Sophie Scholl (1921-1943), figure de proue de la résistance durant le 3ème Reich.
Dans quelques semaines, les élections européennes auront lieu. Nous présentons dans cette série des Femmes Européennes éminentes qui ont marqué l’histoire. Elles sont souvent méconnues. Nous commençons avec notre État membre, l’Allemagne.
La Bavière au Parlement Européen
En 2021, lors de la journée mondiale de la femme, le Parlement Européen avait approuvé la proposition visant à renommer l’un de ses bâtiments en l’honneur de femmes européennes qui sont entrées dans l’histoire. Nous sommes particulièrement ravie de cette nomination qui propulse notre région, la Bavière, et plus particulièrement sa capitale Munich, avec le rôle prépondérant qu’a joué Sophie Scholl, figure de proue du mouvement de la Résistance «La Rose Blanche.» Son courage, sa détermination sont un exemple et une inspiration pour notre jeunesse.
Le bâtiment situé au 50 Rue de Wiertz à Bruxelles a été inauguré, le 10 avril 2024 par la présidente du Parlement Européen, Mme Roberta Metsola, e présence de l’ambassadeur d’Allemagne en Belgique, S. E. Monsieur Kotthaus. Le bâtiment porte désormais le nom d’une éminente militante Allemande profondément anti-nazie.
Ils sont nombreux les Allemands qui n’approuvaient pas l’idéologie des Nazis durant la période sombre de l’histoire du National-Socialisme. Des milliers de résistants ont payé de leur vie leur engagement politique, telle Sophie Scholl et les membres du mouvement «La Rose Blanche.» car comme le mentionne le 5e tract qu’elle a écrit :
« Hitler a perdu la guerre, il ne peut plus que la prolonger: Peuple allemand, que fais-tu? Tu ne vois pas, tu n’entends pas. Tu t’en vas à l’aveuglette, guidé par ceux qui te perdent. Déchirez le manteau d’indifférence qui enveloppe votre cœur ! Voulons-nous, demain et pour l’éternité, être le peuple haï et rejeté de tous ?: C’est une guerre de libération qui commence. La meilleure partie de notre peuple lutte à nos côtés. Il exige la liberté de parole, la fin de l’arbitraire. Il évoque déjà une Allemagne fédérale. Il annonce les fondements d’une société nouvelle. Il parle de conscience, d’honneur retrouvé. »
De nombreux résistants Allemands se sont élevés contre Hitler, mais leur histoire est méconnue à l’étranger et ne fait pas partie de la conscience collective. Sophie Scholl, 21 ans et son frère, Hans Scholl, 24 ans ont été condamnés à mort et exécutés à la guillotine à la prison de Stadelheim à Munich par la Gestapo, le 23 février 1943.
Sophie Scholl (1921-1943) militante antinazie
Sophie Scholl est née le 9 mai 1921 à Forschtenberg au nord de Stuttgart dans le Bade-Wurtemberg. Elle est la 4ème fille d’une fratrie de six enfants. Cette étudiante en biologie et philosophie de l’université de Munich fut une militante politique engagée et le pilier du mouvement «La Rose Blanche». Dans les années 1930, comme toutes les jeunes filles Allemandes de cette époque, elle adhère à la BDM (Bund Deutsche Mädel) la Ligue des jeunes filles Allemandes, une forme de scoutisme à la sauce nazie qui permettait ainsi d’endoctriner allègrement la jeunesse. Dès l’âge de 10 ans, les jeunes étaient enrôlés dans ces organisations qu’on appelait les jeunesses hitlériennes. Ils participaient ainsi à des camps de vacances, à des programmes éducatifs et des activités sportives destinés à renforcer leur loyauté envers le parti nazi.
Hans-Jürgen Massaquoi, né en 1926, métis allemand et petit-fils du consul libérien à Hambourg rapporte dans son œuvre autobiographique qu’il enviait ses amis qui faisaient partie des jeunesses hitlériennes. En raison de la couleur de sa peau, Hans-Jürgen n’y avait pas droit, Tante Möller lui avait tricoté la croix gammée sur son pull pour le consoler.
À cette époque, ces les jeunesses hitlériennes étaient bien vues aux yeux de la population allemande. Sophie comprend vite que les enseignements de la Ligue vont à l’encontre de ses valeurs chrétiennes et de sa culture humaniste. Elle crée avec son frère aîné et leurs amis le mouvement clandestin de «La Rose Blanche.»
«La Rose Blanche»
était un mouvement de résistance composé d’une dizaine d’étudiants Allemands et de leur professeur. La rose blanche symbolise, l’amour, la paix mais surtout le renouveau de lendemains heureux, en tirant un trait sur le passé douloureux. C’est probablement la signification de ce mouvement qui rejetait l’idéologie nazie. Au début, seuls trois personnes en faisaient partie Sophie son frère Hans Scholl (24 ans) et leur ami Alexander Schmorell. Tous trois étudiants à Munich, voulaient interpeller leurs compatriotes qui en silence ne cautionnaient pas toutes les exactions commises au nom du peuple allemand par le régime du 3eme Reich.
La Rose Blanche appelait à la résistance contre Hitler en diffusant des tracts. Le mouvement comptait jusqu’á 10 étudiants qui n’hésitaient pas à sillonner le pays pour aller diffuser leurs tracs de propagande anti-nazie dans des lieux fréquentés par les intellectuels. C’était un acte très courageux à l’époque.
De la fin juin à la mi-juillet 1942, Hans Scholl et Alexander Schmorell rédigent les quatre premiers tracts, parsemés de citations tirés de la Bible et des grands auteurs allemands comme Goethe, Schiller, Novalis.
