victoire inédite
Dès la fermeture des bureaux de vote à 18H., la foule a pris d’assaut le siège du parti PASTEF et la maison du futur Président de la république. Elle clamait la victoire de son candidat et scandait de nombreux slogans en Wolof, la langue majoritairement parlée au Sénégal. Elle chantait ces slogans spontanément tels que « Diomaye, nam na-la, Diomaye on t’aime Diomaye. On a gagné.»
Concert de casseroles, de klaxons et de Vuvuzela se mêlaient aux pas de danse que les jeunes esquissaient dans tous les quartiers de Dakar. La joie, le soulagement et une ambiance de fête régnaient partout en cette journée dominicale de vote.
Les résultats officiels n’avaient pas encore été dévoilés, mais Amadou Bâ, poulain de la mouvance présidentielle, a reconnu sa défaite face à l’opposant Diomaye Faye et l’a félicité en ces termes :
« Au regard des tendances des résultats de l’élection présidentielle et en attendant la proclamation officielle, je félicite le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pour sa victoire dès le premier tour. Je prie le Tout Puissant de lui accorder l’énergie et la force nécessaires pour assumer cette haute fonction à la tête de notre pay.”. s. Je lui souhaite beaucoup de réussite et de succès pour le bien-être du peuple sénégalais.“
Macky Sall, le Président de la République sortant lui a emboîté le pas en déclarant:
«Je salue le bon déroulement de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 et félicite le vainqueur, M. Bassirou Diomaye Faye, que les tendances donnent gagnant. C’est la victoire de la démocratie sénégalaise. »
Les félicitations de la classe politique ont fusé de toutes parts et ont pris une allure de fête, alors que les résultats officiels n’étaient pas encore proclamés. Leur proclamation était prévue pour le Vendredi 29 Mars 2024. Les télévisions privées et les radios communautaires se sont faites l’écho de cette liesse populaire.
Le vote de la Diaspora
En France, la plus forte Diaspora en Europe, a voté en grande partie Diomaye Faye. En Allemagne, la majorité des Sénégalais a également voté Diomaye
Faye et Amadou Bâ en seconde position. Il n’y a pas eu d’incident majeur.
Le vote s’est déroulé paisiblement. Il en est de même en Italie, en Espagne, en Belgique et en Angleterre. Les Sénégalais vivant aux Etats-Unis et au Canada se sont surpassés avec leur aide financière. La diaspora sénégalaise a contribué financièrement à la campagne électorale. La grande majorité de ces fonds sont venus des Etats-Unis, du Canada et d’Europe.
Conclusion
Le triomphe du PASTEF et, plus concrètement, celui de Bassirou Diomaye Faye à
l’élection présidentielle au Sénégal va changer la donne. Les défis auxquels le
nouveau gouvernement va être confronté sont nombreux. En tout premier lieu, la question de l’emploi des jeunes qui se sont mobilisés pour une politique de la «rupture», et «un changement» sera la question primordiale à résoudre. Si ce vote sanctionne le bilan du président sortant, il va mettre à nu les difficultés à réaliser les attentes de la population.
Par cette élection, le Sénégal vient d’inscrire en lettres d’or, un chapitre éclatant de son Histoire en réussissant une alternance démocratique sans effusion de sang, dans la paix, la transparence et le respect des institutions démocratiques.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana,
Députée au Parlement Européen
1 ère Vice-Présidente de la Commission «Développement»
Vice-Présidente de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE
Vice-Présidente de la Délégation avec le Parlement Panafricain