Issus de la bourgeoisie allemande, les membres de la Rose Blanche pensaient que les intellectuels adhéreraient plus facilement à leurs idées, s’ils s’adressaient à eux dans un langage qui leur était familier.
Les membres de la «Rose Blanche» déposaient leurs tracs dans des annuaires de téléphone, dans des cabines téléphoniques ou ils les envoyaient par la poste ou par des coursiers. En tant que femme, Sophie Scholl n’éveillait pas la méfiance de la Gestapo. Il y avait peu de chances qu’elle soit arrêtée par la police qui n’aurait jamais pu s’imaginer qu’elle avait dans son cartable des tracts de propagande contraire à l’idéologie du National-Socialisme.
Arrestation et exécution
Le 18 février 1943, Sophie et Hans Scholl se rendent à l’université Ludwig Maximilian de Munich pour diffuser des tracts dans les couloirs de l’université afin que les étudiants les trouvent en quittant les cours.
Le concierge de l’université les surprend au moment où ils lancent les tracts dans la cour intérieure de l’université. Il les dénonce à la Gestapo qui arrêtent Sophie et Hans Scholl manu militari. Après trois heures d’un interrogatoire serré où prennent part le doyen de l’université, le recteur et un simulacre de «tribunal du peuple» «Volksgerichtshof,» ils sont condamnés à mort pour «haute trahison, propagande subversive, complicité avec l’ennemi et démoralisation des forces militaires. » Sophie est guillotinée le jour même, le 22 février 1943 à Munich, à la prison de Stadelheim. Elle est enterrée au cimetière de Perlach aux côtés de son frère et de leur ami , tous trois exécutés le même jour .
Peu avant son décès, Sophie Scholl aurait confié à sa co-détenue le rêve qu’elle aurait eu : «Par un jour ensoleillé je portais un enfant en langes blancs pour le faire baptiser. Le chemin de l’église suivait une montagne escarpée. Toutefois je serrais l’enfant en sécurité dans mes bras. Quand soudain il y eut devant moi une crevasse. J’ai eu juste le temps de déposer l’enfant de l’autre côté avant de tomber dans le précipice ».
Sophie Scholl explique le sens de ce rêve : «L’enfant est notre idée, elle s’accomplira malgré les obstacles. Nous pouvions en être les précurseurs, mais nous devions mourir auparavant pour elle.»
Le 27 juin 1943, Thomas Mann, l’un des plus grands écrivains Allemands leur a rendu hommage sur les ondes de la BBC en ces termes : «Courageux, magnifiques jeunes gens ! Vous ne serez pas morts en vain, vous ne serez pas oubliés »
De nombreuses écoles et rues portent leur nom en Allemagne. En 1980 la section de la Bavière de «Association des Editeurs et Libraires( Börsenverein des Deutschen Buchhandels)» a créé le prix littéraire Sophie Scholl, il est décerné lors de la Foire du livre à Francfort pour distinguer un livre qui : «témoigne d’indépendance d’esprit, encourage la liberté civile, le courage moral, intellectuel et esthétique et donne des impulsions importantes au sentiment de responsabilité dans le présent.»
Paris honore leur mémoire en 2020 par le «jardin Hans et Sophie Scholl» et par le collège «La Rose Blanche». De nombreuses rues également en France portent son nom et celui de la «Rose Blanche.»
En avril 2021, le ministère allemand des Finances a émis une pièce commémorative de 20 €uros en argent pour célébrer le 100e anniversaire de la naissance de Sophie Scholl.
Conclusion
Le Parlement Européen en rebaptisant un bâtiment de son nom rend hommage à Sophie Scholl. Elle a prouvé par son engagement que les valeurs humaines sont toujours au-dessus de toute idéologie, surtout celles qui ont pour but de saper la dignité humaine, et semer la haine.
Plus d’un siècle après son décès son message est toujours d’actualité. Les membres de mouvement « La Rose Blanche » sont une inspiration pour la jeunesse. Sophie Scholl a eu le courage de tenir tête aux autorités nazis qui semaient la terreur, la haine et le racisme.
Ses dernières paroles- rapportées par sa codétenue sont un viatique qui nous incitent à ne pas répondre aux appels de sirène des partis populistes et surtout ne pas laisser le vent de haine infecter la jeunesse.
« Quel beau jour, quel soleil magnifique, et moi je dois mourir. Mais combien de jeunes gens, de garçons pleins d’espoir, sont tués sur les champs de bataille… Qu’importe ma mort si, grâce à nous, des milliers d’hommes ont les yeux ouverts » – Propos rapportés par Else Gebel, qui partageait la cellule de Sophie Scholl.
Remarques
Hans-Jürgen Massaquoi. « Destined to Witness.Growing Up black in Nazi Germany »1999 (Original). ISBN 978-006095 616 .
le titre en traduction allemande : «N…, N….Schornsteinfeger. Meine Kindheit in Deutschland. Bern : Ed. Fretz &Wasmuth 1999, Livre de poche 2008 Ed. Fischer-Verlag
Dr. phil. Pierrette Herzberger-Fofana, M.A.
Mitglied des Europäischen Parlaments (MdEP)/ Europa-Abgeordnete – Députée au Parlement Européen (DEP) – 1ère Vice-Présidente de la Commission « Développement » (DEVE) – Membre de la Commission Droits des Femmes et Egalité des Genres (FEMM) – Vice-Présidente de la Délégation pour les relations avec le Parlement Panafricain (DPAP) – Vice-Présidente de l’Assemblée Parlementaire Paritaire UE-ACP (Afrique Caraïbes et Pacifique) – Co-Présidente de l’Intergroupe Parlementaire Anti-Racisme et Diversité (ARDI)